28.1.05

A DEUX, C’EST MIEUX
I. Maris et femmes

Dans le petit monde des iris il y a toujours eu des couples qui se sont passionnés ensemble pour leur plante favorite et ont laissé leurs deux noms dans les annales. Pour ne parler que des grands iris, qui font le plus souvent l’objet des chroniques d’ « Irisenligne », on en relève plus d’une vingtaine, dans la période récente (de 1950 à nos jours).

Pendant plus de vingt ans, Fred et Caroline DeForest, de Canby, dans l’Oregon, ont connu la célébrité, s’offrant le luxe de décrocher deux Florins d’Or et une Médaille de Dykes. BY LINE (52) a été l’un des tout premiers iris à être récompensé à Florence. Un nouveau succès est venu de cette ville en 57 pour couronner ce qui reste l’un des bleu ciel les plus célèbres, REHOBETH (53). Quant à FIRST VIOLET (51), c’est le vainqueur de la DM de 1956 ! Mais bien d’autres variétés ont fait la renommée des DeForest : COLOR CARNIVAL (48), unique rose pêche griffé de pourpre ; LULA MARGUERITE (59) blanc teinté de vert, ou le fameux BAYBERRY CANDLE (69), l’une des dernières obtentions de Caroline, et qui a fait le tour du monde.

Le couple de Kenneth et Catherine Smith, au cours de la même période, s’est distingué en proposant, en 1949, HELEN COLLINGWOOD, l’un des premiers amoenas remarquables. En 53 c’est le tour de ELIZABETH NOBLE, fils du précédent, et également joli amoena. Enfin le célèbre REPARTEE (68), toujours commercialisé, n’a pas encore trouvé quelque variété pour lui donner la réplique dans les tons de chamois et de marron.

Pour en finir avec les couples fameux des années 50, citons Roy et Mildred Brizendine, de Topeka, au Kansas, dont MILLIONAIRE (56), reste un « must » quand on parle d’iris couleur de bronze.

Une autre famille s’est spécialisée dans les iris bruns : les BLODGETT, Arthur et Romona, dont on connaît INDIAN FRINGE (68) et, surtout, CHIEF WAUKESHA (78), couleur sang de bœuf.

Deux couples de Brown se sont fait une place au soleil. Le premier, Rex et Alta, a occupé le terrain pendant les années 60, avec, notamment, GREEN QUEST (59), puis LA JUANA (67), éclatant jaune à barbes orange, et GRAND FINALE (73), bleu ciel tardif issu d’une longue lignée de bleus. Le second, Bob et Jean, a eu son heure de gloire avec une série d’iris bleus ou violets, comme CARO NOME (68), bleu lavande comme son descendant MONACO (76) et, en plus foncé COLLAGE (86) ou ARRANGER’S CHOICE (87).

Henry et Luella Danielson, de Chapparal au Nouveau Mexique, se sont fait connaître par les deux frères de semis que sont LAURENCE WELK (77), blanc à barbes bleues, et SCENTED OPALS (80), bleu glacier à barbes bleues. Dorothy et Anthony Willott, eux, sont plutôt spécialisés dans les iris nains, mais leur LOVER’S CONCERTO (99) est un rose dragée, fils de BEVERLY SILLS, tout à fait charmant.

Evelyn et Bennett Jones ont eu une longue carrière dont l’apogée se situe au cours des années 70. A leur actif il y a ELIZABETH STUART (71), rose orchidée, SEA VENTURE (72), un précurseur en matière d’amoenas inversés, JEANNE PRICE (77), jaune acide très apprécié, TREVI FOUNTAIN (78) blanc ourlé d’abricot, puis ORANGE HARVEST (88) et aussi POND LILY (94), chant du cygne d’Evelyn, délicieux mauve améthyste influencé de rose.

Robert et Mary Dunn font partie des obtenteurs les plus prolifiques. Entre 1970 et la fin du siècle, ils ont obtenu un grand nombre d’iris remarquables dans tous les types et Mary Dunn figure au panthéon des obtenteurs. Depuis DREAM WORLD, en 78, jusqu’à CITY LIGHTS, son chef d’œuvre, en 91, elle nous a donné des splendeurs comme HIGH FALUTIN (84), CRUZIN (87), DIVINE (88), ZANY (88) ou LA FORTUNE (89). Quant à Robert Dunn, il est l’auteur de PAGAN (73), CRYSTALYN (86) ou VERIVOGUE (89) et bien d’autres.

