21.8.20

LES PETITS NAINS DE LA MONTAGNE

En 1987, Jean Peyrard écrivait : « Iris perrieri est certainement une des curiosités de notre flore française. Voilà un iris qui n'est localisé que sur un territoire de quelques centaines de m², un recensement minutieux pourrait même en préciser le nombre d'individus ! » A l'heure qu'il est, pourrait-il encore s'exprimer ainsi ? 

 C'est une plante avec « des feuilles de 22 à 28 cm. de long et 22 à 25 mm. de large, un peu falciforme, nettement nervurées donnant presque un aspect plissé. La hauteur de la tige est variable de 15 à 34 cm. et on rencontre tout aussi bien des tiges avec une seule ramification à peu près à mi-hauteur, que des tiges portant une ramification supplémentaire à 4/5cm. de la base. Les spathes qui entourent les deux boutons sont vertes et le restent longtemps. Le pédicelle est très court, 6/7 mm., l'ovaire hexagonal fait 1,2 cm sur 0,5 et donne une capsule de 4,5 à 6 cm de long sur 3 de large, brune, piriforme, et avec une surface fripée. (…) Sépales, pétales et styles sont violets, les sépales un peu plus foncés que le reste. Les sépales sont triangulaires, 5/7cm sur 2,2/3cm, les pétales ont un onglet court (5,4/6,7cm sur 2,3cm à 3cm) ; toutes les pièces ressemblent beaucoup à celles de I. aphylla.» (J. Peyrard) Voilà une description botaniquement parfaite qui donne une idée précise de ce qu'est ce petit iris de montagne, que l'on a longtemps confondu avec I. aphylla auquel il ressemble en effet beaucoup, mais qui s'en distingue par deux traits importants : I. aphylla n'a jamais été rencontré en France, et c'est une espèce tétraploïde, alors que son sosie alpin est simplement diploïde. Pour terminer son article Jean Peyrard disait : « Cet iris mériterait peut-être une protection officielle, à moins que sa discrétion ou sa ressemblance avec I. germanica n'ait un effet dissuasif sur le promeneur : il n'a ni l'éclat d'une gentiane ou d'une jonquille, ni le mystère d'un sabot de Vénus. » I. perrieri est-il toujours présents sur les pentes de la dent d'Arclusaz dans le massif subalpin des Bauges, entre Chambéry et Albertville ? Il faut l'espérer et même faire le vœu que cette espèce rare se soit développée et étendue... 

 D'un point de vue horticole, I. perrieri, aux dires de Lee W. Lenz(1) dans le chapitre initial de « The World of Irises », fait partie du cocktail d'espèces qui a donné naissance aux MTB (Miniature Tall Bearded) que nous connaissons et qui constituent ce que l'on appelle aussi les iris de table. D'après la même source le panel constitutif des MTB serait composé de : 

I. cengialtii 

I.illyrica 

I. reginae 

I. rudskyi 

I. variegata, et 

I. perrieri. 

Avec une prééminence certaine de I. cengialtii et de I. variegata, mais les hybrideurs d'aujourd'hui misent aussi sur l'apport de I. reginae pour l'originalité du coloris de cette espèce. 

 Dans ce panel, chacun a son rôle. Celui de I. perrieri tient aux origines alpines de la plante. A 1500 m. d'altitude, dans le massif des Bauges, les hivers sont rudes et longs et les iris doivent être d'une rusticité absolue. Ils sont également obligés de perdre leurs feuilles qui ne résisteraient pas à un gel prolongé. I. perrieri pousse dans un sol d'éboulis argilo-calcaire, sans beaucoup d'humus. Les nutriments sont donc rares et la plante a l'obligation de se montrer frugale. Et si l'humidité est abondante, l'eau ne séjourne pas en raison de la pente raide qui caractérise cet habitat ; la résistance à la sécheresse est donc une autre caractéristique. Tout ceci contribue à la solidité de ces gracieux petits iris que sont les MTB. 

 Les hybrides modernes ont profité des connaissances en botanique, de l'habileté et de l'opiniâtreté de ceux qui les ont créés. Tout particulièrement les MTB qui ont eu beaucoup de mal à atteindre la perfection qu'on leur connaît maintenant. N'oublions pas qu'au début les croisements nécessitaient bien souvent l'utilisation de pollen recueilli l'année précédente sur des variétés de TB plus tardives que les variétés choisies pour devenir les parents femelles, par ailleurs les graines obtenues étaient peu nombreuses et d'une germination capricieuse. C'est un peu ce qui s'était passé au moment de la « révolution tétraploïde » chez les grands iris, avec la même problématique des semis triploïdes stériles... Mais à l'heure actuelle ces problèmes sont résolus et les MTB s'obtiennent sans difficulté particulière et sont très souvent tétraploïdes et fertiles, même si les plus réussis restent, à mon avis, les diploïdes classiques mais enrichis par la sélection rigoureuse exercée par les hybrideurs contemporains. 

Longtemps négligés, en quatre-vingts ans d'existence les MTB ont eu du mal à s'imposer malgré leurs indéniables qualités. Mais aujourd'hui ils prennent leur revanche et ils atteignent un niveau que toutes les classes d'iris n'ont pas encore atteint. Ils doivent cela en grande partie à ce petit iris violet que les randonneurs peuvent rencontrer en Savoie au début de l'été. 

 (1) Lee W. Lenz est un botaniste américain qui a beaucoup écrit sur la flore de l'Ouest américain et notamment sur les iris « Pacific Coast ».

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