LES QUATRE VIES DE M. MUSKA
Pour pratiquer l’hybridation d’iris de l’autre côté du Rideau de Fer, entre 1960 et 1990, il fallait beaucoup d’humilité et beaucoup d’enthousiasme. Ladislav Muska ne manquait ni de l’une ni de l’autre. Au début des années 60 il avait terminé des études de chimie organique et disposait donc d’un bon bagage en matière de génétique, de biologie et de botanique. C’est avec cela qu’il s’est lancé dans l’hybridation des iris, une plante connue et appréciée de toujours dans sa Slovaquie natale. Il n’est cependant pas parti à l’aventure tout seul, car à cette époque, nombreux étaient ceux qui s’intéressaient aux iris hybrides dans ce qui constituait la Tchécoslovaquie. Entre tous ces amateurs régnait une vive amitié : aucun objectif commercial ne dressait entre eux les barrières de la concurrence, et s’il y avait compétition, elle s’entendait dans le sens de l’émulation et pas dans celui de l’antagonisme. Ceux qui, comme notre ami Muska, se lançaient dans l’hybridation manquaient évidemment d’expérience, mais aussi de connaissances, d’informations et, surtout, d’iris ! Il n’était pas facile de se procurer les variétés américaines de l’époque. Aussi travaillait-on à partir de variétés anciennes, acquises par la débrouille et le commerce parallèle. La démarche était par ailleurs intuitive et sentimentale : pas de programme précis, pas d’autre but que celui d’obtenir de nouveaux iris, les plus beaux possibles, tout simplement.
Ladislav Muska a appelé cette première période de sa vie d’hybrideur, l’ « étape Babbling Brook ». parce que cette variété était la plus belle et parmi les plus récentes de celles dont il disposait et qui comprenait surtout ALLEGIANCE (Cook 57 – DM 64), CRINOLINE (Schreiner 65), CRYSTAL BLUE (Schreiner 64), GLISTENING SNOW (Schreiner 63), HAPPY BIRTHDAY (Hall 52), LIME FIZZ (Schreiner 69), MATINATA (Schreiner 68), RADIANT APOGEE (Gibson 64), STEPPING OUT (Schreiner 64 – DM 68), WHOLE CLOTH (Cook 58 – DM 62), et quelques autres. A propos de cette période, L. Muska a écrit lui-même : « J’étais satisfait de certains de mes résultats d’alors, mais cela n’a pas résisté à un jugement critique. Quand j’ai été à même de comparer à d’autres les produits de ma période « Babbling Brook », j’ai écarté tous mes semis de cette époque. »
Adieu donc à BABBLING BROOK (Keppel 69 – DM 72). Une seconde vie allait commencer. Ce fut la période « Laced Cotton », avec des parents potentiels plus modernes, tels que BEVERLY SILLS (Hager 79 – DM 85), BRIDE’S HALO (Mohr 73 – DM78), FABULOUS FRILLS (Schreiner 76), GLORY BOUND (Nelson 74), GRAND WALTZ (Schreiner 70), HEAVENLY ANGELS (Gatty 79), KILT LILT (Gibson 70 – DM 76), MYSTIQUE (Ghio 75 – DM 80), PARADISE (Gatty 80), PINK ANGEL (Rudolph 73), VANITY (Hager 75 – DM 82), SILVER SHOWER (Schreiner 74) ou VICTORIA FALLS (Schreiner 77 – DM 84). Les obtentions de cette époque ressemblaient déjà à ce qui s’était fait aux Etats-Unis et ailleurs, dans les années 80. L’ obtention dont L. Muska est le plus fier se nomme DON EPIFANO (89), de LACED COTTON X PINK ANGEL, qui est un bicolore noisette et pervenche avec un large liseré vanille autour des sépales, et qui est parfaitement ondulé et frisé. Mais bien d’autres retiennent l’attention, comme BAB BABBILI (92), CALLELA (96), CARDINALE C. (90), COCORICO (96), MISS DÉCOLTÉ (91), RIO D’OR (93) ou VERNISSAGE (89). Ces variétés ont dix ans de retard par rapport à leurs équivalents américains, mais démontrent qu’avec les mêmes matériaux on arrive aux mêmes résultats, et Ladislav Muska peut être fier de sont travail.
