20.1.06
LA THÉORIE DE CHAPMAN
Il y a joliment longtemps qu’on connaît les iris glaciatas, qui, selon Keith Keppel, seraient des iris plicatas chez qui les pigments anthocyaniques (bleus ou violets) seraient totalement inhibés, ce qui laisserait apparaître dans toute sa pureté le fond blanc ou coloré par les pigments caroténoïdes (jaunes ou roses). Quand ce travail de purification n’est pas complètement achevé, on serait en présence du modèle luminata, où les pigments anthocyaniques ont été chassés de la partie supérieure et des alentours des veines situées près de la barbe. L’hybrideur canadien Chuck Chapman a émis l’hypothèse que la pureté idéale représentée par le modèle glaciata pourrait être encore plus dégradée que dans le cas des luminatas qui constitueraient un premier degré de dégradation. A un second degré, seule une zone franchement blanche, sous les barbes, serait nettoyée des pigments anthocyaniques. Au troisième degré, il n’y aurait plus que les barbes à être franchement blanches. Enfin, lorsque l’inhibition est totalement absente, on serait en présence d’une fleur parfaitement envahie par les pigments anthocyaniques et donc d’un bleu, d’un violet ou d’un brun (à cause de l’effet conjugué des deux familles de pigments) sans trace de blanc, un anti-glaciata, en quelque sorte. Il attribue ces dégradations successives à l’intervention plus ou moins efficace d’un gène inhibiteur. Il voit ce gène à la puissance 4 chez les glaciatas, à la puissance 3 chez les luminatas, à la puissance 2 chez les ‘zonals’ ou ‘zonatas’, à la puissance 1 chez lez iris bleus à barbes blanches et à la puissance 0 chez les iris entièrement ‘gouachés’ d’anthocyanine. Tout ceci reste à l’état d’hypothèse, car rien n’est pour l’instant scientifiquement démontré, mais la théorie se tient.
On peut se demander ce que devient, dans tout cela, le modèle plicata et ses innombrables degrés d’application, depuis le plicata non-plicata façon LACED COTTON, en passant par le plicata léger, qui n’apparaît qu’à la lisière des tépales, jusqu’au plicata chargé, où toute la fleur est habillée du vêtement anthocyanique, sauf à trouver quelques petites traces de la couleur du fond à la gorge des sépales.
La démonstration de Keppel sur les plicatas est tout à fait convaincante. Pour lui, le modèle plicata résulte de l’application plus ou moins intense d’une couche de pigments anthocyaniques par-dessus un fond blanc ou teinté de pigments caroténoïdes. Il explique que le motif plicata apparaît d’abord aux épaules des sépales, pour se répandre vers les bords des tépales puis envahir toute la fleur. Le degré o serait représenté par LACED COTTON, puis le degré 1 par LIGHTLY SEASONED (voir photo), dont le blanc est touché de traces anthocyaniques aux épaules, et ainsi de suite… Quant au modèle luminata, il résulterait d’un phénomène inverse, c’est à dire que dans son cas les pigments anthocyaniques s’étaleraient sur le plat des sépales, laissant vierge les barbes, les épaules ainsi qu’une zone plus ou moins vaste sous les barbes, et s’estompant plus ou moins autour des veines, en fonction de la virulence des gènes inhibiteurs du développement de l’anthocyanine. Keppel affirme aussi que les deux modèles, plicata et luminata, peuvent intervenir simultanément sur une fleur. Les deux modèles se superposent, et l’amateur, qui regarde les fleurs, est complètement leurré ! Ce serait la cause des colorations irrégulières de TEST PATTERN CASBAH ou PANDORA’S PURPLE.
Dans le cas de cette dernière variété ont peut se demander si l’on n’est pas en présence d’une amorce du modèle ‘broken color’ ou ‘maculosa’. En effet PANDORA’S PURPLE présente des marbrures irrégulières blanchâtres, alors que le fond paraît indigo vif ; son pedigree est Charmed Circle X Inty Greyshun. D’après Keppel il s’agirait d’un luminata-plicata, mais que dire de PURPLE STREAKER, apparu la même année, qui présente un fond violet pratiquement semblable, mais avec des projections de blanc plus nettes mais totalement aléatoires. Le pedigree de PURPLE STREAKER est exactement l’inverse : Inty Greyshun X Charmed Circle. L’un est l’autre rassemblent les mêmes gènes ; si l’un est un mélange du modèle plicata et du modèle luminata, que dire de l’autre ? On aborde alors la théorie de Kasperek.
Brad Kasperek, spécialisé dans les ‘maculosas’, attribue l’apparition des taches aléatoires caractéristiques du modèle, au fait qu’elle résulterait de ce que l’on n’est pas en face d’un pur plicata avec quatre chromosomes plicatas, mais d’une composition intermédiaire ou trois chromosomes seulement porteraient le gène plicata. Admettons… Mais dans ce cas comment expliquer la différence entre PANDORA’S PURPLE et PURPLE STREAKER ? CHARMED CIRCLE est un plicata traditionnel, avec des dessins bleus, denses aux bords et le fond blanc bien apparent sur le plat des sépales, sous les barbes, bleues. INTY GREYSHUN est un BB, apparemment ‘maculosa’, avec dessins aléatoires blancs sur fond améthyste et barbes blanches. On ne dispose pas de son pedigree complet, mais il descend à coup sûr de STEPPING OUT, BELLE MEADE, DUTCH DOLL et ROCOCO, tous purs plicatas, et de FROST AND FLAME et MY HAPPINESS, unicolores. Il peut donc tout à fait répondre à la définition de Kasperek : ¼ unicolore, ¾ plicata. Ce dosage pourrait donc aboutir à deux solutions, ce qui n’est pas génétiquement impossible : soit le modèle ‘maculosa’, soit le modèle luminata-plicata ! Quand on arrive à ce point de complexité, le malheureux amateur, qui voudrait bien comprendre, commence à désespérer…
En tout cas on peut retenir qu’il existe deux modèles de base, inverses l’un de l’autre :
· le modèle plicata, qui résulte de l’application irrégulière d’une couche de pigments anthocyaniques sur un fond blanc ou colorés aux caroténoïdes ;
· le modèle luminata, qui altère la couche anthocyanique à partir des barbes et du haut des sépales et laisse à ces endroits apparaître le fond alors que le reste de la fleur est coloré.
Dans un cas comme dans l’autre il existe des situations plus ou moins dégradées auxquelles on peut, si l’on veut et comme le fait Chuck Chapman, attribuer des dénominations spécifiques. Et pour couronner le tout, les deux modèles peuvent se chevaucher, comme en une sorte de contrepoint. Ce n’est pas la première fois que l’on peut faire un parallèle entre les fleurs et la musique. La nature n’hésite pas à manier la complexité. C’est intéressant de savoir comment elle s’y prend, mais ce qui compte surtout, c’est le résultat, et l’infinie multiplicité des colorations et des mélanges, qui laisse l’iridophile pantois et admiratif.
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