20.10.03

QUELQUES RÈGLES POUR HYBRIDER

Un passionné d’iris me disait récemment : « Je ne sais pas pourquoi, mais les croisements que je réalise ne donnent rien d’intéressant. » J’apprenais aussi qu’il agissait au gré de son esprit et sans véritable programme. Il est probable que ce sont là les causes essentielles de ses réflexions désabusées.

Dans une précédente chronique je rappelais les conseils des grands hybrideurs : choisir un domaine d’hybridation, commencer par le plus simple, appliquer quelques règles essentielles, et pour cela retenir quelques informations basiques. C’est de celles-ci dont il va être question maintenant.

Si le choix initial a porté sur l’amélioration d’une caractéristique de la plante (robustesse, vigueur, disposition des branches, nombre de boutons floraux…) il importe de choisir pour le croisement initial deux variétés de lignée différente, le consanguinité aboutit en effet à une perte progressives des qualités essentielles qu’il faut compenser en apportant du « sang » neuf. En partant, par exemple, d’un iris dont on apprécie la couleur mais dont on considère qu’un autre élément est médiocre ou insuffisant, on a de fortes chances d’obtenir une nouvelle variété plus conforme à ce que l’on attend en le mariant à une variété du même coloris mais issue d’une lignée différente porteuse de la qualité recherchée mais plus terne ou moins colorée. Attention, cependant : les variétés sélectionnées par les meilleurs hybrideurs sont en général des plantes d’excellente qualité ; il est à craindre qu’en les unissant à des variétés plus anciennes ce soit les traits les moins intéressants de celles-ci qui prennent le dessus : on reproduit plus facilement les défauts que les qualités ! J’ai personnellement réalisé un croisement de SKY HOOKS avec un vieil iris gris dont j’apprécie la couleur : les résultats ont été très variables, avec trois jolies choses et plein de nullités qui avaient hérité de toutes les imperfections – aux yeux d’un amateur d’aujourd’hui – du vieil iris.

Pour améliorer la clarté, la profondeur ou la pureté d’une couleur la technique du croisement interne (inbreeding en anglais) est celle qui est recommandée par tous. Prenons pour exemple la série d’iris roses développée par la Maison Cayeux. BUISSON DE ROSES (97) est le résultat de l’amélioration progressive de PRINCESS (Gatty 72), PLAYGIRL (Gatty 77), PARADISE (Gatty 80). LA VIE EN ROSE (99) est issu d’EDEN (Gatty 83), frère de semis de PARADISE. SUCCES FOU (2000) rajoute une nouvelle génération à BUISSON DE ROSES puisqu’il provient d’un frère de semis de celui-ci et de COMING UP ROSES (Gatty 92), achèvement de l’œuvre de Gatty dans les roses, qui est résultat d’une amélioration constante de la lignée Gatty, englobant les deux frères PRINCESS (Gatty 72) et LIZ (Gatty 72), et les deux cousins PLAYGIRL (Gatty 77) et BONBON (Gatty 77).

En toute circonstance il faut se souvenir de certaines caractéristiques génétiques :

Le rose est un caractère récessif. C’est à dire qu’il faut que les deux parents comportent le gène rose pour qu’on obtienne un nouvel iris rose. C’est la même chose pour le caractère plicata.

Le pigment qui donne les coloris rose ou jaune (avec toutes leurs variantes) est contenu dans les cellules des fleurs, il n’est soluble que dans l’huile ; le pigment bleu-violet se loge dans le liquide intercellulaire (quand le tissu se détériore, le liquide intercellulaire s’écoule et le pigment se répand, d’où les taches violacées), il est soluble dans l’eau. La juxtaposition des deux pigments, en doses variables, donne à l’œil l’infinie variété des coloris.

Le blanc n’est pas une couleur mais l’absence ou l’inhibition des pigments (voir LA MEIJE Cayeux 2000). Le vert indique la présence d’un soupçon de chlorophylle dans la fleur ; il intervient dans un certain nombre de coloris comme le tilleul, le miel ou le chartreuse.

Le croisement de deux iris de couleurs différentes ne donnera pas nécessairement un rejeton d’une couleur intermédiaire. Il y a trop de paramètres qui entrent en ligne de compte ! Mais on peut néanmoins arriver de temps en temps à ce résultat. C’est le cas par exemple de HORTENSIA ROSE (Cayeux 2001) qui se situe à mi-cheminn entre les couleurs de son ascendant femelle, EVER AFTER (Keppel 86), fuchsia très vif, et de son ascendant mâle, BUISSON DE ROSES (Cayeux 97), rose soutenu.

Ces quelques règles et lois respectées scrupuleusement ne donneront pas forcément naissance à des graines de champions, mais les déceptions seront plus rares et les bonnes surprises plus nombreuses. Mon correspondant du début aurait du y faire plus attention.

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