26.6.21

LA BELLE HISTOIRE DES IRIS DE LOUISIANE

Dans le sud des États-Unis, Louisiane, Est du Texas, Alabama, Mississippi, les iris barbus ne se plaisent pas : trop doux l'hiver, trop chaud et humide l'été. Ce sont des plantes qui ont besoin du coup de fouet que leur donne le froid voire même le gel, qui craignent l'humidité et surtout l'humidité stagnante mais qui apprécient en revanche la sécheresse qui leur rappelle le climat du Moyen-Orient d'où sont originaires leurs ancêtres tétraploïdes. Pourtant dans ce « deep south » il y a des amateurs d'iris. Mais pas du tout les mêmes que ceux que l'on trouve plus au nord. Ce sont des iris sans barbes, voisins des iris de Sibérie, natifs d'Europe centrale, et adaptés à des régions sub-tropicales. Il y en a au moins cinq espèces, que les botanistes ont baptisés Iris hexagona, Iris giganticaerulea, Iris brevicaulis, Iris fulva et Iris nelsonii. Et c'est principalement à partir de cette dernière que les horticulteurs ont créé ce que l'on appelle aujourd'hui les iris de Louisiane. Cette appellation vient de ce que Iris nelsonii est une espèce géographiquement peu répandue mais que l'on rencontre dans la nature autour de la petite ville d'Abbeville, en Louisiane, et qui a été découverte seulement en 1929. 

Ce n'est qu'aux alentours de 1960 que l'on s'est intéressé à créer une nouvelle sorte d'iris de jardin à partir d'espèces endémiques de ce sud profond, de manière à obtenir des plantes réunissant les caractéristiques de chacune des espèces de base dans un hybride joli, solide et facile à cultiver. Le processus a été semblable à celui qu'avaient utilisé les horticulteurs européens au tournant du XXe siècle avec les iris à barbes, mais avec les progrès qu'avait fait la génétique en un demi-siècle. Pour parvenir à ce résultat les hybrideurs ont eu recours à : 

Iris hexagona. C'est l'espèce la plus répandue. On la trouve tout du long du golfe du Mexique et elle remonte le long du Mississippi jusqu'au confluent avec l'Ohio. Elle possède un feuillage étroit d'environ 90cm de haut, formant de fortes touffes, et des hampes florales de même taille portant de fleurs dans les tons de bleu ou de violet. Elle est très voisine d'une autre espèce de base du groupe des iris de Louisiane, I. giganticaerulea

Iris giganticaerulea. Son territoire se limite à la Louisiane des bayous. C'est la plus grande des espèces constituant le « cocktail » des iris de Louisiane puisqu'elle s'élève à plus d'un mètre de hauteur et peut même atteindre les 1,60m. Ses fleurs ont plus de 15cm de diamètre et sont de couleur allant du violet au blanc. 

Iris brevicaulis. Si I. giganticaerulea est, comme son nom l'indique, un géant bleu, I. brevicaulis est une espèce naine : pas plus de 50cm de haut et des tiges florales qui restent cachées dans le feuillage avec des fleurs bleues ou violettes. Elle est présente essentiellement dans le sud de la Louisiane. 

Iris fulva. Un iris qui pousse dans les marais de Louisiane. Hauteur du feuillage environ 60cm., des hampes florales 90cm. Il se distingue des précédents par la couleur de ses fleurs puisque celles-ci sont rouges, c'est à dire dans les tons de cuivre ou de rouille. Autre particularité intéressante, elles sont nombreuses et étagées le long de la tige. 

I. nelsonii. Sa zone d'extension, très réduite, limitée aux espaces marécageux peu accessibles entourant Abbeville, justifie le fait que cette espèce particulièrement intéressante ait été découverte aussi tardivement. C'est une espèce proche de I. fulva mais son coloris est d'un rouge encore plus franc, ce qui constitue une exception dans le genre iris.Cependant morphologiquement elle est très voisine de I. giganticaerulea, à tel point que certains pensent qu'il s'agit d'un croisement entre I. giganticaerulea et I. fulva qui se serait naturalisé. 

