31.8.06


VINGT ANS DE BONHEUR

De 1978 à 1996, cela ne fait que 18 ans, mais c’est évidemment pendant vingt ans et plus que la famille Anfosso nous a gâtés de ses superbes obtentions d’iris de toutes sortes. 102 variétés au total : une majorité de grands iris, mais aussi plusieurs iris de bordure, plusieurs iris nains standards, des spurias, quelques arils, mais surtout, peut-être, des iris de Louisiane, dont il n’y a pas d’autres exemples en France. Pourquoi, depuis dix ans, l’ensemble de la famille a-t-elle brusquement cessé de s’intéresser à l’hybridation des iris ? C’est une question que tous les amateurs se posent avec plein de regrets. Car chaque année, ils attendaient avec impatience la nouvelle récolte. Et chaque fois c’était pour constater le chic et la grâce des iris Anfosso. L’un des plus ardents admirateurs de ce que nos provençaux produisaient, était Keith Keppel, celui dont le goût et le flair ne font aucun doute. Il fut le premier sans doute à importer les iris Anfosso aux Etats-Unis et à en faire activement la promotion par son catalogue. Par la suite d’autres ont suivi son exemple et encore aujourd’hui, dix ans après la cessation de toute nouvelle obtention, on trouve des iris Anfosso dans la plupart des grandes collections américaines, ce qui est un gage de qualité et de succès, dans un pays où la nouveauté est toujours recherchée en priorité.

Dès l’apparition de LORENZACCIO DE MEDICIS (P.C. Anfosso 78), les connaisseurs ont vu que quelque chose d’important allait se produire. Les obtentions suivantes, plus sophistiquées et peut-être trop originales, n’ont pas connu une brillante carrière commerciale. Pourtant CHILOE (M. Anfosso 79), blanc au cœur rose, MALDOROR (P. Anfosso 80), bleu marine uni, ou SONATE D’O (P. Anfosso 80), brun façon PAGAN, avaient-ils tout pour plaire. En revanche SANSEVERINA (P.C. Anfosso 81), jaune tilleul centré de blanc bleuté, ou BATEAU IVRE (P.C. Anfosso 82), étrange gris rosé à large flamme bleue, étaient-ils plus destinés à des amateurs avides de coloris qui sortent du commun. EVASION (P. C. Anfosso 80), délicat néglecta bleu mauve, à la texture un peu fragile, BELLE EMBELLIE (P. Anfosso 81), sorte d’amoena jaune pâle inversé, et NUIT BLANCHE (P. Anfosso 80), blanc pur, doucement ondulé, ont eu plus de succès. Mais d’ores et déjà on savait que les iris Anfosso ne seraient jamais indifférents.

Serait-ce en raison des circonstances qui ont entouré son apparition, où parce que c’était un iris classique mais bien sous tous rapports, toujours est-il que CALAMITÉ (P. Anfosso 82) est resté longtemps au catalogue. C’est aussi le premier iris très foncé d’une série qui comportera plusieurs belles réussites.

Le plus achevé des iris Anfosso des premières années est sans aucun doute ECHO DE FRANCE (84). Ce nom lui a été donné en hommage au travail sur les bicolores effectué en Australie par Barry Blyth. Il a été dès son apparition largement utilisé en hybridation, chez nous par Bernard Lecaplain, en Grande Bretagne par C.E.C. Bartlett et aux Etats-Unis (Fred Kerr, George Sutton…). Il figure toujours dans plusieurs catalogues américains, ce qui en dit long sur son succès auprès des amateurs.

Un autre cultivar de valeur, proposé en 84 également, est OPIUM (P. C. Anfosso). Cet iris très classique de forme, dans ses habits roses et mauves, a de la classe et de l’originalité. Il descend de l’étrange BATEAU IVRE et a particulièrement séduit Lawrence Ransom, qui en a obtenu plusieurs de ses plus intéressantes variétés, notamment les frères de semis CON FUOCO (94) et ULTIMATUM (94).

