28.11.01

ROBERT SCHREINER

Tous ceux qui s’intéressent aux iris connaissent la maison Schreiner, celle dont le nom apparaît derrière celui d’une quantité incroyable d’iris de grande qualité répandus dans le monde entier. Mais peu de personnes connaissent ceux qui ont créé puis développé cette entreprise d’une taille inconnue sur notre continent dans un domaine aussi restreint que les iris.

Le fondateur de la maison fut Francis X. Schreiner, chef de rayon et acheteur dans un grand magasin, qui s’intéressait aussi au jardinage. A partir de 1917 il s’est mis à cultiver les iris. Dès 1925 il disposait d’assez de marchandise pour publier une première liste, bientôt suivie, en 1928, d’un véritable catalogue. L’année suivante Francis Schreiner abandonnait son métier et se consacrait exclusivement à la production d’iris. A cette époque son fils Robert avait 19 ans.

Pour connaître la suite de l’histoire, il n’y a rien de mieux que de lire ce qu’a écrit à ce sujet Keith Keppel dans le bulletin n° 320 de l’AIS.

« Francis encouragea son fils à s’intéresser aux iris, et ce dernier, dès l’âge de 9 ans, disposait de sa propre planche. Combien de parents feraient manquer l’école à leur fils une journée entière pour assister à une exposition d’iris ? Francis l’a fait, parce que le pionnier de l’hybridation Willis Fryer devait être là, et qu’il pensait que Robert devait le rencontrer. Comme Francis était souvent parti pour faire des achats, il confia à Robert la responsabilité de la plantation et des soins aux nouvelles acquisitions, y compris les variétés européennes hors de prix. Francis fit cadeau à son fils du livre de Dykes ‘Le Genre Iris’ ; Robert y fit la connaissance d’obscures espèces originaires de pays exotiques, écrivit au département de botanique de l’université et examina les fameuses graines. A 19 ans il fit ses premiers croisements, et quelques années plus tard entreprit des études de botanique à l’Université du Minnesota. »

« Malheureusement, les études de Robert (surnommé Bob) furent brutalement interrompues en 1931, par la mort de Francis. Robert n’avait que vingt ans, mais il était l’aîné des trois enfants – Constance avait deux ans de moins que lui et Bernard (Gus pour les intimes) en avait neuf. La décision fut prise de continuer le commerce des iris, en dépit des âpres réalités de la crise économique. Constance (Connie) donnait un coup de main au bureau et Gus travaillait aux champs après l’école. Ainsi, comme maintenant, les Jardins Schreiner étaient une véritable affaire de famille, tellement qu’aujourd’hui il est difficile de séparer l’individuel du collectif. »

« Mais au début c’est surtout Robert qui s’occupait de l’hybridation, et il avait du sujet une approche éclectique. Si l’on consulte le plan de plantation de 1933, on voit un nombre prodigieux de croisement de grands iris. Et s’y ajoute une abondance de croisements concernant des iris nains, intermédiaires, ou même de purs arils comme parents d’un côté ou des deux. Il y avait des croisements d’Iris aphylla et autres avec Iris albertii ; d’autres entre des espèces de la section des juno. Plantées dans des boîtes il y avait des ‘graines d’Europe’ : espèces en provenance d’Autriche, de Bulgarie, de Roumanie et de Russie. »

« En 1935 est apparue la première introduction Schreiner : ‘Lucrezia Bori’. Alors qu’aujourd’hui quand on dit Schreiner on pense grands iris, dans les dix années qui suivirent les catalogues Schreiner comptaient des introductions d’iris oncos, et d’iris intermédiaires. » …

« Bob s’est intéressé dès le début aux iris sombres, et ‘Ethiop Queen’ (1938) était tout à fait estimable, mais c’est le petit ‘Black Forest’ (1945) qui incluait des gènes d’I. aphylla, qui a enclenché la succession rapide de grands iris de plus en plus sombres et de plus en plus grands. … »

« Une autre recherche fut celle des iris dentelés dans une large palette de couleurs. Les dentelures sont apparues parmi les semis des frères Sass au début des années 30, mais ceux-ci les considéraient plutôt comme des anomalies et ne poursuivirent pas dans cette direction. Les visiteurs pouvaient acheter ces semis comme des nouveautés, et ce fut Dave Hall, fameux pour ses iris rose flamand, qui lança les iris dentelés en 1943 avec son ‘Chantilly’. Avant l’apparition de ‘Chantilly’, Bob avait commencé un programme incluant la variété de Sass ‘Matula’, et il a introduit en 53 le rose orchidée dentelé ‘Lavanesque’ suivi l’année suivante par ‘Orchid Ruffles’ et ‘Crispette’. En 55 ‘Carmela’ amena les dentelures parmi les fleurs dans les tons de brun. Ce premier travail se situe derrière les délicieuses variétés issues de ‘Salem’. »

« Parlez des grands iris de Schreiner et vous pensez inévitablement aux bleus – et rouges- deux classes de couleur si largement explorées pendant des années. Les uns et les autres se basent sur les premiers travaux de Bob. Il y eut un moment une forte poussée vers les bruns et les ‘blends’, mais ces lignes là ne furent pas poursuivies parce qu’elle furent considérées comme pas assez commerciales. »

« Quelquefois vous n’êtes pas complètement satisfait, mais il faut tenir bon. Au fur et à mesure que l’affaire prenait de l’ampleur, l’emploi du temps de Bob devint de plus en plus exigeant. Voyages outremer, supervision, photographies, relations publiques, et autres…laissèrent de moins en moins de temps pour le programme d’hybridation. Gus se chargeait du travail des champs, y compris les semis et le programme d’hybridation, mais c’était toujours initié par Bob, et ils se consultaient tous les trois quand venait le moment de choisir les introductions du nouveau catalogue. Cependant Bob n’a jamais perdu son intérêt pour l’hybridation, même en ce qui concerne les petits iris. Il gardait près de la maison quelques semis faisant appel aux Iris reichenbachii, plantes à fleurs de taille intermédiaire dans les tons de rouge à magenta, avec de grosses barbes bleues. Certains de leurs descendants parmi les grands iris sont en culture maintenant et on peut espérer qu’en sortira le roue à barbes bleues que Bob prévoyait. »

« On peut seulement se demander si l’adolescent du Minnesota avait une idée d’où la vie pouvait le mener, et de l’effet important qu’il aurait sur les iris et leurs amateurs. Comment le difficile déménagement de St Paul à Salem (Oregon) dans les années 40 donnerait naissance à une pépinière d’iris de plusieurs centaines d’hectares. Qu’il recevrait la Médaille d’Honneur de l’AIS en 72, que les Schreiner (Bob, Gus et Connie considérés comme une équipe) obtiendraient la Medaille des Hybrideurs en 54, et qu’il serait distingué personnellement par la rare Médaille d’or de l’AIS en 94. Les récompenses ne sont pas venues des seules sociétés iridophiles américaines. La Foster Memorial Plaque de la BIS en 63, la médaille de la Société d’Horticulture du Massachusetts pour services remarquables à l’horticulture en 75, et la Distinguished Service Medal de la Perennial Plant Association en 88 viennent à l’esprit. »

« Une liste des récompenses obtenues par les iris Schreiner serait fastidieuse. Il suffit de mentionner au passage les nombreuses Médailles de Dykes et les Florins d’Or de Florence comme un petit exemple du total, et de leur laisser le soin de faire la preuve absolue de l’importance de cet homme dont le travail d’hybridation a commencé dès l’adolescence. Qu’une brindille est devenue un arbre puissant. »

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