31.10.03

LES SUBTILITÉS DE L’HYBRIDATION

Dans un important article publié dans le N° 330 (juillet 2003) du Bulletin de l’AIS, Dave Niswonger, obtenteur américain bien connu, fait le point sur les subtilités de l’hybridation des iris. Cet article est ardu dans son contenu et, à mon avis, manque de rigueur dans son plan. C’est pourquoi, abordant ce sujet, je vais m’efforcer d’être plus simple et plus limité dans mes ambitions.

Comme d’autres l’ont fait avant lui, ainsi Keith Keppel dans de nombreux articles ou Richard Cayeux dans « L’Iris, une fleur royale », Niswonger insiste sur la nécessité de se limiter dans les buts à rechercher. Il y a le choix parmi les buts possibles et il est recommandé de commencer par sélectionner un ou deux domaines de recherches, en commençant par ceux qui posent le moins de difficultés à celui qui se lance dans l’hybridation. Tous les auteurs admettent que le débutant, devrait commencer par la recherche d’une amélioration de l’existant. Par exemple essayer d’ajouter des éléments de perfectionnement à une couleur et à la fleur qui l’exhibe: plus de saturation du coloris, fleurs plus ondulées ou plus frisées, fleurs mieux disposées le long de la tige, boutons plus nombreux, plante mieux ramifiée, qui pousse mieux ou qui résiste mieux aux agressions. Les hybrideurs chevronnés, et disposant de beaucoup de place pour leurs semis, pourront s’attaquer à des domaines plus délicats comme la recherche de nouvelles couleurs ou de nouvelles combinaisons de couleurs. Pourquoi cette distinction ? En quoi les domaines cités en derniers présentent-ils plus de difficultés ?

La recherche d’une amélioration d’une couleur ou d’un modèle donné passe essentiellement par le croisement d’une variété de départ par une autre de la même lignée, qui présente des traits allant dans le sens du but recherché. Les améliorations peuvent apparaître dés la première génération, ce qui est encourageant pour celui qui débute. En revanche créer une nouvelle couleur ou une nouvelle combinaison de couleurs est une œuvre de plus longue haleine, plus aléatoire, plus exigeante en nombre de semis et nécessitant des connaissances génétiques et généalogiques plus étendues. Il y a en effet trois parties de la fleur sur lesquelles il faut agir : les pétales, les sépales et les barbes. Le travail devra obligatoirement s’étendre sur plusieurs générations, donc sur quelques années, avec beaucoup de résultats médiocre en attendant le succès.

De toute façon, si l’on veut aboutir à quelque chose, il ne faut surtout pas croiser les variétés au hasard, en fonction de l’intérêt qu’on leur porte ou de la fantaisie qui passe par la tête. Le hasard peut certes faire qu’on obtienne ainsi un résultat satisfaisant, mais c’est comme jouer à la loterie, il y a beaucoup de joueurs, très peu de gagnants et encore moins de gros lots ! Comme le dit très bien Richard Cayeux, les iris d’aujourd’hui n’ont pas une généalogie simple ( les analyses que je propose souvent ici le démontrent) et les éléments génétiques qu’ils contiennent sont si complexes que les interactions entre les uns et les autres rendent hasardeux les résultats que l’on peut obtenir. Avant tout croisement il est nécessaire, si l’on veut vraiment atteindre un but, d’étudier le pedigree non seulement des variétés auxquelles on songe, mais aussi celui de leurs ancêtres, sur de nombreuses générations. Si l’on veut agir sur un élément, ces analyses demandent déjà un travail de recherche dans les documents important ; si l’on s’attaque à plusieurs éléments, les connaissances exigées vont devenir complexes et n’être à la portée que de celui qui a une connaissance approfondie de la génétique des iris.

Il y a, à ce sujet, quelques informations de base qu’il faut retenir. Savoir, en tout premier, quelles couleurs ou combinaisons sont récessives ou dominantes ; quels pigments se trouvent dans les cellules ou autour des cellules ; comment et pourquoi ils apparaissent ici ou là ; quel peut être l’effet d’un facteur inhibant… Les connaissances approfondies viendront avec le temps et les soirées d’hiver consacrées à potasser les écrits des bons auteurs et les check-lists de l’AIS.

On ne cesse pourtant de dire, ici et là, que l’hybridation est facile. Techniquement c’est vrai. Pour le reste il faut être plus nuancé. Dans son livre, Richard Cayeux ne dit rien d’autre. Le chapitre consacré à la création de nouvelles variétés de pogoniris est très clair là- dessus. Il explique les aléas de l’hybridation, donne des conseils utiles (se limiter dans ses objectifs, choisir les bons parents, exercer une sélection rigoureuse des semis), expose les stratégies possibles et conseille sur la méthode qu’il faut choisir. Dave Niswonger, avec plus d’exemples personnels et de réflexions issues d’une longue pratique du métier, ne dit rien d’autre. C’est la démonstration qu’il n’y a pas d’autre voie, même si au savoir et au savoir-faire s’ajoutent le génie personnel et, un peu, la chance.

L’amateur ne doit pas imaginer cependant que le travail d’hybrideur est insurmontable. Il faut simplement, comme pour toute tâche, l’aborder avec sérieux et le minimum de connaissances. Moyennant cela, il est certain que même dans un jardin relativement petit, il est possible d’obtenir des iris de qualité et de contribuer, modestement, à la progression de nos fleurs favorites.

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