CARMEN X (P. Anfosso 85) est un orange assez soutenu, très bien formé, ondulé et frisé, ce qui est rare en ce coloris. C’est aussi un des plus vendus en Amérique. Des iris proposés en 86, il y en a trois qui m’ont particulièrement intéressé : ECUME (M. Anfosso), BAR DE NUIT (P. Anfosso) et MARGINAL (P. Anfosso). Le premier est une fleur très féminine, où se mêlent le blanc et le rose ; le second est un « noir de chez noir » puisqu’il provient du croisement Calamité X Superstition ; le dernier, en bleu tendre cerné de jaune tilleul est véritablement séduisant, et je me demande pourquoi il n’a pas eu plus de succès.

La plus étonnante nouveauté de l’année 88 a été celle d’un iris de Louisiane, TEQUILA (P. Anfosso). A ma connaissance, c’est la première fois qu’un obtenteur français propose un iris de Louisiane. Il faut dire que ces plantes-là ne sont pas franchement adaptées à notre sol et à notre climat : elles exigent un terrain meuble, fortement enrichi en humus, et des étés chauds et humides, ce qui correspond à un climat tropical, ou presque ! TEQUILA, mauve avec un signal doré, est la première variété d’une courte série qui comprend aussi BERENICE (Besse 88), CASSIOPEE (L. Anfosso 88), BARBARE (P. Anfosso 89), BOURGOGNE (E. Besse 89), COSI FAN TUTTE (L. Anfosso 91) et MISTRAL ROUGE (L. Anfosso 92). Il m’apparaît que les plus réussis sont les « louisianas » de Laure Anfosso, notamment CASSIOPEE (voir photo), avec ses grands sépales pourpre profond ornés d’un gros signal d’or, et ses pétales rose orchidée, larges et ondulés.

Sans que nous en soyons conscients, nous avons déjà dépassé la moitié des années d’activité d’hybrideurs de la famille Anfosso ! Mais ce sont les années les plus riches qui vont maintenant arriver. 1989 sera, sous le signe de la Révolution Française, l’année de variétés excellentes, comme CITOYEN (P. C. Anfosso) et REVOLUTION (P. Anfosso). Le premier est un « blend » étrange et attachant, où l’or des pétales le dispute aux couleurs variées des sépales ; le second est presque un iris bleu-blanc-rouge ; c’est plus un néglecta qu’un amoena, mais l’ensemble, vivement contrasté, annonce la série tricolore de Richard Cayeux. 1990 marquera le sommet de l’art des Anfosso. FONDATION VAN GOGH (M. Anfosso) sera le clou de l’année, avec un succès qui dure encore ; LASER et MATAMORE (P. Anfosso) seront le résultat d’une tentative d’obtention d’iris rouges au moyen d’une irradiation des graines. 1991 sera l’année Mozart où, à côté du Louisiana de Laure COSI FAN TUTTE, en deux tons de violet pourpré, sont apparus le TB rose à éperons bleus FLUTE ENCHANTEE (Laure Anfosso) et le variegata rutilant MARCHE TURQUE (P. C. Anfosso) qui ne sera certainement pas égalé par l’ANDALOU de la Maison Cayeux (95), dans les mêmes couleurs mais avec une fleur moins bien coiffée et des sépales à la base trop étroite. A partir de ce moment les nouveautés vont aller en s’amenuisant. SAMARCANDE (P. C. Anfosso 92), frère de semis de MARCHE TURQUE, est le portrait craché de son ancêtre SHAMAN ; LUMIERE D’AUTOMNE (E. Besse 92) est une variété merveilleusement frisée et ondulée, en un ton de tabac doré plutôt rare. Les deux « sib » noirs NUIT DE CHINE (P. Anfosso 93) et NUIT FAUVE (P. Anfosso 94) marquent-ils l’extinction de la flamme des Anfosso ? On serait tenté de le penser, car les variétés postérieures n’atteindront pas la même perfection, et d’ailleurs leurs obtenteurs ne se donneront même pas la peine de les enregistrer.

La belle aventure s’achève. Les amateurs en restent malheureux et frustrés, car une belle histoire, on voudrait qu’elle n’ait pas de fin, et celle-ci a été trop brève pour qu’on n’ait aucun regret.

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