REGARDER DANS LE BLANC DES IRIS
Comme toutes les fleurs, les fleurs d’iris sont colorées parce qu’elles contiennent des pigments. Ces pigments sont de deux natures :
· ceux qui imprègnent le liquide intercellulaire, qui sont solubles dans l’eau, qui colorent en bleu, mauve, violet et même pourpre ou magenta, et qu’on désigne sous le terme générique de pigments anthocyaniques ;
· ceux qui se logent à l’intérieur des cellules, qui sont solubles dans les lipides, qui colorent en jaune, orange ou rose, et qui se nomment les pigments caroténoïdes.
Voilà pour l’essentiel, parce que les choses sont bien plus compliquées ! Prenons les pigments anthocyaniques, pour commencer. Il y en a six principaux, qui portent des noms évocateurs pour le jardinier :
· Pélargonidine (le géranium), qui est écarlate (ou amarante) ;
· Cyanidine (le bleuet), qui donne le pourpre ;
· Delphinidine (le delphinium), qui va du bleu au violet profond ;
· Peonidine (la pivoine), entre le pourpre et le grenat ;
· Pétunidine (le pétunia), rouge magenta ;
· Malvidine (la mauve), qui se charge du mauve jusqu’à l’améthyste.
Il y en a aussi quelques autres, qui sont seulement des co-pigments, associés aux précédents, et qui, isolés, vont du jaune pâle à l’abricot clair, mais qui n’apparaissent pas tout seuls. Chez les caroténoïdes, disons, pour faire court, qu’ils sont de deux sortes, le jaune ou l’orange qui s’appelle carotène, et le rose qui a pour nom lycopène. A côté de ces deux types de pigments liposolubles, il en existe deux autres, les pigments xanthophylles, plus ou moins bien identifiés par les scientifiques, et la chlorophylle, mieux connue, qui, présente dans les fleurs, leur donne, comme de bien entendu, une coloration plus ou moins verte. Mais c’est là un résumé tout à fait insuffisant pour un spécialiste !
Tous ces pigments sont – ou non - présents, en plus ou moins grande concentration, se superposent, et s’influencent les uns les autres, au point de donner les innombrables teintes, nuances ou associations, qui font la diversité des iris et notre ravissement.
Tout ce qui vient d’être dit concerne les iris colorés, mais les blancs ? Hé bien, regarder dans le blanc des iris n’est pas simple ! Il y a en fait plusieurs sortes de blancs et il faut le plus souvent être un expert pour savoir à quelle sorte on a affaire. Parce qu’entre les blancs dominants, les blancs récessifs, etc. je ne me risquerai pas à gloser !
Le blanc, en effet, peut provenir de l’absence de pigments colorés. Cela donne le blanc pur : la lumière est entièrement réfléchie parce qu’elle n’est absorbée par aucune substance. Cela se produit génétiquement, si je ne me trompe pas, une fois sur 36 dans un croisement entre deux plantes colorées. Mais il arrive aussi que le blanc existe parce que le ou les pigments sont freinés par un phénomène particulier que l’on nomme facteur inhibant. Et il existe des inhibiteurs de pigments aussi bien pour les anthocyaniques que pour les caroténoïdes. Attention ! Que les pigments anthocyaniques soient inhibés, ne signifie pas que la fleur soit nécessairement blanche. A cause de la présence de pigments caroténoïdes, elle peut fort bien être rose, jaune ou orange. L’inverse est également vrai, l’inhibition des caroténoïdes peut aboutir à des fleurs franchement bleues, mauves ou violettes. Qui plus est l’inhibition peut être imparfaite, la fleur présente alors des traces des pigments inhibés, le plus souvent sur les côtes, au cœur, aux épaules…
Et puis il y a encore d’autres inhibitions qui affectent une partie seulement de la fleur ; cela donne les amoenas (pétales blancs, sépales colorés) et les amoenas inversés. Les pigments peuvent enfin n’être inhibés que sur le pourtour de la fleur, ou, au contraire, en son centre (plicatas), sans compter les blancs à barbes colorées. Et comme ces diverses inhibitions peuvent s’additionner, on arrive à la multitude de mélanges de couleurs, de modèles de fleurs que l’on connaît.
Dans nos jardins l’iris blanc pur est forcément rare, ce qui n’empêche pas que nous ayons sous les yeux des iris blancs. Car à côté des « blanc de blanc », il y a les « blanc de bleu », les « blanc de rose » ou les « blanc de jaune ». Il y a même les « blanc de plicata », comme le fameux LACED COTTON (Schreiner 80) qui sait si bien cacher son jeu ! L’amateur moyen ne sait la plupart du temps rien de ces subtilités, il se contente, et il a bien raison, de se délecter de tous ces blancs qui ajoutent leur note apaisante dans le concert multicolore des iris.
Evoquer tout cela en quelques lignes est forcément bien schématique, je l’avoue ; je ne suis ni chimiste ni généticien ; mais je me suis efforcé d’être clair …ce qui est la moindre des choses quand on veut parler de blanc !
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