29.3.05

Edward WATKINS

C’est comme pour le Prix Goncourt, la Médaille de Dykes est quelquefois décernée à un iris qui reste le seul ouvrage connu de son auteur. Certains écrivains sont à la tête d’une œuvre importante, appréciée des initiés, mais le grand public ne connaît d’eux qu’un roman, celui qui a été primé. Il en est de même dans le petit monde des iris. Prenez par exemple le cas d’Edward Watkins : aurait-on parlé de lui sans ELEANOR’S PRIDE et la D.M. qui lui a échu en 1961 ?

Ed Watkins (1889/1963) était un homme sans histoire, un pur produit de la Nouvelle Angleterre, né à Concord, capitale du New Hampshire, au nord de Boston. Rien ne le prédestinait à la moindre notoriété. Venant d’un milieu modeste il commença dans la vie par un emploi dans la compagnie de chemin de fer du coin. Mais un grave accident le laissa avec une jambe estropiée… C’est le médecin qui le soigna qui l’attira vers les iris. Le Dr Robert Graves était passionné par l’hybridation. Il prit Ed. Watkins en amitié et celui-ci se mit à jouer les abeilles, comme un dérivatif à son inaptitude au travail sur les voies ferrées. Comme son mentor, qui devait quelques années plus tard obtenir HELEN McGREGOR (43), iris blanc, D.M. en 1949, il fit des essais sur les iris blancs. C’est ainsi que sans en revendiquer la paternité, les deux semis blancs qui se nommèrent SNOW CARNIVAL (Graves 40) et AND THOU (Graves 40) résultent de son travail méticuleux et perfectionniste. Pour la petite histoire, il faut savoir que cet AND THOU est un fils du français NENE (F. Cayeux 28).

Au début des années 50, à plus de soixante ans donc, Ed. Watkins s’associa avec son frère Arthur pour créer sa propre pépinière, Fairmount Gardens, à Lowell, sur la route qui va de Concord à Boston. Une de ses premières introductions fut ICE CARNIVAL (50), un bleu très pâle issu de JANE PHILIPS (49), variété obtenue par son ami R. Graves. Pour s’assurer qu’il avait bien exploité toutes les potentialités, Watkins n’hésitait pas à recommencer au moins trois ans de suite le même croisement. Ce fut le cas pour ELEANOR’S PRIDE (52), qui provient d’un énième mariage de JANE PHILIPS et de BLUE RHYTHM. Cette fois aura été la bonne puisque cet iris bleu pâle sera l’attributaire de la D.M. en 1961.

Depuis son accident, la santé d’Ed. Watkins n’avait jamais été bonne et elle s’est encore détériorée après son soixantième anniversaire. L’aide de son frère Arthur lui fut précieuse : Edward était la tête, Arthur était les jambes. Ed. décidait des croisements qu’il voulait faire, mais c’est Art. qui les réalisait. De même c’est Ed. qui sélectionnait les plantes à conserver, mais c’est Art. qui prenait la bêche pour détruire les autres. De ce travail à quatre mains sont sortis quelques iris, en général des variétés unicolores (self), mais aucune n’est jamais parvenue à retenir durablement l’attention des juges. Cela ne veut pas dire qu’il s’agissait de variétés médiocres ! JEAN BOYD FITTZ (60), par exemple, est une réelle avancée dans les tons foncés, et LONDON TOWN (57), mauve jacinthe clair, plus sombre au cœur, a vraiment beaucoup de charme. Néanmoins le miracle d’ELEANOR’S PRIDE ne s’est jamais reproduit, et Edward Watkins reste l’un de ceux qui ne sont pratiquement l’obtenteur que d’une seule variété.

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