25.9.20

AU CANADA, AVEC ISABELLA PRESTON

Je ne sais pas si on peut appeler ça une annexion pure et simple, mais dans les faits, pour ce qui est des iris, le Canada fait en quelque sorte partie des Etats-Unis ! Les 18 Provinces canadiennes sont en effet rattachées à l'une ou l'autre des Régions de l'AIS, ces subdivisions qui constituent l'ossature fédérale de l'association. C'est l'occasion de se pencher d'une manière générale sur l'iridophilie au Canada et, plus particulièrement, sur la personnalité la plus remarquable de ce pays en matière d'iris : Isabella Preston. 

 Le Canada n'est pas, a priori, le pays rêvé pour cultiver les iris. Du moins les iris à barbes qui ont un tel succès plus au sud, partout aux Etats-Unis. Les iris à barbes n'ont une place qu'à la bordure méridionale du pays, le long de la frontière avec les Etats-Unis. Ailleurs le climat, trop froid l'hiver, ne permet pas leur culture. Mais d'autres iris s'y sentent à l'aise. 

A commencer par l'iris versicolore (Iris versicolor), que les québecois appellent “clajeux” et qui est une espèce indigène de l'Amérique du Nord. C'est une plante des milieux humides qui se plait dans les marais et sur les rives des cours d'eau. C'est un peu l'équivalent américain de notre Iris pseudacorus, à ceci près que I. pseudacorus est de couleur jaune, alors que Iris versicolor est bleu. C'est la fleur emblématique officielle de la Province de Québec. 

On trouve également l'iris de Sibérie (Iris sibirica) qui s’accommode aussi bien des terrains humides (mais pas inondés) que des températures négatives. Et c'est justement avec cette plante qu'Isabella Preston s'est fait connaître des iridophiles. Si elle est peu ignorée dans notre pays en dehors du cercle des spécialistes de l'horticulture ornementale, au Canada ce n'est pas le cas. Née en Grande-Bretagne, elle a suivi des études dans un un collège horticole pour femmes, puis à l'âge de trente ans elle a déménagé au Canada, et s'est installée dans l'Ontario où elle a travaillé dans une ferme fruitière pendant plusieurs années. Mais elle aspirait à accroître ses connaissances théoriques sur l'amélioration des plantes et s’est inscrite dans ce but au Collège d’agriculture de l’Ontario. En 1920, c'est l'encyclopédie Wikipedia qui le dit, elle vint s'établir à Ottawa (Ontario) où elle “travaille comme ouvrière à la ferme expérimentale d'Etat (FEC).” Là, “son travail est remarqué par W.T. Macoun, horticulteur au gouvernement fédéral, et elle se voit offrir bientôt un poste comme spécialiste en horticulture ornementale. Elle est la première à se consacrer uniquement à l’amélioration des plantes ornementales.” C'est à cette époque qu'elle s'est lancée, entre autres, dans l'hybridation des iris de Sibérie. Dans le supplément au bulletin du centenaire de l'AIS on peut lire : “ En 1924 elle a 92 semis qui fleurissent du croisement (I.sibirica X 'Snow Queen')”, ce dernier étant un I. sanguinea (ou considéré comme tel) récolté dans la nature au Japon par l'anglais Peter Barr en 1900. Elle regrettait que ces iris-là soient de petite taille et que les tiges florales ne s'élèvent pas davantage au-dessus du feuillage. C'est dans le but d'obtenir des iris de Sibérie avec une haute tige qu'elle a travaillé pendant des années. Elle aurait souhaité également obtenir un iris de Sibérie parfaitement blanc. Mais elle a échoué dans cette recherche. Elle a pris cet échec avec philosophie et écrit à ce sujet : “Comme dans tout travail de création de plantes, il y eut des désappointements. La plus grande plante avec des fleurs blanches était plutôt moche, avec des pétales beaucoup trop étroits. (...) notre désir d'obtenir un grand iris de Sibérie blanc ne s'est pas réalisé.” Comme le fait remarquer l'auteur de l'article en question : “Elle aurait été excitée par le fait que le grand iris de Sibérie blanc 'Swans in Flight' ait reçu la Médaille de Dykes en 2016”. 

 Cependant, si elle n'a pas réussi son grand rêve, elle a néanmoins obtenu des iris de Sibérie d'une grande valeur, que l'on trouve encore aujourd'hui dans les jardins de certains collectionneurs et aux Royal Botanical Gardens à Hamilton dans l'Ontario . Parmi ceux-ci il faut parler de 'Ottawa' (1928), et de 'Gatineau' (1932). Le premier a reçu un Award of Merit (AM) de la part de la RHS anglaise, tandis que le second a été honoré d'un AM de la Société Américaine des Iris (AIS). 

Les iris de Sibérie, s'ils constituent son principal thème de recherche dans le domaine des iridacées, ne sont pas les seuls à avoir retenu son attention. A son compteur on peut ajouter quatre grands iris (TB) et un iris intermédiaire (IB) dont il est devenu bien difficile de retrouver la trace. Et le système de codification des couleurs en vigueur à l'époque ne donne qu'une description très imprécise de ce que peuvent être ces iris. On peut en avoir une idée avec 'Mrs. Neubronner', une variété de l'anglais George Reuthe, de 1898, parent mâle de deux de variétés de Mis Preston. En tout cas il s'agit de TB diploïdes, donc d'une sorte qui était déjà en voie de disparition dans les années 1930, supplantée par les variétés tétraploïdes. 

Les iris n'étaient qu'une partie du travail d'Isabella Preston. En réalité ils ne constituent même qu'une toute petite partie de son activité. Toutes les plantes ornementales l'intéressaient. Elle est notamment connue pour ses rosiers (20 variétés), ses lilas (52 variétés) et ses lys, en particulier toute une série de lys à fleurs rouge ou orange foncé retroussées vers l’extérieur, unique en leur genre. 

Isabella Preston fait partie de ces jardiniers “à l'anglaise”, nombreux dans la première moitié du XXe siècle, qui ont fait beaucoup progresser la culture des plantes ornementales, parmi lesquelles les iris ont une place de choix. L'American Iris Society ne s'y est pas trompée : elle lui a attribué en 1950 son “Hybridizer Award” qui rend hommage aux hybrideurs qui ont apporté une avancée significative dans l'horticulture des iris. 

Illustrations : 

 

'Ottawa' 

 

'Gatineau' 


'Snow Queen' 

 

'Mrs. Neubronner' (Reuthe, 1898)

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