16.2.07











RECOMMENCEMENT

Comment faire pour ne pas devoir attendre onze mois avant de revoir des fleurs d’iris ? Bien des amateurs se sont posé cette question. Mais, curieusement, la recherche de variétés remontantes n’a pas été une des premières démarches des hybrideurs. Ce n’est pas avant 1926, et l’apparition en France des iris nains baptisés JEAN SIRET et LIEUTENANT DE CHAVAGNAC (photo), que l’intérêt pour les remontants s’est éveillé. Pourtant l’existence d’espèces d’iris capables de refleurir était connue depuis fort longtemps. Dès 1597, dans son herbier, l’Anglais John Gerard présentait I. biflora et I. violacea auxquels il attribuait cette aptitude. Par ailleurs, au cours du 19eme siècle, il était noté que I. variegata pouvait aussi refleurir, à l’occasion, en automne. Néanmoins c’est seulement au Français Charles André et aux deux variétés naines qu’on vient de citer qu’on doit l’apparition d’iris remontants.

Les précurseurs

A vrai dire, ces petits iris ont bien tardés à être utilisés. Les premiers à s’intéresser vraiment à la question de la remontance ont été les frères Sass, dans le Nebraska, aux Etats-Unis. Y a-t-il une question à laquelle ces deux-là n’ont pas cherché de réponse ? Dès 1924, ils enregistraient AUTUMN KING, un grand iris bleu violacé, qui devait être suivi de nombreux autres au cours des années 20 et 30. Dans les décennies qui suivirent plusieurs hybrideurs s’essayèrent à l’obtention de remontants. Il s’agissait de gens curieux et décidés à sortir des sentiers battus. Lloyd Austin et Percy Brown en font partie. Du dernier nommé, FALL PRIMROSE (53) est un des premiers à avoir été franchement reconnu comme remontant. Cependant c’est Jim Gibson et son GIBSON GIRL (49) qui ont réellement marqué le coup d’envoi de la recherche en remontance.

Deux hybrideurs méritent d’être qualifiés de pionniers : Raymond G. Smith, d’une part, et Lloyd Zurbrigg d’autre part. L’un travaillait dans l’Indiana et l’autre au Etats-Unis, d’abord, puis sur la côte est des Etats-Unis ensuite. L’un et l’autre ont commencé leur travail avec des cultivars de chez les Sass et le déjà célèbre GIBSON GIRL. Les difficultés à vaincre étaient nombreuses et ardues. Mais leur détermination et leur conviction que des progrès étaient possibles les ont fait persévérer dans une voie étroite et rocailleuse. La carrière de l’un et l’autre a démarré dans les années 60 et s’est poursuivie inlassablement jusqu’à leur mort, 1995 pour Raymond Smith, 2004 pour Lloyd Zurbrigg. Celle de Raymond Smith fut plutôt discrète. Il n’a enregistré qu’une vingtaine de variétés, mais la plupart ont marqué leur époque, comme l’iris abricot RETURNING GLORY (72), le violet RE-TREAT (78), le jaune SUMMER OLYMPICS (80) et, parmi ses derniers, le plicata REDELTA (91) et le joli bleu SONATA IN BLUE (91).

DA CAPO (68) est une variété fétiche de Lloyd Zurbrigg, il en obtint de remarquables descendants comme CROSS STITCH (73) ou LIGHTLY SEASONED (79) –voir photo. Il considérait cependant que son premier iris vraiment valable était GRAND BAROQUE (69). Il s’agit d’un amoena jaune pâle, avec des traces de mauve sur les sépales ; pas une variété qui attire l’œil, mais un iris à fort potentiel génétique. D’ailleurs il l’a utilisé largement à cette fin. Des variétés aussi connues que BAROQUE PRELUDE (74) et son frère de semis I DO (79), ainsi que EARL OF ESSEX (80), ENGLISH COTTAGE (76), LATEST STYLE (79) SPIRIT OF MEMPHIS (77) ou YOUTH DEW (76) en sont des descendants. Ces variétés elles-même, unies entre elles ou à d’autres, sont à l’origine de très grands noms des iris, tous remarquables par leur capacité à remonter largement, même si les autres qualités que l’on attend d’un iris moderne n’étaient pas forcément présentes. Ce n’est guère qu’à partir d’IMMORTALITY (82), qui, d’ailleurs, a frisé la D. M. que l’on a obtenu des iris à la fois remontants, de belle vigueur et de bonne texture. Cet IMMORTALITY a donné naissance à de très belles variétés comme SUNNY DISPOSITION (Zurbrigg 91), ou FROST ECHO (Aitken 95).