La troisième vie a débuté au milieu des années 80. Muska l’appelle sa période « Queen in Calico – Sky Hooks - Ringo » car elle s’appuie essentiellement sur ces trois variétés dans lesquelles il a trouvé de quoi alimenter son projet d’une ligne « plicata space age ». Ses autres géniteurs s’appelaient APHRODISIAC (Schreiner 86), DUSKY CHALLENGER (Schreiner 86 – DM 92), EDITH WOLFORD (Hager 86 – DM 93), FRENCH GOWN (Blyth 83), JESSE’S SONG (Williamson 83 – DM 90), PLAY WITH FIRE (Schreiner 87), PROUD TRADITION (Schreiner 90), SILVERADO (Schreiner 87 – DM 94), SONG OF NORWAY (Luihn 79 – DM 86), TITAN’S GLORY (Schreiner 81 – DM 88), TOMORROW’S CHILD (Blyth 84)… Le gratin des années 80, en quelque sorte.
Cette troisième époque, celle que Muska dit être celle du « triangle magique des iris » verra naître des variétés très modernes qui ont nom, entre autres CALICOBALL (95), FONTANA DI TREVI (95), , RI-SAMPEI (96), XOCHIPILI (95), YENI CAMI (95), et, surtout, HELLADA (96), qui a fait connaître son obtenteur aux Etats-Unis.
Aujourd’hui, essentiellement parce qu’il est devenu possible de se procurer sans ruser les dernières obtentions « made in USA » ou « made in Australia », les hybrideurs d’Europe de l’Est rivalisent avec ceux du reste du monde. C’est particulièrement le cas de Ladislav Muska qui aborde sa quatrième vie d’hybrideur.
Il a atteint une maturité qui lui permet d’éviter les emballements des années 90 pendant lesquelles il a sûrement enregistré trop de nouvelles variétés. Avec son compatriote et ami Anton Mego, et les obtenteurs tchèques comme Zdenek Seidl, Pavel Nejedlo ou Jiri Dudek, il maîtrise mieux les problèmes de sélection et d’évaluation de son travail. Ses dernières variétés sont à cet égard remarquables. Parlons de BRADAMENTE (2005), DREAMING CLOWN (99), GIL Y GIL (99), L’INCORONAZIONE (2002) ou ZUZANA (2000). Le premier est un violet sombre , fils de WORLD PREMIER (Schreiner 98), le second est un plicata sur fond jaune, tout piqueté d’amarante, le troisième un étrange amoena blanc/bourgogne liseré et veine de caramel ; le suivant un superbe rose bitone, le dernier un plicata très dense, grenat, tout veiné de blanc. Ce choix très restreint ne donne qu’une étroite vision de ce qu’obtient Ladislav Muska. Ainsi son SNORRI (2002), remarquable rose à éperons mauves a reçu le prix de la variété la plus originale à Florence en 99.
Maintenant Ladislav Muska va-t-il aborder une cinquième vie ? Ce n’est pas impossible car, l’âge venant, il désire concentrer son travail sur un petit nombre thèmes et limiter ses enregistrements à des variétés toujours plus originales et porteuses d’espoir pour de nouveaux développements de l’hybridation des iris. Il a acquis toute l’expérience nécessaire et il dispose des moyens de réaliser ses objectifs.
Sources :
1) « Sur les bords du Danube bleu » par L. Muska, in Iris & Bulbeuses n° 123 – Hiver 97 ;
2) « Growing and hybridizing irises in Slovakia » par A. Mego, in Bulletin de l’AIS, Avril 2005.
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