SANFORD BABSON
Si l’on devait décerner une médaille à l’obtenteur le plus discret, sans doute devrait-on décorer Sanford Babson. Ce Californien du Sud, installé à Visalia, dans l’ample vallée de San Joaquin, à mi-chemin entre San Francisco et Los Angeles, a fourni au monde des iris des variétés qui ont marqué leur temps, sans qu’il recherche la moindre notoriété. Il ne songeait ni aux honneurs ni à la célébrité, participant très peu aux activités du microcosme dont il faisait involontairement partie. Il considérait les iris comme un loisir, son activité principale étant la culture des orangers. Mais il passait aussi pas mal de temps à herboriser dans les Rocheuses et s’adonnait au golf.
Son intérêt pour les iris lui est venu avec les encouragements de Tom Craig, Californien du Sud lui aussi, obtenteur important de l’après-guerre, qui l’accueillit à son catalogue au début des années 50, avec des variétés comme YUCCA (53), iris crème plus blanc au cœur, issu d’un croisement de SNOW FLURRY X BALI BELLE, qui devait être à l’origine d’une grande partie des obtention de Sanford Babson.
Il prétendait ne pas avoir d’idée préconçue dans ses choix de croisement, mais à défaut de ligne de conduite claire, il avait au moins un sens précis de ce qui pouvait aboutir à quelque chose de neuf et d’intéressant. Par exemple ce croisement de SNOW FLURRY et de BALI BELLE. A vrai dire Babson perdit un jour le pedigree d’un semis qui lui a cependant paru porteur d’espoir, son E 61. Il était certain qu’il s’agissait du croisement SNOW FLURRY X BALI BELLE, mais n’en ayant plus la preuve, il se contenta d’indiquer le numéro de ce semis dans les informations données à propos de ses descendants. C’est le cas pour CAMBODIA (66), COMMENTARY (63), CONFECTION (64), EPIC (65) ou FAIR IMAGE (60). ET bien entendu les descendants directs de ces variétés, comme APROPOS (64).
Après la disparition de Tom Craig, c’est Ben Hager qui a trouvé dans son Melrose Garden une place pour les cultivars de Sanford Babson. Il y en eut une quarantaine entre 1960 et 1984. On ne peut pas tous les nommer, mais il y en a cependant qui ont atteint une telle renommée et un succès international si important qu’on ne peut pas les passer sous silence. Témoin : CREDO (64), acajou uni, TAMBOURINE (68), variegata or et grenat, PANTOMIME (70) blanc nacré, ODYSSEY (71), plicata indigo, CHAPEAU (71) imposant amoena beige et pourpre, SWEDISH MODERN (76), délicat variegata paille et mauve, MERRY MADRIGAL (82), voisin du précédent, FANCY FELLOW (84), original bleu clair veiné de plus foncé, sans oublier SHIPSHAPE (69), bleu drapeau à barbes jaunes, qui s’est offert la Médaille de Dykes en 74 après avoir déjà conquis la Franklin Cook Cup l’année précédente.
La plupart de ces variétés ont eu une descendance nombreuse et valeureuse, ce qui prouve l’excellence des choix de Sanford Babson. Prenez le joli bleu ciel EPIC : c’est le « père » de SHIPSHAPE, lui-même à l’origine du bleu vif BREAKERS (Schreiner 86), de BLEU DE GIEN (Cayeux 78) ou de FREEDOM ROAD (Plough 77), lequel rejoint un autre iris Babson, MERRY MADRIGAL, dans le pedigree de EDITH WOLFORD (Hager 86 – DM 93). CHASING RAINBOWS, un autre superbe produit de Ben Hager, est également un descendant de MERRY MADRIGAL qui a pour parent un certain TAMBOURINE. Dans le jeu des participations croisées, TAMBOURINE se retrouve chez SWEDIH MODERN, mais il a également donné naissance au chaleureux bicolore SHAMAN (DuBose 80). CAMBODIA a été utilisé par P. Anfosso pour son original SANSEVERINA (81). J’ai déjà parlé de COMMENTARY, qui est une des variétés les plus utilisées jusqu’à présent et qu’on trouve entre autres derrière SOAP OPERA (Ghio 82), PANTOMIME (Babson 70), APROPOS (Babson 64) lui-même à l’origine de TAMBOURINE et d’une longue lignée où se rencontre PACIFIC MIST(Schreiner 79. Enfin n’oublions pas que CHAPEAU a donné naissance à JAZZ FESTIVAL (Schreiner 90), un brillant variegata, et que CREDO a transmis ses qualités et ses couleurs à une série de brun-rouge comme MINISA (Wall 76) ou EVENING IN PARIS (N. Sexton 76).
Après une carrière d’hybrideur d’une trentaine d’années, Sanford Babson a rangé ces brucelles au début des années 80. Il s’est tenu complètement à l’écart du monde des iris, à la place qu’il avait toujours occupée. Il s’est éteint en 2003 à l’âge respectable de 93 ans, mais les amateurs l’avaient tellement perdu de vue que cette disparition est passée inaperçue et qu’il n’a pas eu droit à la chronique obituaire que le Bulletin de l’AIS consacre habituellement aux « majors » de l’hybridation. C’est donc ici qu’il trouvera l’hommage que les iridophiles lui doivent.
Sources : Article de Ben Hager in B. AIS juillet 1974 ; F. Thoolen (e-mail du 16/01/05).
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