3.11.06







IMAGES D’IRIS

Deuxième partie : la représentation des iris en photographie

Les photos descriptives

Peut-être l’idée de représenter les iris en mettant au premier plan, de façon presque systématique, l’un des sépales, est-elle née d’un impératif commercial. En effet cette manière de faire donne une image plus avantageuse de la fleur. Un sépale, large, plutôt horizontal, avec une barbe bien en évidence, montre la variété mieux qu’une longue description ; les deux pétales présentés en dôme complètent l’agréable vision que le photographe a été chargé de mettre en valeur. Voilà sans doute pourquoi, actuellement, les photos d’iris sont en grande majorité tournées sépale en avant.

Cela fait un peu uniforme, et peut devenir lassant. La fantaisie serait-elle bannie de la représentation des iris ? Il y a maintenant une tendance à trouver autre chose qu’illustrent certains clichés du photographe américain Brock Heilman, l’un des meilleurs du moment et tout à fait dans la ligne actuelle. Tout d’abord, les photographes comme Heilman ont un peu tourné leur objectif pour montrer une fleur de trois-quarts, mais dans ce cas l’image est un peu déséquilibrée (voir photo de Ozark Rebounder(1)). Ils ont aussi essayé de prendre un peu de hauteur : au lieu de s’accroupir pour que le sépale occupe la plus grande partie de l’espace, ils restent debout, ou presque, et dirigent leur appareil vers le cœur de la fleur. Cela donne des photos où le sujet paraît un peu écrasé, qui donnent l’impression que les éléments fondamentaux sont les parties sexuelles de la fleur. En plus de cela, le manque de relief est un peu gênant (voir photo de Duncan’s Smiling Eyes(2)).

Mais la présentation « fleur de lys » a trouvé une nouvelle jeunesse avec les iris « space-age ». En effet, si l’on veut montrer nettement les appendices pétaloïdes qui caractérisent ce modèle de fleur, il est presque obligatoire de les filmer de profil (voir photo de Announcement(3)). Dans la plupart des catalogues, on voit donc maintenant les fleurs classiques photographiées de face, et les modèles « space-age » dans l’autre sens.

Sans doute influencés par les images des catalogues, les photographes amateurs choisissent actuellement dans leur grande majorité la présentation sépale en avant (voir photo de Tomcat(4)). C’est du moins le cas pour les grands iris, pour les autres, c’est moins évident. Dès que l’on a affaire à des iris de petite taille (SDB et au-dessous), les photographes privilégient l’image par en dessus (voir photo de Deuce(5)). C’est ainsi que l’on voit ces iris dans les jardins car on ne se met pas systématiquement à quatre pattes pour les regarder. Pour les iris sans barbes, il n’y a aucune nécessité, commerciale ou esthétique, à les présenter de face plutôt que de profil. Les deux dispositions sont donc visibles. Mais pour ce qui est des iris japonicas, le choix photographique qui s’impose est l’image à plat, comme les fleurs elle-même se présentent.

Quand le but de la photo n’est pas d’insister sur les caractères de la fleur proprement dite, mais de mettre en valeur l’esthétique de la plante, les images de touffes d’iris prennent une allure beaucoup plus banale, mais qui a son intérêt pour juger de l’effet de la plante dans son cadre normal, le jardin.

Les photos d’art

Les photographes d’art, c’est à dire ceux dont le but n’est pas de donner de l’iris une image aussi exacte que possible, mais d’extraire de cette fleur autre chose qu’un portrait, ne satisfont pas de ces choix somme toute limités. Dans leur cas l’angle de prise de vue, le cadrage, le jeu des couleurs, des gros plans, des contrastes, des lumières sont plus important que la fleur elle-même, et toutes les fantaisies sont possibles. Un parfait exemple de l’utilisation de la fleur d’iris comme source d’inspiration artistique se trouve dans les clichés de Josh Westrich, photographe allemand, qui a réalisé, en 1989, un remarquable ouvrage de photos d’iris baptisé tout simplement « L’Iris » (Thames and Hudson, éditeur). Il a mis en œuvre non seulement les présentations traditionnelles telles que décrites ci-dessus, mais aussi beaucoup de gros plans sur une partie de la fleur, voire des macrophotographies très spectaculaires.

Les photographies de Jim Frazier, artiste australien, pour le livre de Graeme Grosvenor « Iris, Flower of the Rainbow », utilisent l’iris d’une toute autre façon : les fleurs sont placées devant un fond noir, un fort éclairage latéral vient en ciseler les contours et met particulièrement en valeur les différentes parties du sujet et également du feuillage qui l’ entoure (voir photo). Mais les cadrages restent traditionnels.

D’autres photographes ont délibérément décidé de provoquer des distorsions de l’image, dans le but d’obtenir un effet artistique, mais où la fleur n’est plus qu’un élément d’une composition très élaborée.

Dans un but analogue certains artistes utilisent les fleurs d’iris en masse multicolore, allant jusqu’à se servir d’un amas de fleurs fanées, pour obtenir une sorte d’œuvre abstraite où l’iris n’est plus à proprement parler une fleur mais une simple source de couleurs.

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Les iris ont évolué au cours des siècles. Les images que l’on a d’eux aussi. Peu importe en vérité l’angle sous lequel on les admire. L’essentiel, en matière de peinture ou de photo, est que le résultat soit esthétique, et pour cela, c’est seulement la sensibilité de l’artiste qui entre en jeu.


(1) Ozark Rebounder : TB Nicodemus 2002
(2) Duncan’s Smiling Eyes : TB Lauer 2003
(3) Announcement : TB Paul Black 2002
(4) Tomcat : TB Lauer 2005
(5) Deuce : MTB Lynda Miller 2004

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