V COMME VARIEGATA
Dans « The World of Irises », à la différence de ce qui est fait pour les amoenas, il n’y a pas à proprement parler de développement concernant les iris variegatas tels que nous en parlons, c’est à dire ces iris aux pétales dans les tons de jaune, au-dessus de sépales dans les tons de brun, de bleu ou de violet. Leur problématique est traitée au chapitre des bicolores, tout simplement. Richard Cayeux quant à lui, dans « L’Iris, une fleur royale », leur accorde cependant deux pages, mais sans s’attarder sur les origines du modèle ni sur son évolution. C’est ce qui va être abordé maintenant.
Dans le langage botanique, lorsqu’on parle de Iris variegata, c’est pour évoquer une petite plante diploïde, originaire d’Europe sud-orientale, d’à peine 40 cm de haut, dont la fleur est constituée de trois pétales jaunes et de trois sépales blancs veinés de grenat. On est évidemment loin des variegatas de nos jardins actuels qui, s’ils tiennent tout de même beaucoup de cet ancêtre, ont incorporé beaucoup d’autres gènes et sont aussi devenus tétraploïdes.
Il est intéressant de suivre l’évolution des variegatas au cours des années. Prenons, par exemple les variegatas diploïdes obtenus en Allemagne par Goos et Koenemann, et en particulier LORELEY (1901). Nous sommes devant un iris à peine évolué : pétales jaune pâle, sépales blancs où s’étalent des stries intenses d’un rouge pourpré. En 1920 les mêmes obtenteurs présentent FLAMMENSCHWERT. La couleur des pétales s’est intensifiée, le fond des sépales est également jaune, et le réseau pourpré est devenu si dense que le fond disparaît presque totalement, pour ne réapparaître qu’en un fin liseré, tout au bord. La plante s’est aussi renforcée et a grandi : FLAMMENSCHWERT atteint les 80 cm. En 1932, CROWN PRINCE, de Kleinsorge est encore plus contrasté : les pétales sont d’un vieil ivoire, sur les sépales les traces de veinage n’apparaissent que sous les barbes, le reste est d’un grenat uniforme. A noter aussi que l’on constate un soupçon d’ondulation tout au bord des sépales. Une photo de ACCENT (Buss 52) montre un variegata devenu presque trop grand (115 cm), très voisin du précédent en matière de coloris mais avec une remarquable flamboyance. La barbe d’or est superbe sur les sépales brun chaud.
Au cours des cinquante ans qui ont suivi, les variegatas se sont multipliés, évoluant dans quatre directions : vers des sépales très foncés ; vers des teintes plus brunes aux pétales ; vers des sépales où le violet s’affirme à côté du brun-rouge ; mais aussi vers des tons pastel, où le jaune devient primevère et le violet mauve tendre. Exemple de la première évolution, PEKING SUMMER (Schreiner 83) dont les sépales sombres s’accordent si bien avec l’or des pétales. Du côté de l’ambre ou du miel aux pétales il faut parler de SYNCOPATION (Gatty 84), SPANISH BOLD (Blyth B. 86), sombre mais somptueux, et même du petit Français CORBIÈRES (Ségui 82). Pour illustrer la troisième évolution, choisissons GALA MADRID (Peterson 68), père du précédent et formidable iris cuivre et pourpre, puis EDITH WOLFORD (Hager 86 – DM 93), jaune citron et indigo, ainsi que le récent JURASSIC PARK (Lauer 95) qui est issu d’EDITH WOLFORD. Enfin pour la quatrième variante arrêtons-nous au ravissant SWEDISH MODERN (Babson 76), jaune paille et bleu tendre, bien ondulé, ou à son égal BETTY SIMON (Hamblen 76), à peine plus mauve aux sépales.
Aujourd’hui les variegatas n’ont pas fini d’évoluer, soit qu’ils continuent d’accroître l’effet de contraste, comme chez ANDALOU (Cayeux 95), soit qu’ils s’ornent de pétaloïdes, comme le petit tchèque PEGAS (Smid 80), soit même qu’ils inversent les couleurs ! Depuis peu, en effet, il existe des variegatas inversés. L’une des premières apparitions de ce nouveau modèle a été CUP OF COCOA (Plough 82), où le jaune chamois des pétales est fortement infus de lavande, les sépales conservant la couleur initiale ; puis vint SILICON PRAIRIE (Stanek 91), où les couleurs sont bien inversées mais les teintes encore très pâles. En 2000 deux nouveautés ont nettement enfoncé le clou : SADDLE UP (Christopherson) – pétales lavande, sépales chamois et barbes mandarine – et surtout WONDERFUL TO SEE (Kerr) – pétales mauve parme, sépales jaune safrané, barbes or. La série continue en 2003 et 2004. APPOLLO’S ROBE (Carter 2003) offre du jaune tilleul aux sépales, du mauve aux pétales avec des côtes où grimpe le tilleul des sépales. FARE THEE WELL (Christopherson 2004) renouvelle l’expérience de SADDLE UP, avec le même « père » (HULA DANCER*), mais une autre « mère » (STORYBOOK au lieu de NANCY GLAZIER). Toutes ces améliorations et transformations laissent présager un bel avenir au modèle variegata.
* HULA DANCER (Shoop 85), comme quelques autres iris de George Shoop, est un bicolore inversé avec des pétales rose bruyère et des sépales abricot, où le jaune, donc, est déjà présent.
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