A partir de là, les iris remontants ont offert quelque chose de plus, sans présenter quelque chose en moins, et on trouve maintenant des remontants chez la plupart des grands hybrideurs.





Les temps modernes

Le travail de ces deux précurseurs que furent Raymond Smith et Lloyd Zurbrigg a éveillé l’attention de nombre de leurs confrères. Un autre originaire de l’Indiana, Earl Hall, s’est signalé par ses obtentions peu nombreuses mais très appréciées : QUEEN DOROTHY (84), PINK ATTRACTION (88) et MATRIX (91). Parmi les grands généralistes qui se sont exercés à la remontance, il faut signaler Ben Hager qui, là comme ailleurs, a obtenu de remarquables résultats aux rangs desquels se trouvent FEED BACK (83) , MANY HAPPY RETURNS (88), BONUS MAMA (90) ou WINDS OF CHANGE (93) –voir photo -. Grâce à lui, les iris remontants ont cessé d’être des plantes un peu spéciales pour devenir des iris que l’on peut qualifier d’ordinaires. Cependant c’est un touche-à-tout génial, Monty Byers qui est la figure dominante des années 80, en la matière.

Byers, pour ses remontants, a utilisé abondamment le matériel de Lloyd Zurbrigg. C’est le cas pour ZURICH (90) ou WINTERLAND (90), qui proviennent d’IMMORTALITY (Zurbrigg 82). C’est aussi celui de BUCKWEAT (89) qui provient de SPIRIT OF MEMPHIS (77), de CAROLINE GIBBS (90) qui est un enfant de ANEW, de HIGH HO SILVER (89) qui est issu de I DO. Quant à ART OF RAPHAEL (79), il a engendré THORNBIRD (89 – DM 97). Enfin EARL OF ESSEX a donné FLOORSHOW (89) et surtout LICHEN (89). Avec cette variété, on atteint un nouvel état, celui de l’iris « semper florens », c’est à dire dont la floraison ne s’interrompt pas, du printemps aux gelées.

La disparition prématurée de Monty Byers a privé le monde des iris d’une figure exceptionnelle, et les iris remontants d’un de leurs champions. Mais cela n’a pas arrêté le mouvement. Aujourd’hui les nouveaux « rebloomers », comme disent les Américains, envahissent les pages des « Registrations and Introductions ». Pour 2005, par exemple, on en compte au moins quarante, produits par une quinzaine d’obtenteurs. Parmi ceux-ci, les plus prolifiques sont les Sutton père et fils, George et Michaël, dont on peut dire qu’ils ont repris le flambeau jadis brandi par Zurbrigg et Byers. Quand on regarde des variétés comme BROAD APPEAL (M. Sutton 2006) ou MARBELLA (G. Sutton 2006) –voir photo -, on se rend compte du chemin parcouru depuis les origines des iris remontants. Les fleurs malingres et minces du début ont fait place à des corolles plantureuses, ondulées, frisées, qui n’ont plus rien à désirer des variétés non remontantes. Ne reste à améliorer, si c’est possible, que la fidélité de la remontance, patente dans les climats doux aux étés bien arrosés, plus capricieuse ailleurs, voire encore franchement aléatoire. Ainsi, beaucoup de variétés considérées comme remontantes au bord de la Méditerranée déçoivent fortement ceux qui, se fiant aux constatations du producteur, achètent ces iris mais ne les voient jamais refleurir. Sur ce point, les obtenteurs d’iris remontants ont encore du travail.

Dans ce qui précède on a parlé exclusivement des grands iris, mais il faut ajouter que les autres types d’iris connaissent aussi la remontance. C’est bien sûr le cas pour les iris nains, SDB, qui retrouvent leurs origines remontantes et le souvenir de LIEUTENANT DE CHAVAGNAC, mais c’est aussi celui des intermédiaires et même des tout petits iris de tables, MTB.

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