LA MORT ANNONCÉE DE X.latifolium
Il y a des iris dont on peut craindre la disparition dans la nature. L’iris bulbeux Xiphium latifolium en fait partie.
« C’était il y a quarante cinq ans… Cet été là, peu avant de partir pour le service militaire (je ne savais pas encore où, mais il y avait toutes les chances pour que cela soit en Algérie), j’ai voulu faire une sorte de mini-tour de France. Avec ma 2CV Citroën je suis parti vers les Pyrénées. Les 2CV, cela n’allait pas vite, mais cela passait partout, y compris dans les cols. Cahin-caha j’ai entrepris l’ascension du Tourmalet en venant de Lourdes. Peu avant le sommet, je suis tombé sur une sorte de prairie couverte de fleurs d’un extraordinaire bleu pourpré, magnifiques. Je ne m’intéressais pas encore aux iris, mais j’avais de bonnes notions de botanique que m’avait transmises ma mère. Je me suis garé comme j’ai pu et j’ai couru vers ce pré merveilleux. J’ai immédiatement pensé à une sorte d’iris, apparemment bulbeux, mais ce n’est que de retour à la maison, Bonnier en main, que j’ai formellement identifié ce qui était alors nommé Iris latifolia.
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, bien des années plus tard, en tant que rédacteur de Iris & Bulbeuses, j’ai reçu une lettre de ce bon M. Cavaillé, un vieil amateur d’iris et de plantes bulbeuses, rédacteur occasionnel pour la revue, où il parlait exactement de ce champ d’iris et de sa destruction programmée par les arrachages inconsidérés commis par les touristes ! Je ne suis jamais repassé par le Tourmalet, mais je suppose qu’il n’y a plus que de l’herbe sur cette pente jadis incroyablement bleue, au début de l’été, peu après que la neige ait abandonné ces hauteurs…
Aujourd’hui on ne parle plus d’I. latifolia. Pendant quelques temps on a dit I. xiphoides, puis on est passé à X. latifolium. Allez vous y retrouver ! D’autant que chez les fleuristes on continue d’appeler ces fleurs des iris d’Angleterre, alors qu’il s’agit de plantes originaires des Pyrénées, aussi bien du côté français que du côté espagnol ! C’est une confusion historique qui est à l’origine de cette appellation. Parce qu’un botaniste anglais a découvert cet iris quelque part du côté de Bristol, près de la mer d’Irlande, et qu’il a cru qu’il s’agissait d’une espèce autochtone, alors qu’il est vraisemblable que l’exemplaire qu’il a eu entre les mains avait été apporté par quelque marin basque ou navarrais.
I. latifolia Miller 1768, ou Xiphium latifolium, donc, est un grand iris bulbeux, qui peut atteindre 60 cm mais en reste généralement à 40/45 cm. Il fleurit en début d’été dans les prairies d’altitude au sol frais et acide. Mais il s’adapte bien à d’autres conditions pourvu qu’il trouve fraîcheur et acidité. Les bulbes sont d’assez grosse taille (12/15 cm), mais ils sont fragiles et doivent être replantés très rapidement après avoir été déterrés. Ils ne développent leurs feuilles qu’au printemps, ce qui leur confère une excellente résistance et froid. Chaque tige produit de une à trois fleurs s’ouvrant l’une après l’autre, généralement de couleur pourpre vif, avec une flamme blanche et jaune, mais on en trouve des bleus profonds et même des blancs. Ce sont des fleurs vraiment spectaculaires, très gracieuses et qui tiennent bien en vase. Mais finir sur la table du salon me paraît un sort bien injuste pour une plante aussi belle. »
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