QUAND FLEURISSENT LES SEMIS
Dans son dernier catalogue, Keith Keppel donne quelques conseils aux apprentis hybrideurs. Venant d’une sommité comme Keppel, ces conseils doivent être considérés avec le plus grand sérieux. Je sais que de nombreux lecteurs de ce blogue s’amusent à hybrider. Ce qui suit devrait les intéresser.
« A mon catalogue d’il y a deux ans, j’avais ajouté une page expliquant comment réaliser soi-même des semis, pour apprendre à bien faire et pour en tirer du plaisir. Comme au moins quelques lecteurs avaient apprécié cette page, j’ai pensé, cette année, à continuer la discussion.
Commençons par rappeler quelques points. D’abord, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si vous commencez avec quelque chose de médiocre qualité, vous pouvez compter que vous n’obtiendrez que de la qualité médiocre à la génération suivante. Utilisez ce que vous trouverez de mieux qui corresponde à vos objectifs. Cela veut dire en particulier des variétés qui poussent bien, qui ont une bonne résistance aux maladies, qui sont saines, avec un joli feuillage, qui ont un nombre de pousses raisonnable, dont le branchement est capable de maintenir les fleurs au-dessus du feuillage et suffisamment écartées pour qu’elles ne soient pas serrées, avec des tiges suffisamment fortes pour qu’elles ne versent pas. Et bien sûr, que les fleurs soient en nombre, en taille et en forme qui vaillent la peine. Après tout combien y a-t-il de variétés d’iris cultivées uniquement pour leur feuillage ?
La couleur est le facteur le plus souple avec lequel on ait à travailler. Une planche de semis peut comprendre des roses, des jaunes, des crème, des blancs, de même que des mauves et des violets. Tout cela côte à côte. Mais la couleur ne sert à rien si les semis ne possèdent pas les qualités de base énoncées ci-dessus : ils ne sont pas prêts pour une carrière commerciale. (D’accord, on aimerait découvrir une touffe à fleurs rouge pompier avec de fortes tiges, après tout, il y a des exceptions à toute règle !)
Les grands iris d’aujourd’hui se trouvent à environ vingt-cinq générations des espèces de départ, et ils contiennent du matériel génétique issu de plusieurs espèces différentes. Ils sont aussi tétraploïdes, ce qui signifie que les combinaisons génétiques possibles quand on effectue un croisement sont incompréhensibles pour la plupart d’entre nous. Il y a tellement de facteurs différents, chacun d’entre eux pouvant intervenir simultanément, qu’il n’y a pas deux semis qui soient exactement semblables, même s’ils peuvent paraître identiques.
Alors, quel sera votre point de départ ? Cela dépend de ce que vous voulez obtenir. Si vous voulez simplement quelque jolie fleur de votre propre fabrication, croisez les meilleurs variétés (en assortissant les couleurs) et attendez les semis à fleurir. Mais si vous êtes curieux et aventurier, choisissez le but que vous voulez atteindre, prenez les moyens qu’il faut pour y parvenir (comptez un peu aussi avec la chance !). Un jaune à barbe rouge feu ? Un plicata noir et blanc à barbe mandarine ? Un bicolore inversé, brun sur blanc, avec des éperons ? Attention : vous n’atteindrez peut-être pas le but que vous visez, mais vous découvrirez des choses intéressantes en cours de route. Souventefois les semis vous feront prendre la tangente, vous suggérant de nouvelles routes à suivre, vers des destinations que vous n’aviez pas imaginées au départ.
Il est important d’interpréter ce que vous voyez. Il y a deux sortes de pigments de base. Les teintes froides, du bleu au violet-noir en passant par le mauve et le rose orchidée, proviennent de pigments solubles dans l’eau. Les teintes chaudes (crème, jaune, orange, rose) sont solubles dans les corps gras. Elles ne se mélangent pas et elles sont contrôlées par des séries de gènes différents. Par exemple, le modèle plicata est un modèle « froid » ; le modèle « Joyce Terry » ( pétales jaunes, sépales blancs liserés de jaune) est « chaud ». Quand un plicata bleu est combiné à un unicolore jaune, vous pouvez obtenir un plicata brunâtre sur fond jaune. Remplacez l’unicolore jaune par un jaune et blanc du modèle « Joyce Terry » et vous aurez un plicata brun sur fond blanc ( parce que seule la partie jaune de la fleur aura été couverte par le dessin plicata bleu). Et si vous utilisez un amoena jaune (pétales blancs, sépales jaunes) avec le même plicata bleu, vous verrez des pétales plicata bleu et des sépales jaunes bordés de dessins plicatas brunâtres.
Pour visualiser quelles teintes doivent être mariées pour obtenir un effet de couleur différent, rien ne vaut un plicata à fond coloré. A peu près tous les plicatas ont au moins un fond blanc auprès des barbes, même si la couleur de fond est le crème, le jaune, le rose, le rose saumon, l’orange ou n’importe quel ton chaud. Faites attention aux marques plicatas sur les épaules et près de la barbe, là où le fond est blanc. Ensuite regardez à côté, là où le fond coloré apparaît, et vous remarquerez que la couleur du plicata change. C’est la conséquence du mélange visuel des deux types de pigments, qui nous permet de voir des couleurs qui n’existent pas vraiment. Dans la variété CARAMBA, les pointillés violacés sur le fond blanc paraissent d’un brun café dès que le fond devient jaune. Examinez d’autres plicatas pour voir les différentes combinaisons. Vous voulez du rouge ? Cela ne sera pas le rouge pompier que vous espérez, mais sachez que les meilleurs iris « rouges » résultent de la combinaison d’un revêtement de violet rosé sombre sur un fond d’un jaune d’or brillant.
Alors, maintenant, à vous de jouer ! »
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