16.5.20

HISTOIRE DES TREIZE (première partie)

Les treize dont il s'agit ici ne doivent rien à Honoré de Balzac, ces personnages qui font basculer La Comédie Humaine dans l'étrange et même le fantastique. Cette chronique va aborder les différentes façon dont les couleurs se trouvent réparties sur les fleurs d'iris. Ce sont donc les treize modèles de fleur qui sont actuellement répertoriés. Il y a quelques années ils n'étaient encore que onze, mais ils se sont enrichis et sans doute continueront-ils à s'enrichir dans les années à venir car le monde des iris reste en permanente évolution. J'ai essayé de classer logiquement tout cela et de donner quelques exemples de chaque modèle, avec quelques mots d'explication à propos de leur origine et de leur évolution. Sur les catalogues des pépiniéristes spécialisés, les différents motifs et coloris sont en fait classés parmi treize modèles :
I - Self (en français « unicolore ») : pétales et sépales de couleurs identiques.
II – Bitone : deux tons dans les mêmes couleurs. Ce modèle comporte une variante :
III – Neglecta : deux tons de couleur bleue.
IV - Bicolore : pétales et sépales de couleurs différentes. Ce modèle est lui-même subdivisé en plusieurs sous-modèles :
    V - Amoena : pétales blancs et sépales de couleur.
    VI- Variegata : bicolore dans les tons jaunes (pétales) et bruns ou bleus (sépales).
    VII - Blend (en français couleurs mélangées) : combinaison de deux (ou plusieurs) couleurs, réparties sur la fleur de façon ordonnée.
    VIII - « Broken Color » (couleurs brouillées) : sur un fond uni, couleurs disposées de manière aléatoire.
    IX - Plicata : bordure ou stries colorées par des pigments anthocyaniques sur fond clair.
    X – Glaciata : variante de Plicata où la fleur n'a aucun pigment anthocyanique (bleu ou violet) et est d'un blanc, jaune ou rose très pur.
    XI - Luminata : variante de Plicata qui donne l'impression d'une lumière émanant de l'intérieur de la fleur. Modèle caractérisé par une bordure claire et l'absence de coloration au cœur de la fleur avec sous les barbes un veinage rayonnant sur les sépales.
    XII – Distallata : sur fond blanc ou clair, bordure dans les tons de jaune et, sous les barbes, veines sombres plus ou moins développées.
    XIII – Maculosa (ou « spot ») : sur fond de sépales blanc ou clair, nette et grosse tache sombre.

- Reverse (en français « couleurs inversées »): ce qualificatif concerne les modèles bicolores quand les couleurs se présentent à l'inverse de la disposition courante. Par exemple, un iris à pétales de couleur et sépales blancs est un Amoena Reverse ou Inversé.

A partir de ces définitions sommaires, voyons plus précisément de quoi il s'agit. Et commençons par expliquer d'où viennent les différentes couleurs qui font de l'iris l'un des plantes les plus diversement colorées.

 Pour nous proposer presque toutes les couleurs possibles, les iris ne disposent que de deux sources. Les pigments caroténoïdes, qui se logent dans les cellules et donnent naissance aux coloris jaunes, roses ou orangés, et les pigments anthocyaniques, qui règnent dans le liquide intercellulaire et assurent les colorations bleues ou violacées. Mais du fait de leurs localisations différentes, les pigments ne se mélangent pas ; ils peuvent tout au plus se superposer, et c'est, pure illusion optique, ce qui nous fait croire qu'il y a plein de couleurs différentes. Et si l'on ajoute d'une part les effets de la concentration des pigments et de l'autre des gènes qui se manifestent avec plus ou moins de vigueur, dans les pétales ou dans les sépales – voire dans les deux – on conçoit que la palette des couleurs que nous percevons peut être infinie.

 Les fleurs unicolores 

C'est évidemment le modèle le plus simple et sans doute le plus répandu. Une seule couleur est présente dans les pétales comme dans les sépales, et avec une même intensité (ou, à la rigueur, avec une faible différence de saturation). Mais l'arc-en-ciel ne se trouve pas totalement représenté : en effet il n'y a pas de rouge pompier et pas davantage de vert franc. La faute en est à l'absence du pigment donnant naissance au rouge vif, que la plante ne synthétise que dans les barbes, et à celle de la chlorophylle, la substance qui colore en vert. Celle-ci, qui en principe n'affecte que les feuilles, peut cependant se trouver en faible quantité dans les tépales ; dans ce cas une vague teinte verdâtre affecte les autres couleurs. En dehors de ces deux exceptions, par le jeu des superpositions de pigments, on perçoit toutes les autres couleurs.

Illustration : - 'Mer du Sud' (R. Cayeux, 1997) – un unicolore de référence


 Les fleurs en deux tons 

 Ils sont franchement innombrables les iris qui se présentent en deux tons d'une même couleur. Très souvent la couleur des pétales est légèrement plus claire que celle des sépales, mais il arrive, et c'est une originalité intéressante, que ce soit les sépales qui soient les plus clairs, on dit que les couleurs sont inversées. Pour je ne sais quelle raison lorsque le phénomène de différence de tons concerne un iris bleu ou violacé, on dit qu'il s'agit d'un iris neglecta. L'intérêt de cette distinction est de mettre à part le modèle le plus courant et le plus ancien.

Illustration :  'All the Talk' (T. Johnson 2016) – un neglecta somptueux

 Les fleurs bicolores

Le mariage de deux couleurs sur une fleur d'iris est une situation courante. Les associations de couleur sont infinies et se présentent avec une multitude de variantes. Deux associations ont reçu une dénomination particulière : l'association blanc (pétales) / bleu (sépales) a été baptisée il y a plus d'un siècle « amoena » ; elle résulte de l'intervention – plus ou moins active – d'un gène qui inhibe le développement des pigments anthocyaniques dans les pétales et parfois jusque dans la plus grande partie des sépales. Cette dénomination a été progressivement étendue à toutes les associations blanc/ couleur ; lorsque la couleur des pétales est le jaune (ou une autre couleur proche du jaune comme le beige) et celle des sépales une déclinaison de brun ou de brun-rouge, voire de bleu, on parle de « variegata ». Là encore, d'une façon de plus en plus fréquente, les obtenteurs nous proposent des fleurs bicolores inversées. Un modèle relativement courant, qui intéresse des fleurs où domine le jaune, est désigné sous le nom d'une variété exemplaire et très connue des spécialistes : le modèle 'Joyce Terry'. Uniformément jaune, la fleur comporte au centre des sépales une large tache blanche qui laisse le jaune réapparaître en lisière. Ce modèle reste partie des bicolores. Il existe d'autres manifestations distinctes des deux types de pigments, par exemple une coloration générale à base de caroténoïdes, avec une tache ou un filet violacé sous les barbes, mais cela n'a pas de dénomination particulière.

Illustrations : 'Legal Eagle' (Burseen 2014) – un nouvel amoena

                       'Rise Like a Phoenix' (P. Black 2017) – ce qui se fait de mieux en matière de variegata

(à suivre)

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