16.9.05

LA RÉVOLUTION ROSE

Après le passage à la tétraploïdie, la seconde révolution qui a secoué le monde des iris a été la révolution rose.

En fait cette dernière est l’un des avatars de la révolution tétraploïde. Laissons Ben Hager en parler (1) : « …tout à coup, le rose apparut sur plusieurs iris presque au même moment, accompagné de barbes mandarine, inévitables acolytes des corolles et calices roses.
La découverte de tous ces roses s’échelonna sur une période d’environ dix ans. Cette couleur dont on n’avait jamais vu les iris se parer envahit les jardins des hybrideurs qui travaillaient sur des fleurs aux origines inconnues. En ce temps-là, dans l’ensemble, les hybrideurs ne se souciaient guère de laisser des traces écrites des hybridations réalisées. Des évènements similaires se sont produits dans d’autres hybridations, jamais, toutefois, si vite et à cette échelle.
Il existait une bonne raison à l’apparition soudaine d’iris roses. Le rose est une couleur récessive. En d’autres termes, les quatre chromosomes de l’hybride tétraploïde hérités des parents doivent tous porter le gène responsable de la couleur rose pour que puissent être produites des plantes à fleurs roses. Cela explique pourquoi la couleur rose mit si longtemps à se manifester. Elle en pouvait se réaliser dans les diploïdes, qui ne comportent que deux chromosomes homologues pour ce facteur. »

On attribue la paternité du premier iris d’un rose presque parfait à P. A. Loomis, obtenteur du Colorado. Cette avant-garde s’est appelée SEA SHELL et a été obtenue au début des années 20. Presque au même moment, un autre rose a été enregistré, GOLDFISH (Wareham 1924), qui est un petit iris rosâtre bitone à barbes mandarine. P. A. Loomis, sur sa lancée, enregistra en 1929 un autre rose, SPINDRIFT, qui fut le premier à avoir un véritable succès commercial, peut-être du en partie au fait que, présenté à la Foire de Chicago en 1933, il déchaîna les critiques des experts de l’époque qui prétendirent que le rose n’était pas une couleur naturelle et que Loomis avait du tricher et utiliser un colorant pour teinter son iris ! ISABELLINA, autre rose, obtenu en 1934 par un autre obtenteur, Sidney Mitchell, eut un destin particulier en ce sens qu’il ne fut jamais enregistré du fait de son manque de substance, ce qui ne l’empêcha pas d’être abondamment utilisé par ceux qui voulaient à leur tour obtenir des iris roses. A noter que cet ISABELLINA est un frère de semis d’un autre jalon de l’iridophilie, le jaune HAPPY DAYS, premier tétraploïde jaune. ISABELLINA est, entre autres le « grand-père » du beau bitone rose vif PARADISE PINK (Lapham ).

Au cours des années 30 de nombreux roses apparurent un peu partout, mais c’est surtout à partir des années 40 qu’ils atteignirent le plein succès. Paradoxalement MELITZA (Nesmith E. 40), considéré comme rose, est en fait plus ivoire que rose, mais il eut un rôle important en hybridation, tant chez les véritables roses que chez les iris beiges ou chartreuse. A la même époque, ce sont les frères Sass qui ont présenté le rose le plus vif, baptisé FLORA ZENOR (42), battu sur ce plan par PINK CAMEO (Fay 44) encore plus rose, et de forme impeccable. L’un et l’autre font partie de la base des iris roses d’aujourd’hui.

D’où provient cette couleur rose si mystérieuse ? Ben Hager poursuit son exposé de la façon suivante : « L’apparition simultanée de la couleur rose en des lieux distincts, sous l’impulsion de différents hybrideurs, fut un phénomène étrange. En général, on pouvait trouver dans des iris voisins l’explication de l’apparition d’une nouvelle couleur. La limitation des coloris aux mauves et aux violets dans les tétraploïdes indiquait que la plupart des coloris du nouveau groupe des grands iris à barbes devaient provenir des diploïdes. » C’est le cas notamment de la couleur jaune, qui est issue de I. variegata, diploïde, mais dont les couleurs sont passées chez les tétraploïdes. La couleur rose est une évolution, certains disent une mutation, de ce jaune ; SEASHELL provient ainsi d’un semis variegata. Et il est avéré que le rose anglais EDWARD WINDSOR (Morris 45) est le rejeton de deux iris jaunes. Ainsi la couleur rose a-t-elle le jaune pour origine, mais celle-ci est longtemps restée inconnue du fait de l’absence de renseignements fiables dans les pedigrees.

Il faut bien dire que les premiers iris considérés comme roses contenaient une bonne dose de couleur jaune, donnant naissance à des roses un peu beiges ou pèche, et que le défi relevé par les hybrideurs a consisté à éliminer le jaune et concentrer le rose. Ce fut notamment le but que se fixa David Hall, et qu’il concrétisa en unissant le variegata RAMESES (Sass 29 – DM 32) et le bitone grenat DAUNTLESS (Connell 29 – DM 29) aux descendants de SEASHELL. Il obtint ainsi ses fameux roses flamant qui ont marqué l’histoire des roses. Pour se donner une idée des améliorations successives apportées au coloris, il est intéressant de suivre en photo, par exemple, le parcours de SEASHELL au charmant rose LOVELY KAY : SEASHELL (Loomis 24) -> MOROCCO ROSE (Loomis 37) -> OVERTURE (Hall 42) -> PINK CAMEO (Fay 44) -> PINK ICE (Rudolph 51) -> PINK TAFFETA (Rudolph 68 –DM 75) -> PINK SLEIGH (Rudolph 70) -> LOVELY KAY (Hamblen 80) !

L’émergence du rose fut vraiment la deuxième révolution dans le monde des iris et, à ce jour, cela reste la seule couleur nouvelle générée par le passage aux iris tétraploïdes. Mais ce fut quelque chose de formidable et on ne saurait compter les variétés roses existant aujourd’hui.

(1) in L’IRIS, de Josh Westrich – Thames and Hudson 1989.

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