VERS DE NOUVEAUX COLORIS ?
I. Les unicolores
Les années 80 ont vu l’explosion des iris « rostrata » (ou plus communément « space-age »). Les années 90 ont été celles des « maculosa » (alias « broken color). De quoi seront faites les années 2000 ? On peut dès maintenant déceler les pistes qui seront explorées par les hybrideurs contemporains et ce sont ces pistes dont on va chercher ma trace aujourd’hui.
Chacun sait qu’il existe trois domaines sur lesquels on peut agir quand on veut créer de nouveaux iris : la couleur, ou les associations de couleurs, le modèle, ce que les Américains appellent « pattern », et l’aspect de la fleur (ondulations, dentelure, disposition des parties florales…). Dans chacun de ces domaines ont distingue actuellement des évolutions qui laissent à penser que l’avenir des iris, des grands notamment, ne sera pas monotone.
Premier domaine : la couleur. Il y a encore des couleurs qui n’ont fait l’objet que de très peu de recherches, soit qu’elles soient peu commerciales, soit qu’elles soient difficiles à obtenir. Je ne parle pas du rouge, qui ne viendra que si un transfert de pigment est réalisé par manipulation génétique. Mais l’iris n’est tout de même pas une plante qui mérite qu’on la manipule dans un simple but esthétique ; les recherches génétiques se concentrent sur des produits ayant une réelle valeur économique ou industrielle, ce qui n’est pas le cas de notre chère fleur ! A côté, il y a sans doute moyen d’apporter du nouveau par un simple travail d’hybridation. La couleur verte, tout d’abord. Elle provient d’une intrusion de la chlorophylle des feuilles dans les fleurs. Elle est très présente déjà dans des variétés comme BAYBERRY CANDLE (deForest 69) ou FLUTED LIME (Noyd 66), mais plusieurs hybrideurs plus récents s’y sont intéressés. C’est le cas de Hiram Ames, qui a produit EVERGREEN HIDEWAY (91), une variété vraiment verte, ou de Richard Ernst qui a enregistré des variétés à forte influence verte comme ENVY (90), en tilleul clair, et OLIVE BRANCH (90) en vert sombre, teinté chartreuse. A l’occasion, Joë Ghio l’a mis en avant, dans PISTACHIO (74), et dans AL FRESCO (81). De même la firme Schreiner, sans pousser les recherches en ce sens, a obtenu des iris dont le jaune et nettement teinté de vert ; c’est le cas de HELEN BOEHM (77), ou de MOONSTRUCK (79). Enfin, parmi les plus grands, Keith Keppel a commencé à s’y intéresser avec PATINA (78) et COSMIC DANCE (80) ; depuis quelques temps il semble qu’il ait eu pour cette couleur un regain d’intérêt puisqu’il a introduit récemment SUSPICION (99), une variété vraiment jaune tilleul, suivie de SECRET SERVICE (2002), un bicolore sombre aux pétales fortement imprégnés de vert, puis de TRADE SECRET (2003), un enfant de SUSPICION, à la couleur plus concentrée. Quand il s’intéresse à quelque chose, Keith Keppel va jusqu’au bout, il est donc assez prévisible qu’il ne s’arrêtera pas là et que le vert sera une des couleurs des années à venir. D’autant que d’autres hybrideurs font la même démarche que lui, comme le Tchèque Jiri Dudek qui propose dès maintenant quelques variétés franchement vertes comme ZELENY POKATEK (98) et plus encore BRUM BRUM BRUM (2000) et ses frères de semis, issus de SONG OF NORWAY.
Après le vert, une autre couleur peu utilisée est le gris. Certes le gris est moins flatteur, moins commercial que le bleu ou le rose, mais il offre un autre choix et intéresse sûrement certains collectionneurs. Il existe, malheureusement beaucoup de semis qui présentent un coloris que les Américains qualifient de « muddy », c’est à dire boueux ou grisâtre. C’est un défaut et les iris ayant cet aspect devraient être éliminés au moment de la sélection. Ils ne sont pas véritablement gris, mais leur couleur est impure parce qu’infestée de colorants anthocyaniques qui nuisent à l’éclat de la fleur. Ce n’est pas cela un iris gris, pour celui-là la couleur doit se présenter franchement, sans mélange douteux ; c’est ce qui en fait la rareté. A ma connaissance, il y a peu d’iris que l’on peut qualifier de gris. D’ailleurs à l’heure actuelle il semble que l’enregistrement d’un iris gris résulte plus de l’opportunité que d’une recherche réellement orientée. Et cette opportunité est plutôt rare. Au hasard de ses semis Joë Ghio a découvert un iris original, gris avec du jaune moutarde aux épaules, qu’il a baptisé GHOST STORY (75). Le même hasard a du permettre à Gordon Plough de sélectionner LONDON FOG (75). L’apparition de BATEAU IVRE (Anfosso 82) était plus prévisible, en raison du ton fumé de son parent mâle, GYPSY PRINCE, et c’est, me semble-t-il un gris foncé bien réussi au plan de la couleur. TRAITOR (Jameson 93) et son descendant GHOST (Dyer 99) sont aussi des iris franchement gris ; ils se distinguent, de plus, par une barbe proche du noir très originale. Ils sont peut-être à l’origine d’une famille d’iris gris comme il n’y en a pas eu auparavant. On peut dire la même chose d’une curiosité, pour l’instant, qui se nomme OZONE ALERT (Burseen 97). C’est un iris issu de semis bleu-noir, qui n’est pas franchement gris, mais qui tire vers cette couleur. Cependant, à mon avis, l’iris le plus gris qui soit, s’appelle BEGHINA. C’est l’enfant d’une amatrice italienne, Gina Sgaravitti, qui l’a obtenu dans le début des années 60 mais ne l’a jamais enregistré. Il est gris pur, doré aux épaules et légèrement bleuté sous les barbes qui sont jaunes. L’aspect de la fleur est évidemment daté, mais certains des semis que j’ai obtenus à partir de cette variété sont également gris et laissent présager une descendance réussie dans cette couleur. Avec TRAITOR, GHOST et OZONE ALERT, il permet de penser que le gris sera l’un des domaines de recherche des années 2000.
Pour en terminer avec les unicolores, j’ai remarqué qu’une nette tendance se dessinait pour développer les iris mordorés, des teintes que l’on attribue d’ordinaire aux chrysanthèmes. Je veux parler de ceux qui se situent au-delà de l’orange bien connu, et plutôt près du brun. Ce n’est pas une couleur nouvelle, mais plusieurs hybrideurs s’y intéressent actuellement. A commencer par Paul Black, dont DUDE RANCH (2000) a été couronné à Florence en 2002 qui est couleur caramel. GAME PLAN (2002) est la contribution récente de Keppel à ce coloris. GOLDEN PANTHER (Tasco 2000), NUT AND HONEY (Aitken 2001), OLD SANTA FE (Magee 2003), PENNY LANE (Lauer 99) font partie de cette tendance, et la firme Schreiner ne sera pas en reste, car elle a en attente un semis JJ 1747 A, qui va dans ce sens.
En dehors des iris unicolores (ou « self »), un autre domaine est celui des variétés bicolores. Il en sera question dans la prochaine chronique.
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