29.8.20

DU GRIS QUE L'ON PREND DANS SES... SEMIS

Une chanson « réaliste » des années 1930, à propos de l'addiction au tabac, contient cette phrase : « Du gris que l'on prend dans ses doigts et qu'on roule... ». En la détournant un peu on peut s'en servir pour aborder le sujet des iris aux fleurs grises que certains hybrideurs ont découvert – sinon cherché – dans leurs semis.

On pourrait commencer par définir ce que l’on entend par iris gris. Le gris, théoriquement, est un mélange de noir et de blanc, qui va du blanc cassé au gris anthracite. Mais on appelle également gris le mélange précédent lorsqu’il contient une part de bleu ou de mauve, voire de brun et même de rose. Autant dire que les gris sont multiples ! En plus il faudrait ajouter à ce panel les couleurs qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas nettes ou franches. Le cas n’est pas rare chez les iris, où bien souvent des semis présentent un effet fumé ou une teinte brumeuse qui confère de l’étrangeté à la fleur… Qui recherche quelque chose de différent peut se risquer à retenir une telle obtention.

Quoi qu'il en soit l’iris gris vraiment gris est rare, il en existe néanmoins un certain nombre et il me semble que la fréquence de leur apparition suit une courbe ascendante. Ils méritent donc que l’on parle d’eux..

Au commencement il y a 'Jean Cayeux' (F. Cayeux, 1931). On ne peut pas parler d'iris gris sans évoquer cette variété qui, si elle n'est pas à proprement parler d'un gris franc, incline néanmoins vers cette couleur, et sous certains éclairages elle en est proche. Comme on va le voir chez les autres iris gris, il n'est pas évident de constater les prémices de cette coloration dans les antécédents. C'est sans doute le fait que le gris n'est que la conséquence d'un hasard hypothétique. Il faut attendre encore une trentaine d'année pour voir apparaître un iris que je trouve absolument gris, c’est une variété italienne, obtenue dans les années 60 par une amatrice, Gina Sgaravatti, qui ne l’a jamais enregistré. Il s’appelle 'Beghina', et, malheureusement, on ne connait pas son pedigree.

Evoquons ensuite 'Ghost Story' (Ghio 1974) dont le pedigree est (Cambodia X (Claudia Rene x (Commentary x Claudia Rene))), où l'on retrouve l'un des croisements basiques du travail de Joë Ghio. C’est une fleur vraiment grise, fortement marquée de chartreuse aux épaules et sur les côtes des pétales. Aucun de ses descendants TB n'a reproduit son coloris


Par la suite il faut retenir une variété de Clarence Mahan, qui a enregistré en 2003 ce qui me paraît être une proche réplique de 'Beghina'. Celui-là, qui n’a pas basculé du côté obscur de la Force, s’appelle 'Obi-Wan Kenobi'. Comme 'Beghina' il a cette base gris perle, surtout présente sur les pétales car les sépales sont imprégnés de gris-bleu, et ces barbes franchement jaunes. Parmi ces antécédents on trouve un certain 'Joan’s Pleasure' (Zurbrigg 92) qui lui a légué nombre de ses traits dont une couleur brumeuse très caractéristique. Il reste cependant une exception dans le travail de cet hybrideur discret.

Dans le pedigree de 'Ozone Alert' (Burseen, 1997), comme dans celui de 'Obi-Wan Kenobi', on trouve une alliance de bleu et de jaune, avec du pourpre chez le premier, et du gris –déjà – chez le second, mais c'est ce dernier qui a tiré le profit le plus net de ces teintes grisées. Son obtenteur, original à bien des égards, n'hésite pas à surprendre son monde, et un grand nombre de ses iris présente des caractères hors du commun. 'Ozone Alert' est dans ce cas. C'est sans doute la fleur la plus grise que j'aie vu à ce jour. Mais son descendant 'Pixel Hue' (2002) n'est pas mal non plus.

Pourtant d'autres fleurs, récentes, ont enrichi la collection. Prenons par exemple 'Mansonia' (A. Bianco, 2006), descendant de l'australien 'Inca Queen' (Blyth, 1983). La teinte grisée s'étend sur toute la fleur qui, dans la douceur de son coloris, apporte une touche tendre au jardin. Encore une fois il n'y a pas grand-chose qui puisse laisser entrevoir l'apparition d'une teinte grise. Certes on peut la rattacher à 'Inca Queen', mais cela n'est pas évident !

Terminons ce tour d'horizon par où on l'a commencé, c'est à dire dans les rangs de la pépinière Cayeux. Cette fois ce sera avec 'Ciel Gris sur Poilly' (R. Cayeux, 2011), qui porte bien son nom. Le gris n'y est pas une couleur uniforme, les sépales sont plus mauve que gris, mais les épaules, infuses de jaune olive, font planer sur l'ensemble une atmosphère brumeuse très peu courante dans le monde des iris. Là encore il semble bien que la coloration soit largement le fait du hasard, cependant certains des descendants de cette variété réflètent les origines grises de leur parent.

On ne peut pas dire qu’en matière de couleur d’iris le gris soit particulièrement vendeur, et Richard Cayeux lui-même reconnaît qu'il a hésité à commercialiser son 'Ciel Gris sur Poilly' ! Cette couleur n’est pas celle qui va déchaîner les passions comme le font certains modèles récemment apparus – amoena inversés, distallatas...- . C’est donc le plus souvent fortuitement qu’un iris gris est sélectionné par un obtenteur : une sorte de défi ou un désir de se singulariser... L'affaire peut se montrer intéressante et le succès de 'Ciel Gris sur Poilly' auprès des collectionneurs et peut-être même du grand public en apporte une preuve.

Illustrations :


  • 'Jean Cayeux'
  •   'Ghost Story'


  • 'Obi-Wan Kenobi'


  • 'Ozone Alert'


  • 'Mansonia'


  • 'Ciel Gris sur Poilly'

 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Du gris", chanson d'Ernest sur des paroles d'Ernest Dumont, mis en musique par Louis Bénech, éditée en 1920, chantée en 1925 par Fréhel, en 1931 par Berthe Sylva (enregistrement 1931 puis 1961, sur 45 tours Odéon 7SO10004)... À vos cassettes ! (comme on disait quand on était Averty).