13.1.06


STARSHIP ENTERPRISE
Décollage ou atterrissage ?

Il y a quelques semaines un amateur d’iris s’est étonné que STARSHIP ENTERPRISE (Schreiner 99) ne semble pas avoir été utilisé en hybridation. Je lui répondrais qu’il est peut-être un peu trop tôt pour savoir si cet iris a eu de la descendance, puisqu’il n’y a que cinq ans qu’il est sur le marché. Mais on peut effectivement se poser la question de savoir si cet iris vivement coloré peut avoir des descendants valables.

STARSHIP ENTERPRISE (voir photo) a toute la perfection propre aux iris commercialisés par la famille Schreiner : une forme impeccable, de nombreux boutons, une vigueur certaine. En plus il se présente sous des atours séduisants et rutilants. Les pétales finement ondulés et légèrement frisés jaillissent dorés du cœur de la fleur, puis deviennent absolument blancs, tandis que les sépales, larges et se recouvrant partiellement l’un l’autre, naissent richement dorés pour laisser le blanc apparaître sous les barbes alors que l’or cède peu à peu le pas à un riche ton magenta de plus en plus vif à mesure que l’on s’approche du bord qui s’ourle d’un léger filet brun. Les barbes dorées se font discrètes et en harmonie avec le cœur de la fleur.

Cette variété d’exception résulte d’une série de croisements extrêmement complexe. Dans le pedigree tel qu’il est décrit par l’obtenteur, on trouve vingt-cinq variétés dénommées, sans compter les nombreux croisements intermédiaires qui n’ont jamais été enregistrés. Ce fait crée d’ailleurs une difficulté supplémentaire à qui veut analyser les origines de la plante et voir ce que l’on peut en faire en hybridation. En effet en dehors de l’obtenteur lui-même, personne ne peut savoir quel est l’aspect, la catégorie, la ou les couleurs de ces variétés intermédiaires dont on ne connaît que les ascendants. Pour ne parler, donc, que de ceux qui sont dénommés, il remarquable de constater qu’on trouve pratiquement de tout parmi les ascendants de STARSHIP ENTERPRISE. On trouve des amoenas bleus ou indigos, comme on peut s’y attendre, comme TOLL GATE ( Cook 56), WHOLE CLOTH (Cook 57), CHAMPAGNE MUSIC (Fay 64) ; des variegatas (d’où peut-être le cœur jaune) comme BROADWAY STAR (Schreiner 57), LILAC CHAMPAGNE (Hamblen 65), RAGTIME (Hamblen 83) ; quelques bicolores comme MAYTIME (Whiting 48) ou SAIL MASTER (Burger 74) ; des bitones aussi, comme GIANT ROSE (Schreiner 59), WINE AND ROSES (Hall 63) et ORCHID BROCADE (Rudolph 63) en rose orchidée, ou AGATINE (Schreiner 69) en brun et acajou ; des blancs liserés de bleu ou violet comme EMMA COOK (Cook 57) ou BROOK FLOWER (Schreiner 73) ; un blanc à barbes rouges, CHRISTMAS TIME (Schreiner 65), et d’autres barbes rouges comme celles de CASHMERE (Fay 59) et AFTER DARK (Schreiner 63) ; enfin des unicolores de plusieurs couleurs, comme OPAL BEAUTY (Schreiner 55) et ALPENROSE (Schreiner 59) dans les tons de rose et de mauve, ainsi que EDENITE (Plough 58), MATINATA (Schreiner 68) et MYSTERIOUS (Schreiner 74) dans les tons de violet ou indigo. Cependant la variété dont STARSHIP ENTERPRISE tient le plus, c’est GYPSY WOMAN (Schreiner 84), son plus récent parent identifié, qui a des pétales crème et des sépales blancs cernés de rose bleuté. Cependant le spécialiste aura compris que les couleurs de GYPSY WOMAN sont pâles et qu’elles pouvaient être plus contrastées.

En est-il de même pour STARSHIP ENTERPRISE ? Toute la question est là : cette variété est-elle porteuse d’avenir ? On me rétorquera qu’il est possible d’obtenir un contraste équivalent, mais avec des coloris différents, du bleu au lieu du pourpre autour des sépales, ou que la couleur infuse dans les pétales pourrait être, par exemple, de l’orange ou du rose, au lieu du jaune. On peut imaginer bien des transformations, bien des mariages de couleurs différents. Mais STARSHIP ENTERPRISE est-elle la bonne variété pour parvenir à ces fins ? A mon avis, le risque de ne rien obtenir d’épatant est très élevé, parce que le patchwork de base est trop compliqué pour qu’on puisse évaluer la ou les caractéristiques qui vont ressortir aux générations suivantes. C’est un peu comme un cocktail où l’on a déjà mélangé des tas d’alcools différents, y ajouter un nouveau produit risque de dénaturer ce qu’on avait déjà et aboutir à un goût indéfinissable, voire déplaisant.

Evidemment une agréable surprise n’est pas à exclure, mais je ne m’y risquerais pas. La potion magique que boit Astérix est parfaite, si le druide en modifiait la formule, rien ne dit que les Gaulois resteraient invincibles ! Pour moi le vaisseau STARSHIP ENTERPRISE n’en est pas à la phase de décollage, il s’est posé, riche et somptueux, après son dernier voyage intergalactique.

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