Si c'est dès les années 1930 que des amateurs d'iris se sont intéressés aux iris de Louisiane, C'est à l'énergie et l'enthousiasme de Marie Caillet, une texane à placer aux premiers rangs des promoteurs des iris, qu'on le doit. Elle n'a pas elle-même pratiqué l'hybridation mais dès 1941, et pendant un demi-siècle, elle s'est entièrement dévouée aux iris de Louisiane. Elle a été aidée en cela par des hommes comme le botaniste et hybrideur Ira Nelson qui a véritablement débuté l'hybridation des diverses espèces qui constituent aujourd'hui les ingrédients du véritable cocktail que sont les Iris de Louisiane actuels. Si l'on compare avec ce qui a eu lieu avec les iris barbus, le travail s'est déroulé sur une période extraordinairement courte. Il n'y a pas eu d'hésitations ou de tâtonnements, mais il faut dire que la connaissance de la génétique des iris avait considérablement progressé et que chaque croisement créateur a été fait en toute connaissance de cause. Très vite on est passé de l'étape initiale à la recherche d'améliorations nécessaires ou simplement souhaitables, comme une meilleure rusticité, un accroissement du nombre de fleurs sur chaque hampe, une augmentation de la taille des corolles, une durée de vie prolongée pour chaque fleur, l'ajout de nouvelles couleurs ou associations de couleurs... Il faut insister sur le travail de quelques hybrideurs remarquables, comme Charles Arny, Frank Chowning ou Joseph Merzweiler our expliquer le développement et l'amélioration de ces iris qui sont devenus en 70 ans de petites merveilles admirées de tous. Aujourd'hui les reproches que l'on pouvait faire à l'origine à ces nouveaux hybrides ont été corrigés et ces plantes qui n'étaient guère importables sous nos climats européens peuvent y être désormais introduite avec succès. Il faut néanmoins s'assurer que le sol où on veut les mettre est suffisamment humifère, profond, acide et humide. Une particularité à relever cependant : ces hybrides sont naturellement diploïdes. Comme l'écrivent les deux auteurs du chapitre sur les iris de Louisiane dans « The World of Irises », « Il n'y a pas de tétraploïdes naturels connus », mais plusieurs hybrideurs ont réussi la conversion, ce qui induit « une meilleure substance de la fleur, une plus grande taille et plus de vigueur. » 

Devenus de plantes faciles à cultiver, belles et florifères, les iris de Louisiane connaissent un engouement considérable chez les amateurs de tous pays, à tel point que ce sont maintenant les iris les plus nombreux à être enregistrés après les indétrônables TB. Les États-Unis sont bien entendu le pays où l'on en obtient le plus grand nombre, mais l'Australie en est le deuxième producteur avec des personnalités aussi importantes que Bob Raabe, dans les années 1970, John Taylor (le beau-frère du spécialiste des TB Graeme Grosvenor) et Heather Pryor et son époux Bernard Pryor. En France, il n'y a guère que la famille Anfosso qui se soit intéressée aux LA, et encore leur travail est-il resté assez restreint, mais peut-être se trouvera-t-il bientôt des hybrideurs tentés par ces fleurs devenues à la portée de tous. Notamment parce qu'on trouve aujourd'hui un choix très étendu de coloris, bien loin des iris bleus ou violets des débuts. Dès les années 1970 sont apparues des fleurs rouges ou blanches, les vrais iris jaunes datent des années 80, de même que les roses, rares encore cependant, tout comme les fleurs oranges qui n'ont atteint qu'un peu plus tard une qualité acceptable. Quant aux fleurs bicolores, elles existaient bien auparavant puisqu'on peut fixer leur éclosion vers 1975. 

Ces quelques mots sur l'historique des iris de Louisiane ne peuvent pas se terminer sans quelques illustrations de nature à faire apprécier ces beaux iris (cinq cette semaine, cinq autres la semaine prochaine). 

Illustrations :

 'Cherry Bounce' (I. Nelson, 1946) 

'Clara Goula' (C. Arny, 1975)) 


'Ann Chowning' (F. Chowning, 1976) 


'Koorawatha' (J. Taylor, 1987) 


'Cosi Fan Tutte' (L. Anfosso, 1991) 


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