12.11.10

AMOENA = CHARMANT






Mon dictionnaire latin/français m’apprend que « amoena » se traduit par « charmant » ou « agréable ». Ainsi un iris amoena serait un iris charmant ? Qui aurait pu en douter ?

De nos jours, obtenir un iris aux pétales blancs et aux sépales colorés est à la portée de tous ceux qui hybrident, mais il n’en a pas toujours été ainsi, et si le travail est maintenant facile, il fut un temps où cette disposition des couleurs était exceptionnelle.

Dans les années 30, obtenir un amoena était un événement. En effet, pour des raisons que l’on ne s’expliquait pas, alors que de très nombreux bicolors voyaient le jour, les iris blanc sur bleu restaient exceptionnels. On attribuait ce peu de résultats à une relative rareté des parents potentiels et au faible pouvoir germinatif des graines. Le défi d’obtenir des amoenas a provoqué une certaine émulation chez les obtenteurs de l’époque. De grands noms comme Geddes Douglas, Paul Cook ou Robert Schreiner l’ont relevé. C’est cependant Jesse Wills qui, le premier, a fourni une explication basée sur sa propre expérience et sur les travaux de ses confrères. Il a fait le point dans un article publié en 1946 dont Richard Cayeux a donné une excellente traduction dans son livre « L’iris, une fleur royale » : « Les croisements entre amoenas, et même entre amoenas et les autres bicolores sont difficiles à réussir ; de plus le taux de germination des graines ainsi obtenues est inférieur à la moyenne. Quant au développement des plantules, il est lent, surtout la première année, ce qui retarde encore la floraison, de sorte que l’on doit souvent attendre la seconde, voire la troisième année, pour porter un jugement sur les iris provenant de ces hybridations. » Il ajoute, d’après ces constatations, que le blanc des pétales est un caractère récessif, et que « si les chances d’obtenir un amoena sont d’une sur trente-cinq, combien petite sont-elles quand seulement cinq ou six semis provenant d’un croisement peuvent pousser et fleurir ». Ces conclusions peu encourageantes ont incité l’AIS, sous la houlette de L.F. Randolph, d’inclure les amoenas dans une étude génétique sur la couleur des fleurs.

‘Wabash’ (E. B. Williamson 36) a marqué le début d’une longue histoire. Cet iris aux pétales blancs et aux sépales bleu pourpré liserés de blanc, est point de départ des iris amoenas. Il est le résultat du croisement de deux autres produits du même obtenteur, ‘Dorothy Dietz’ (Williamson 30) et ‘Cantabile’ (Williamson 31). Il est aussi à l’origine de ‘Bright Hour’, une obtention qui a profité des études lancées par l’AIS.

Cependant la lignée de ‘Wabash’ n’a pas eu de suite. C’est en grande partie à cause des travaux de Paul Cook et de ce qui est advenu à partir de l’apparition de ‘Progenitor’. De cette plante insignifiante sont venus ‘Melodrama’ (Cook, 1956), ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), ‘Emma Cook’ (Cook, 1957), ‘Miss Indiana’ (Cook, 1961) et d'autres d'immense valeur qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores. Cependant ce n'est pas Paul Cook qui a poursuivi dans la direction ainsi tracée. D’autres ont pris le relais et ont multiplié à l’infini le modèle amoena. Leur travail est parti essentiellement de ‘Whole Cloth’, celui des trois principaux descendants de ‘Progenitor’ qui est le plus franchement du modèle.

Aujourd’hui les amoenas sont innombrables et on en trouve dans tous les coloris. Avec des sépales bleus –ou violet – bien entendu, comme l’inaltérable ‘Alizés’ (Cayeux, 1991) ou son petit cousin ‘Deltaplane’ (Cayeux, 1993) ; en jaune comme ce qu’en un temps obtenait Barry Blyth, en Australie, et qui nous vaut ‘Alpine Journey’ (1983) ou ‘Aura Light’ (1996) ; en rose, ce dont Dave Niswonger s’est fait une spécialité qui a abouti à ‘Champagne Elegance’ (1987) ou ‘Coral Chalice’ (1983) ; en mauve (voir l’exemplaire ‘Cumulus’ – Cayeux, 2000) ; en magenta (voir ‘Calypso Beat’ – Schreiner, 2002) ; en grenat (dans le genre j’aime bien ‘Bristo Magic’ (Schreiner, 1982) ou ‘Amity Estate’ – Schreiner 2003), en orange où se distinguent ‘Fondation Van Gogh’ (M. Anfosso, 1990) ou ‘Château d’Auvers’ (Cayeux, 2003), et même en noir (ou presque) comme le montrent le fameux ‘Starring’ (Ghio, 1999) ou l’excellent ‘Midnight Moonlight’ (Baumunk, 1999).

On n’a pas fini de parler des amoenas car c’est un modèle qui plait à tout le monde. Son succès dure parce que l’association du blanc des pétales, au coloris vif des sépales, par son contraste, attire l’œil tout en générant une impression de douceur et de calme. Les amoenas sont effectivement charmants.

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