PANIER DE LANGOUSTES
Tout à l’heure je suis parti au jardin avec mon dernier panier de langoustes. C’est en effet à ces crustacés que me font irrésistiblement penser les rhizomes d’iris que je suis en train de planter. Le rhizome proprement dit, c’est le corps de la langouste, les racines se sont les pattes et les feuilles, coupées en pointe à mi-hauteur, ce sont les antennes.
Au fond du jardin, dans un grand espace nouvellement et finement retourné puis préparé, j’ai commencé à transplanter ma collection d’iris. Enfin une partie de celle-ci car, autant par manque de place que par incapacité physique à m’occuper de plantes plus nombreuses, j’ai décidé d’éliminer les plus anciennes variétés, ou celles qui poussent le plus mal dans ma terre de prairie sèche. Le choix a été cornélien ! Allais-je garder IRISH SPRING ou SONG OF ERIN ? CRINOLINE ou NEEDLEPOINT ? Et quel crève-cœur de devoir écarter VANITY et OVATION qui, comme la plupart des iris roses, rechignent à se développer chez moi ! Tout bien pesé je n’ai conservé que 224 variétés, y compris les nouveautés que j’ai reçues cette années de Slovaquie et d’Italie. Ce sera bien assez pour un jardinier vieillissant. Ce n’est pas la plantation qui me fait du souci, mais les futurs désherbages…
Sur les bordures, qui s’élèvent à environ 20cm du sol environnant, j’ai creusé des petites dépressions au fond desquelles j’ai déposé une poignée d’engrais complet 10/10/10 et une autre poignée de corne broyée. J’ai mélangé ces ingrédients à la terre fraîchement remuée et, pour chaque rhizome, j’ai tracé deux fins sillons espacés d’environ cinq centimètres. J’ai posé chaque langouste sur le petit dôme ainsi créé, les pattes (pardon, les racines) étalées dans les sillons, le ventre (pardon, la base du rhizome) appuyé sur le dôme. Un peu de terre est rapportée par-dessus tout cela, une pression est exercée, pour bien tasser la terre, et voilà !
La 224ieme variété plantée, mon panier de langoustes vide, j’ai contemplé mon œuvre, avec une certaine fierté. C’est propre, cela a bonne allure, l’enroulement des bordures qui colimaçonnent depuis le centre du jardin, devrait produire son effet quand tout cela sera en fleur. J’en oublierais presque mon mal au dos !
Il reste à dessoucher l’ancienne plantation, dans l’autre moitié du jardin. Retirer une à une ces touffes que j’ai bichonnées tendrement, sur lesquelles je me suis penché avec tant d’attention, qui m’ont apporté tant de plaisir pendant des années, va être un autre moment de tristesse… Mais il faut bien tenir compte du temps qui passe, et du chiendent qui a envahi une grande partie de la plantation, empêchant les iris de croître normalement et rendant illusoire leur désherbage.
La sélection des plus beaux rhizomes a été l’occasion de me poser des questions sur le comportement des variétés. Pourquoi, par exemple, côte à côte, WHITE LIGHTNING et TRAPEL ne poussent-ils pas de la même façon ? Le premier n’émet que quelques pousse chaque année, alors que le second se développe à toute allure. Pourquoi l’ombre ne dérange-t-elle pas du tout BATTLE STAR, alors que KILT LILT, dans le même environnement végète lamentablement ? LIGHTLY SEASONED et ETERNAL BLISS ont poussé sans sourciller sous les branches d’un cerisier, de même que STELLAR LIGHTS et un groupe d’italiens (ALDO RATTI, MANI PULITE, AZZURRA), mais dans les mêmes conditions les allemands MANDY G et GITTA n’ont pas apprécié ! Dans leurs nouveaux emplacements, ces variétés seront toutes logées à la même enseigne d’un ensoleillement maximal, je verrai bien comment elles se comporteront ! Voilà un sujet de réflexion et une attente qui me font espérer que mes iris transplantés m’apporteront encore beaucoup de joie, tout en continuant de m’intriguer sur bien des points. Les plantes, quelles qu’elles soient, ont encore bien des secrets, à moins que, comme certaines jolies filles, elles aiment à se montrer capricieuses, ce qui ne serait pas le moindre de leur charme.
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