PONDEROSA
PONDEROSA (68) est la variété vedette de Joseph Ghio. Vedette ? Pourtant il y a bien longtemps qu’on ne la trouve plus dans aucun catalogue, et bien des amateurs doivent ignorer jusqu’à son existence. Cet iris n’a donc pas eu une carrière commerciale flamboyante, mais son obtenteur y a vu un potentiel génétique remarquable et l’a utilisé en abondance dans ses programmes d’hybridation. Je n’ai pas fait le compte, mais je ne suis pas loin de penser qu’une centaine de variétés, essentiellement obtenues par Joë Ghio, sont des enfants ou petits enfants de PONDEROSA.
Cette variété a été commercialisée en 1970. Les pétales en sont roses, légèrement teintés de brun, on peut les dire isabelle ; les sépales, mélange de brun et de violet clair, supportent une barbe cuivre. C’est une fleur plutôt tardive, qui s’élève à la hauteur traditionnelle de 90cm. Rien de très remarquable donc. Mais ce n’est pas sur ce plan qu’il faut se placer quand on parle de PONDEROSA, mais sur celui de ses possibilités génétiques. Cependant, avant d’en parler, examinons son propre pedigree. C’est un produit de DENVER MINT (Knopf 62) par MOON RIVER (Sexton 62). DENVER MINT, dont j’ai fait le portrait il y a environ un an, fait partie de ces iris qui ne paient pas vraiment de mine mais qui ont eu une descendance extraordinaire. Un des pôles de l’iridophilie. Du côté féminin on remonte rapidement à SPANISH PEAKS, un blanc « de base », issu de PURISSIMA, l’ancêtre de la plupart des blancs. SPANISH PEAKS, obtenu dans les années 40 par le Dr Loomis, est à l’origine directe de deux vainqueurs de la DM : FIRST VIOLET (DeForest 51 – DM 56) et SWAN BALLET (Muhlestein 53 – DM 59). Il se trouve aussi dans MISSION TRAILS (Knopf 57) dont un frère de semis est la « mère » de DENVER MINT. Du côté mâle, ce même DENVER MINT provient de GLITTERING AMBER (Hamblen 55), un célèbre iris abricot ambré, issu du fameux PALOMINO, un autre pilier de l’hybridation, obtenu par David Hall. MOON RIVER, le « père » de PONDEROSA, est une variété vieil or unie, qui tient son coloris de base, le jaune, de LIMELIGHT (Hall 52), et son teint cuivré de MIXED EMOTIONS (Sexton 58), un blanc aux épaules marquées de chartreuse. Aussi bien du côté de LIMELIGHT que du côté de MIXED EMOTIONS on arrive à cette lignée d’iris ondulés que David Hall a développée dans les années 40.
Voilà ce qu’on peut dire des antécédents de PONDEROSA. Cependant c’est plutôt vers sa descendance qu’il faut se pencher.
Il est rare qu’une variété signée Joë Ghio soit le résultat d’un unique croisement du genre « variété A x variété B ». Il affectionne les origines plus subtiles, où l’on retrouve le plus souvent quelques croisements de base, non enregistrés, mais utilisés comme source d’éléments génétiques, un peu comme un parfumeur puise dans une série d’essences odorantes pour élaborer un nouveau jus. Il appelle ces astucieux mélanges sa « salade ». PONDEROSA est l’un des ingrédients de cette salade. Prenons l’exemple d’une variété bien connue, le vieux rose DESIGNER GOWN (82) commercialisé en 85. Dans la description complexe qui en est donnée, on trouve en premier lieu le nom de MAGNIFIQUE (76), un blanc à barbes rouges dans le pedigree duquel PONDEROSA apparaît deux fois, l’une dans un croisement avec DEBBY RAIRDON, l’autre avec NEW MOON. Puis apparaît le nom de LOUISE WATTS (70), un bleu lavande bordé de brun, puis le célèbre COMMENTARY (dont j’ai parlé il a quelques mois), puis, par deux fois CLAUDIA RENE (Gaulter 63), un rose marqué de brun, très apprécié en hybridation, puis, par deux fois encore PONDEROSA et, de nouveau, NEW MOON, et, pour terminer, JOYCE TERRY et enfin BEVERLY SILLS. Il existe une soixantaine au moins d’iris signés Ghio qui présentent un arbre généalogique plus ou moins semblable, où PONDEROSA apparaît au moins une fois. La plupart ont une touche de brun rosé. Citons BYGONE ERA (90), rose teinté chocolat, CHUCKLES (87), miel pointillé de magenta, CINNAMON (82), brun cannelle, COFFE HOUSE (77), brun café, DESERT FOX (89), plicata brun sur jaune paille, ENTOURAGE (77), célèbre vieux rose, Florin d’Or en 80, FLAREUP (78), brun doré, INDIAN TERRITORY (80), brun orangé, MALAYSIA (76) brun au cœur d’or, LUAU (76), son frère de semis, brun-grenat, OLDEN DAYS (88), variegata sombre, SAN JOSÉ (78), brun et mauve, VENEER (81), chamois à barbes bronze.
Ghio n’est pas le seul à avoir fait usage de PONDEROSA, quelques autres ont suivi la même voie, comme Lily Gartman pour ALLURING (89), rose chair et blanc, ou HEAVENLY HALO (90), ivoire liseré de jaune plus vif. C’est aussi le cas de Bill Maryott, avec son « rouge » très connu BURGUNDY BUBBLES (87) ou son jaune cuivré CAJUN SPICES (94). Enfin le bitone « rouge » de Mary Dunn, LA FORTUNE, est aussi un enfant de PONDEROSA.
Il y a, comme cela, quelques variétés qui n’ont pas acquis une grande renommée commerciale, mais qui sont des éléments recherchés en hybridation. J’ai déjà abordé le cas de DENVER MINT, de COMMENTARY, de NEW MOON. Celui de PONDEROSA est aussi emblématique, et sans doute un jour en viendrai-je à parler de CLAUDIA RENE ou de CAMBODIA. Mais, comme disait Rudyard Kipling, ceci est une autre histoire…
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