23.5.08











EN DELTAPLANE ENTRE CIEL ET MER

Pour qui a une certaine proximité avec les grands iris, l’une des plus intéressantes obtentions de Richard Cayeux, de ces vingt dernières années, s’appelle ‘Deltaplane’ (91). C’est une fleur reconnaissable entre toutes pour la disposition très horizontale de ses sépales dont les bords récurvés vers le haut, attendent pour s’étaler complètement que la fleur soit un peu âgée. Ses couleurs aussi sont remarquables : le blanc bleuté des pétales finement dentelés, et le bleu d’encre des sépales, devenant peu à peu bleu clair en approchant du cœur de la fleur. Ce bleu soutenu, c’est un héritage de ‘Night Edition’ (Schreiner 81), qui arbore des pétales plus bleutés, mais se caractérise aussi par des sépales aux bords qui s’enroulent un peu sur eux-mêmes. Le dégradé de bleu s’éclaircissant vers le centre, c’est un trait de ‘Condottiere’ (J. Cayeux 78), la plus fameuse réalisation de son obtenteur, qui a fourni le pollen pour ‘Deltaplane’. Néanmoins, si l’on parlait d’un iris comme d’un enfant, on dirait que ‘Deltaplane’ ressemble à sa mère.

On a tout dit sur ‘Condottiere’, mais il moins souvent question de ‘Night Edition’. D’un point de vue génétique cependant cette variété est intéressante en ce sens qu’elle résulte de croisements d’iris bleu de toutes les teintes et de plusieurs origines. Elle descend au premier degré de ‘Blue Mountains’ (Schreiner 64), qui est bleu-violet ou indigo. A la génération précédente on trouve ‘Blue Linen’ (Schreiner 61), qui est bleu glycine et descend lui-même de ‘Harbor Blue’ (Schreiner 54), l’un des plus beaux bleus de son époque. A l’étage au-dessus il y a une célébrité dans les bleus, Jane Philips (Graves 49), bleu ciel, et ‘Quicksilver’ (Schreiner 50), bleu argent. ‘Jane Philips’ fait partie de la famille ‘Great Lakes’, alors que ‘Quicksilver’ est de celle de ‘Chivalry’. Deux des grandes familles de bleus se sont trouvées là réunies. ‘Night Edition’ est donc un membre de l’aristocratie des iris bleus. Il n’est pas étonnant que ‘Deltaplane’ ait de la classe.

Cette année, parmi les photos que Richard Cayeux m’a envoyées, j’ai trouvé celle de ‘Ciel et Mer’ (2007). Au premier coup d’œil j’ai pensé que cette fleur devait avoir des points communs avec ‘Deltaplane’. Même bleu d’encre des sépales, horizontaux et à bords ourlés ; même blanc des pétales, à peine teinté de bleu sur le pourtour. Cette nouvelle variété est le produit d’un croisement ‘World Premier’ X ‘Futuriste’. Il ne faut pas remonter bien loin dans les arbres généalogiques pour découvrir le lien de parenté : ‘Futuriste’ = (‘Alizés’ x ‘Skating Party’) X ‘Deltaplane’. Mais notre nouvelle variété tient aussi de ‘World Premier’ (Schreiner 98). Notamment les stries blanches qui apparaissent sous les barbes. ‘World Premier’ est une fleur qui présente tous les caractères des iris de la firme Schreiner, reconnaissables du premier coup d’œil, c’est à dire des fleurs parfaitement formées, amples et même majestueuses, qui ont plus de la forme plantureuse des égéries des peintres du 18eme siècle que de la grâce éthérée des top-modèles d’aujourd’hui.

En associant les talents de deux grandes familles d’hybrideurs, les Cayeux d’une part et les Schreiner de l’autre, ce ‘Ciel et Mer’ dont les teintes marines ont inspiré le nom, peut être qualifié de fleur royale. C’est d’abord une amélioration de ‘Deltaplane’, ce qui n’est pas rien, c’est aussi une extension de ‘World Premier’, une variété qui a frôlé la Médaille de Dykes en 2005, ce qui en dit long sur ses mérites.

A-t-on atteint, là, un sommet dans le modèle amoena ? C’est bien probable, car quelles améliorations apporter encore ? Mais en fait, il y a peut-être un perfectionnement à trouver : les fleurs de ‘World Premier’, comme celles de son descendant ‘Ciel et Mer’ se tiennent un peu trop au ras de la tige. La splendeur serait encore mieux mise en valeur sur une plante moins ramassée sur elle-même, avec un branchement plus nettement en candélabre. Les hybrideurs tentés par ce défi peuvent dès maintenant s’armer de leurs brucelles.

1 commentaire:

Jean-Luc a dit…

J'aime beaucoup les iris à sépales horizontaux , je commence depuis quelques années , en amateur, à faire des hybridations dans ce sens, et je trouve Ciel et Mer vraiment magifique.
Cette année mon Condottiere a donné des fleurs vraiment énormes par rapport à ses floraisons habituelles chez moi