13.8.04

LA METHODE GIBSON

Quand il a quitté ce monde, en 1985, James Gibson avait écrit un des chapitres les plus importants de l’histoire des iris. C’est lui, en effet, qui a fait accomplir un immense bond en avant à la catégorie des iris plicatas.

C’était un homme persévérant, voire obstiné, qui ne s’est pour ainsi dire jamais détourné du but qu’il s’était fixé, à la suite d’une visite au jardin de Sydney Mitchell, à Berkeley, en face de San Francisco. C’était en 1940 et (James) Jim Gibson pratiquait l’hybridation depuis quatre ou cinq ans déjà. Mitchell était un hybrideur chevronné, déjà réputé pour ses plicatas. Gibson a admiré un semis original, en brun-rouge cuivré, et son mentor lui en a donné une étamine. Sitôt rentré chez lui, à Porterville, Gibson a cherché une fleur d’iris plicata susceptible de recevoir le précieux pollen donné par Mitchell. La seule variété de la catégorie encore en fleur dans sa plantation était le vieux SACRAMENTO (Mitchell 29). Ce croisement SACRAMENTO X semis Mitchell allait devenir une des pierres angulaires du travail de Jim Gibson et orienter toute sa carrière d’hybrideur, qui dura plus de cinquante ans.

Au début, il a fait un nombre considérable de croisements avec tout un tas d’iris différents, mais peu à peu il s’est rendu compte qu’il avait intérêt à limiter sérieusement son matériel génétique, quitte à multiplier les croisements entre ces variétés de base. C’est ainsi qu’il a retenu essentiellement TIFFANY (Hans Sass 38), plicata bronze rosé sur fond jaune clair, SIEGFRIED (Hans Sass 36), premier plicata sur fond réellement jaune, ORLOFF (Hans Sass 37), fort plicata brun rougeâtre sur fond crème, FIRECRACKER (Hall 43) très intéressant plicata bourgogne sur fond jaune, MISTY ROSE (Mitchell 39), bitone rose violacé, et MADAME LOUIS AUREAU (Cayeux 34), le plus beau des plicatas français de Ferdinand Cayeux, auxquels s’ajoute SACRAMENTO, précédemment cité et son semis issu du pollen donné par Mitchell. C’est en croisant et recroisant ces variétés qu’il a conçu les iris qui ont fait sa célébrité et lui ont valu, avec KILT LILT (70), la Médaille de Dykes en 1976. Mais avant d’arriver à cette consécration, bien des variétés superbes étaient nées, depuis le fameux GIBSON GIRL (48), plicata violine sur fond blanc, avec barbes jaune orangé, provenant de TIFFANY X MADAME LOUIS AUREAU, et TAHOLAH (56), en fuchsia sur fond blanc, issu de FIRECRACKER. En 59 étaient apparus CAYENNE CAPERS et CHINQUAPIN, en 64 RADIANT APOGEE, en 65 WILD APACHE, en 66 LORNA LEE, distingué à Florence, autant de variétés qui ont fait carrière chez nous, avant que n’apparaisse APRIL MELODY (67).

Jusqu’à ce moment, les plicatas étaient dotés de barbes blanches, bleutées ou jaune clair. Avec APRIL MELODY, Gibson est parvenu à obtenir un véritable plicata rose à barbes rose orangé, ou mandarine. A partir de là, la famille des plicatas roses n’a plus cessé de s’enrichir, le rose des dessins devenant de plus en plus vif, tournant quelquefois à l’orange. La couleur du fond a également changé : ce que les spécialistes appellent le « facteur mandarine » a en effet joué sur les pigments jaunes, de telle sorte qu’on a peu à peu découvert une infinité de nuances. On a trouvé des iris plicatas à fond crème, ou chamois, ou même rose tendre, ces couleurs acquérant de l’intensité au fil des nouveaux croisements. Pour parvenir à ce résultat, Jim Gibson n’a pas dérogé à sa méthode, il a simplement ajouté, parcimonieusement, à sa ligne de plicatas brun-violacé une petite dose de gènes provenant d’iris roses ou abricot. En particulier de BALLERINA (Hall 50), PALOMINO (Hall 51) et HAPPY BIRTHDAY (Hall 52), de même que du plicata pourpre NEW ADVENTURE (Muhlestein 53). Ces apports ont donné naissance non seulement aux plicatas roses, mais aussi à toute une série de nouveaux plicatas dont APRICOT BLAZE (71), ambre sur fond ivoire, et ANON (75), abricot ambré sur fond blanc. Beaucoup des descendants directs d’APRIL MELODY – sans parler de ceux obtenus par Keith Keppel – sont bien connus en France, et toujours présents dans les catalogues : CASINO QUEEN (71), PORTA VILLA (75), RIPPLING ROSE (70), SMOKE RINGS (72)… Cependant cette voie nouvelle n’a pas été la seule qu’explora Jim Gibson. Tous les autres plicatas l’intéressaient également. Revenons à KILT LILT, en particulier.

Dans ce cas la méthode Gibson a été appliquée dans toute sa rigueur. Dans le pedigree de cet iris on retrouve tous les ingrédients cités plus hauts. Mais le génie de l’obtenteur a été de déceler et exploiter la tendance à voir réapparaître l’effet variegata qui existait dans les plicatas sur fond jaune de Hans Sass. Le résultat a été cet extraordinaire variegata-plicata aux pétales vieil or flamboyant sur des sépales crème vigoureusement marqués de brun violacé. La lignée a été poursuivie, toujours dans le même esprit et de nombreux autres iris de Jim Gibson sont venus apporter d’infinies variantes, toujours richement colorées. Parlons de AUTUMN ECHO (75), RUSTIC DANCE (80) ou YELLOW BRICK ROAD (92).

Même méthode, même résultat parmi les plicatas violets. Qui ne connaît pas GOING MY WAY (72), BLUE STACCATO (77) ou LICORICE FANTASY (86), le plicata sans doute le plus noir qui existe aujourd’hui. Et que dire encore, à propos de cette parfaite réussite que fut QUEEN IN CALICO (80), dont le fond abricot est densément poudré d’acajou, tout comme ses frères de semis COLUMBIA THE GEM (82) et RED LIGHTNING (83) ?

A sa mort, Jim Gibson n’avait pas terminé la sélection de ses nombreux croisements. C’est Richard Ernst, qui a reçu son héritage et qui l’a fait fructifier. Plusieurs iris excellents comme CALDRON FIRE (95) et RUFFLED COPPER SUNSET (93), sont venus « post mortem » ajouter à la gloire de Jim Gibson, comme pour confirmer un peu plus l’efficacité de sa méthode.

Sources :
Bulletin de l’AIS, Janvier 1994, Some notes on the Gibson plicatas, by K. Keppel ;
The World of Irises (Warburton and Hamblen), 1986, p. 104/106.

Aucun commentaire: