6.5.05

ZONAL ?

Nous connaissions déjà les géraniums zonales, il va falloir sans doute maintenant se familiariser avec les iris zonales. Les premiers doivent leur qualificatif au fait que leurs feuilles comportent en leur centre une partie d’une couleur différente du reste ; les seconds porteraient des fleurs de teinte bleue ou violacée, dont le centre des sépales serait orné d’une large tache absolument blanche. De temps en temps, sur le « chat » IRIS-PHOTOS, une discussion intéressante s’instaure entre les intervenants. Ce fut le cas, il y a quelques mois, lorsque Chuck Chapman, un hybrideur canadien, plutôt branché sur les iris médians, a présenté une photo d’une de ses dernières obtentions, EXIT TUNNEL, IB, 2004 (Troubadour's Song X Suky). Il développe à cette occasion une théorie concernant le type « luminata » et ses dérivés. Il en vient à définir un nouveau type de fleur, intermédiaire entre le type « glaciata », chez qui les pigments anthocyaniques sont totalement inhibés, et le type « luminata », où cette inhibition est limitée à la zone située dans la partie supérieure des sépales. Ce nouveau type, baptisé « zonal », convient à des variétés comme CLARENCE ou SUKY, c’est à dire des iris présentant sous les barbes une vaste plage blanche, qui confère à la fleur une clarté très agréable. Voici l’explication qu’il donne, et que personne ne semble contester :
« Troubadour’s Song est un SDB luminata. Cette plante a probablement un gène glaciata et trois gènes luminatas. Avec un gène luminata et trois glaciatas, nous avons le modèle luminata. Avec deux glaciatas et deux luminatas nous obtenons le type CLARENCE ou SUKY. EXIT TUNNEL doit être le maillon suivant dans la chaîne. Le spot blanc provient de l’action du gène glaciata essayant d’inhiber l’anthocyanine, et cette action s’opère à partir de la barbe. Le maillon suivant, quatre gènes luminatas, pourrait bien être soit un pur unicolore à base d’anthocyanine soit un unicolore sauf pour la barbe. Les plantes avec plus de deux gènes amoenas dominants repoussent l’anthocyanine vers le bord des pétales. Elles ont une base plus large et ne sont pas centrées sur la barbe. Pour moi elles ont un aspect différent (voir les sépales). » Il est certes bien pratique de disposer d’un mot pour désigner chaque type de fleur ; les descriptions que l’on en fait gagnent en précision et en simplicité. Mais il faut encore que chacune des désignations soit faite méticuleusement, et que la dénomination attribuée à chaque type soit connue de tous. A ce point, il semble aujourd’hui que le monde des iris manque un peu de discipline. Les termes nouveaux se multiplient, mais il n’existe pas encore de charte les régissant. D’où certaines désignations en américain, du genre « broken color » ou « space ager », d’autres en latin botanique (que les malveillants appelleraient latin de cuisine). Pour ma part je prêche pour que ces nouveaux vocables soient exprimés en latin, de manière à conserver au langage horticole un lien universel avec celui de la botanique. A ce titre le mot « zonal » n’est pas totalement satisfaisant car sous une apparence vaguement latine il reste une expression purement anglo-saxonne. Je préfèrerais, puisque le mot « iris » est du féminin, que l’on fasse usage de l’adjectif latinisant « zonalis » ou d’un néologisme qui pourrait être « zonata » . Quel que soit le terme retenu, je crois qu’il est temps que l’AIS, ce gardien du temple de l’iris, se charge de mettre de l’ordre dans cette partie de l’iridophilie.

DEVONSHIRE CREAM

Quelques jours passés en Angleterre, en Cornouailles et dans le Devon, m’ont permis d’apprécier ce qu’on appelle là-bas la « clotted cream », c’est à dire une crème épaisse, à mi-chemin entre ce que nous connaissons sous le nom de crème et ce qui devient du beurre. Cette délicate spécialité, d’une agréable couleur jaune très pâle, à peine teintée de rose, me donne l’occasion d’évoquer DEVONSHIRE CREAM (Sutton G. 99), cette délicieuse fleur dont le succès s’affirme de jour en jour.

DEVONSHIRE CREAM, le bien nommé, se présente exactement dans le coloris de la fameuse « clotted cream », avec des épaules un peu plus jaunes, une barbe jaune pointée de crème ; de larges ondulations ourlées de fine dentelle complètent une fleur très gracieuse, toute en délicatesse. Dès son apparition sur le marché, il a rencontré la faveur des amateurs et des juges qui lui ont accordé un Award of Merit dès 2004. Dans la foulée il est entré au Symposium (cet incontournable indice de popularité) de 2005, d’emblée à la 45eme place, ce qui laisse à penser qu’il va très vite atteindre le top 10 de ce classement. Pour ma part, je suis intimement persuadé qu’il va falloir tenir avec lui dans les prochaines compétitions pour la Dykes Medal.

DEVONSHIRE CREAM résulte du croisement de ELIZABETH POLDARK (Nichol 90) par SIMPLY PRETTY (Gatty 85). Le premier est blanc à barbes jaunes, le second est jaune primevère, plus clair au coeur. L’un et l’autre viennent de bonne famille : pour ELIZABETH POLDARK il s’agit de MARY FRANCES (Gaulter 73 – DM 79) X PARADISE (Gatty 80), pour SIMPLY PRETTY, d’un mariage entre un produit de BONBON (Gatty 77) par le couple (DREAM AFFAIR (Gatty 78) X SUN CITY (Hamner 74)). On ne décrit plus MARY FRANCES parce que tout le monde possède cet iris mauve tendre, ni même PARADISE, qui est l’un des roses de Gatty des plus célèbres. BONBON est un peu moins connu, mais il fait aussi partie de la grande série des roses de Gatty. Quant à SUN CITY, c’est l’un des jaunes d’or les plus réussis de son époque et son « père » est NEW MOON (Sexton 68 – DM 73). DREAM AFFAIR est celui des ascendants de DEVONSHIRE CREAM dont les couleurs ce rapprochent le plus de celles de ce dernier : un crème avec de grosses barbes jaunes. Par l’intermédiaire de son parent PLEASURE FAIRE (Gatty 73), rose orchidée, il provient d’AMETHYST FLAME (Schreiner 57 – DM 63). On compte ainsi trois vainqueurs de la DM parmi les proches ancêtres de DEVONSHIRE CREAM, ce qui lui fait un beau CV !

Depuis NEW MOON, trisaïeul de DEVONSHIRE CREAM, en 1974, aucun iris jaune n’a obtenu la Médaille de Dykes. Je parierai volontiers qu’après les errements de ces dernières années, la fraîcheur et la grâce de DEVONSHIRE CREAM vaudront bientôt à celui-ci les faveurs de juges et la gloire suprême. Encore un peu de patience pour en avoir le cœur net !

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