5.1.07




CLARA B. REES
OU LA CÉLÉBRITÉ AVEC UNE SEULE FLEUR


Sans doute dans d’autres domaines trouve-t-on le même genre de phénomène, la vie et la célébrité de Clara B. Rees ne constituent sûrement pas une exception, mais elles méritent d’être comptées à tous ceux qui ont une intimité avec le monde des iris.

Clara B. Rees et sa sœur Ruth étaient originaires de l’Ohio. Comme beaucoup d’Américains, elles ont été attirées par la douceur de la vie en Californie et sont venues, au début des années 30, s’installer dans la vallée de Santa Clara, à San José, tout à fait au fond de la baie de San Francisco. Elles avaient l’intention de cultiver et de vendre des tulipes. Mais le climat californien n’est pas celui de la Hollande, et les tulipes, qui n’avaient pas assez de froid, l’hiver, pour entreprendre leur floraison, poussèrent mal. Cet échec conduisit les deux sœurs à s’intéresser à d’autres plantes. Pourquoi pas les iris ? Elles firent l’achat de quelques variétés et se lancèrent dans l’aventure. Leurs premières acquisitions concernèrent des variétés fameuses de l’époque, comme le Français THAÏS (Cayeux 26) et le blanc PURISSIMA (Mohr-Mitchell 27) –voir photos-.

En déposant le pollen de THAÏS dans la fleur de PURISSIMA, Clara Rees prenait de gros risques. THAÏS est in iris diploïde et PURISSIMA une variété tétraploïde. Le produit, s’il y en avait un, avait de grandes chances d’être triploïde, donc stérile et de peu d’intérêt. Première chance, le croisement réussit. Oh, petitement, seulement deux graines ! Dont une visiblement ratée… Clara hésita un moment, puis prit la décision de planter cette unique graine. Deuxième chance, elle germa ! Troisième chance, la nouvelle plante prospéra, et si bien que dès la première année, elle put être divisée. La deuxième année la nouvelle plante se mit à fleurir, et dès qu’elles virent les nouvelles fleurs, les sœurs Rees comprirent que quelque chose d’important venait de survenir. Ruth, la cadette, cueillit délicatement deux fleurs et partit, en traversant la baie, les porter à Carl Salbach, en sa pépinière des collines de Berkeley. « Où avez-vous trouvé ça ? » demanda Carl Salbach, et Ruth répondit « dans mon jardin ! ». Dès le lendemain Carl Salbach fit le voyage de San José. Quand il vit les iris en question, il acheta immédiatement tout le stock sauf un rhizome ! Clara n’avait plus rien ou presque, et il lui fallut trois ans pour reconstituer la touffe de ce qui allait s’appeler SNOW FLURRY (39), et devenir la variété d’iris la plus importante du XXeme siècle. Voilà une bourrasque de neige qui allait secouer le petit monde des iris et se trouver à l’origine de presque toutes les variétés que nous connaissons aujourd’hui.

Dès le début, SNOW FLURRY rencontra un succès phénoménal. Tous les hybrideurs voulurent l’utiliser pour leurs croisements. Mais SNOW FLURRY n’a presque jamais de pollen. Heureusement il se comporte comme une généreuse génitrice et ses gousses sont toujours abondamment pourvues.

Ceux qui ont connu Clara Rees, dans les années 60, l’ont décrite comme une charmante vieille dame mince et élégante, passant ses journées à lire la Bible ou à rassembler des articles de presse et toutes sortes de documents concernant ses affaires ou sa famille, qu’elle réunissait dans des albums. Elle était toujours active et, à l’occasion, fabriquait des vêtements au crochet, ou refaisait le cannage des chaises et des rocking chairs chers aux Américains ! Le jardin des sœurs Rees était plein de tulipes (il en restait), de narcisses et d’amaryllis qu’elles hybridaient aussi bien que les iris. Au printemps, sous les pêchers, s’étalaient les touffes de muguet…

Clara Rees a continué d’hybrider, sans excès, avec la modestie tranquille qui la caractérisait. Elle n’a, de toute sa vie enregistré que 27 variétés, dont aucune n’a atteint la célébrité de SNOW FLURRY. Sa meilleure réalisation fut YELLOW ORGANDY (52), descendant jaune de SNOW FLURRY, qu’elle déclina par la suite, avec de jolis iris jaunes comme ASTRONAUT (59), TOUCH OF ELEGANCE (61) ou LIGHT AND LOVELY (65).

L’histoire retiendra que Clara Rees atteignit la célébrité sans que son iris fétiche ne décroche jamais la récompense suprême. L’American Iris Society a tenté de réparer cette injustice en attribuant à Clara en 1967 la Hybridizers' Medal. Cette reconnaissance de ses pairs est cependant arrivée bien tard : Clara B. Rees s’est éteinte en 1970.

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