Autre couple à la production phénoménale, les Meek. Leur activité s’est un peu ralentie, mais pendant un quart de siècle ils ont obtenu des iris parmi les plus jolis et les plus renommés. Joyce Meek est l’obtentrice de P.T. BARNUM (79), un brun-rouge archi-connu, AFTER HOURS (81), HARLEM HUSSY (82), WILD CARD (83), l’un des premiers maculosas enregistrés, DATE BAIT (85), BLACK FANTASY (88), ou FALLEN ANGEL (95), un amoena inversé joliment frisotté. Pour sa part, Duane Meek nous a offert CHERRY SMOKE (78), grenat foncé très original, DESERT ECHO (80), jaune au cœur poudré de brun, BLACK AS NIGHT (92) puis, en 93, IMAGINARIUM et TEMPTING FATE dont on admire le bleu tendre des pétales et le bleu marine des sépales.

La mode des couples d’obtenteurs ne se dément pas et au cours des dernières années leur nombre n’a fait que croître avec des noms devenus célèbres comme ceux de Anna et David Cadd, Vicki et Jim Craig, Kathie et Brad Kasperek, Ginny et Donald Spoon … En dix ans les Kasperek se sont fait un nom en enregistrant un grand nombre de maculosas souvent très réussis mais affublés de noms plutôt ridicules à nos yeux d’Européens, comme GNU (94), TIGER HONEY (94), GIRAFFE KNEEHIZ (96), HIPPO’Z TUTU (96), SERENGETI SPAGHETTI (98) mais aussi SAHARAN SUN (95) ou MILLENIUM FALCON (98), vraiment réussi, avec des pétales bleu glacier et des sépales blancs barbouillés d’indigo. Les Craig sont moins productifs mais leurs TOUCH OF COLOR (91) à peine amoena inversé, VOLATILE (96), blanc bleuté, ou BLUEBERRY ICE (97), plicata bleu, sont des variétés plaisantes. Les Spoon ont acquis une belle réputation en quelques années. BLANEY MARLOW (96) qui offre une certaine ressemblance avec l’inimitable COLOR CARNIVAL, puis UNCLE CHARLIE (99) blanc très pur à barbes mauves et MY GINNY (2000), brillant bicolore rose orangé et magenta, laissent présager des performances enviables. La famille Cadd, pour ce qui la concerne, n’a commencé d’enregistrer qu’en 1999, mais elle promet des lendemains qui chantent car elle a réussi cette année un doublé mémorable à Florence (Florin d’Or pour FROSTED FANTASY (2000) et d’Argent pour MIDNIGHT MINK (2000). Le premier est blanc, nuancé d’argent, le second est un bleu nuit profond. Ajoutez à cela le superbe amoena sombre CHANGE OF MILLENIUM (99), et vous aurez un aperçu du talent de ces deux obtenteurs.

Mais il n’y a pas qu’aux Etats-Unis où monsieur et madame se mettent à hybrider ! Prenez les Blyth, en Australie. Lesley, l’ex-épouse a obtenu, par exemple, le fameux LIGHT BEAM (85) qui donne l’impression d’être un plicata jaune, mais c’est Barry qui nous gratifie chaque année d’une multitude de variétés nouvelles. Pour n’en citer qu’un petit nombre, choisissons CABARET ROYALE (76) qui n’est plus à décrire, NEUTRON DANCE (87), amoena jaune très contrasté, LOVE CHANT(79), magistral amoena orange, REMBRANDT MAGIC (92), magnifique iris café à barbes moutarde, ou TOMORROW’S CHILD (84), bicolore orchidée et bourgogne. En France, nous avons connu la famille Anfosso. Plutôt les familles car les aînés, Pierre et Monique, ont donné le virus aux plus jeunes, Pierre-Christian et Laure. L’iridophilie est bien marrie du désintérêt que ces obtenteurs talentueux manifestent aujourd’hui à l’égard des iris. Jusqu’en Russie, l’iridophilie à deux s’est répandue : le ménage Gordodelov, au pied du Caucase, a sélectionné un grand nombre de variétés, toutes de parents inconnus, comme des enfants trouvés. Et maintenant Sergeï Loktev travaille de conserve avec sa compagne Ludmilla Rozanova. Leur entreprise, qui concerne tous les types d’iris, est bien dans la ligne de l’iridophilie russe actuelle, davantage orientée vers le nombre que vers la qualité.

Hybrider à deux, c’est apparemment mieux, ou tout au moins source d’un complément de motivation. Nous venons de voir que les couples d’hybrideurs sont nombreux et déterminés. Mais depuis longtemps de solides relations entre hommes ont abouti au même résultat. Dans une prochaine chronique, nous évoquerons ce phénomène.

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