17.5.08

UNE SEMAINE A FLORENCE

Ce n’est pas une sinécure que d’être juge au Concours d’iris de Florence. On passe une semaine très dense, avec, chaque matin, une longue séquence de jugement, dans le merveilleux jardin du Piazzale Michelangelo, puis un déjeuner à l’italienne, qui ne se termine que vers 15.00 heures, suivi pour certains d’une seconde visite au jardin, ou, pour d’autres, d’un peu de tourisme dans la capitale de la Renaissance.

Le Chianti

Le mercredi est entièrement consacré au tourisme. Cette année les juges ont été emmenés vers la Chianti, ses châteaux, ses vins… Une première étape, néanmoins, a eu pour but la visite d’un champ d’iris. Ils ne sont plus nombreux, ceux qui cultivent encore l’iris pour le parfum. La famille Prunetti, qui a reçu les visiteurs, est une des dernières à pratiquer cette culture à laquelle elle ajoute celle du safran et la récolte du miel. Le champ à voir était situé au sommet d’une colline pentue qu’il a fallu grimper. Mais en haut, quel spectacle ! Cette étendue bleu-mauve, parsemée d’oliviers, est un ravissement pour les yeux. Un peu plus loin on s’est arrêté dans le château de Monna Lisa. Oui, la demeure de la Joconde. C’est aujourd’hui une exploitation vinicole moderne, mais les murs sont toujours ceux qui ont abrité la célèbre beauté et où la légende situe la naissance du peintre, Leonardo da Vinci. Après une agréable dégustation de chianti accompagnée de charcuteries toscanes et de fromages (que l’on mange arrosé de miel ou de confiture), le petit car est reparti pour une heure de route vers une auberge, perdue au fond des bois, où le repas a permis aux hôtes étrangers de goûter à tout un assortiment de plats typiques de la région. L’étape suivante fut le château sévère de Meleto où une nouvelle dégustation a permis de comparer les crus et d’apprécier la diversité des chiantis. Enfin, sur le chemin du retour, une escale de quelques instants à Greve, tout près de Florence, a été l’occasion de visiter une charcuterie traditionnelle et de faire le tour d’une petite ville fort pittoresque.

Les villas

La Société Italienne des Iris est quelque chose des très aristocratique. Le noyau florentin de cette association est animé par des dames de la bonne société qui font assaut de générosité et reçoivent à tour de rôle les juges et d’autres invités dans leurs demeures somptueuses (et le plus souvent historiques, où flotte encore l’âme d’un artiste ou d’un savant comme Galilée). Cela peut être seulement pour une visite façon musée suivie d’une collation, cela peut être aussi un véritable repas. C’est toujours merveilleux. Les villas grandioses, les couvents austères, toujours situés sur les hauteurs qui entourent la ville, s’ouvrent sur des jardins idylliques avec des vues de rêve sur la ville et les dômes ou campaniles de ses innombrables églises. Les hôtes, avec une simplicité propre aux personnes de qualité, vous accueillent comme des amis. Les agapes peuvent durer un peu, mais on est tellement à l’aise qu’on n’a pas hâte de retourner mesurer des iris.

Le banquet

Cette année (mais peut-être est-ce ainsi tous les ans) le Rotary-Club de Florence recevait les hôtes de la SII pour un dîner solennel, suivi d’une conférence. Le lieu ? Le Palais Borghèse, en plein cœur de la ville, un somptueux bâtiment Renaissance qui fut celui de Pauline Bonaparte, sœur de notre empereur et princesse Borghèse. Extérieurement, le palais, comme tous les autres, dresse ses pierres impressionnantes mais sévères, sur une rue étroite qui ne le met pas en valeur. Intérieurement, c’est à la fois riche et dépouillé. Un groupe de musicien en costume d’époque, annonce l’arrivée des convives avec un petit air de flûte et de harpe. La salle où va avoir lieu le repas s’emplit peu à peu de messieurs d’un certain âge en costumes sombres, et de rares dames, à peine plus jeunes, en tenues sobres mais distinguées. Sur un signal du maître des lieux, tout le monde se lève pour écouter la diffusion de trois hymnes : l’hymne du Rotary, celui de l’Italie, et celui de l’Europe. Puis l’on se rassoit et le repas peut commencer, modeste et sans intérêt gastronomique. Un nouveau signal de notre hôte et un conférencier se lève et se dirige vers un rétroprojecteur pour nous exposer par le menu, en italien bien sûr, tous les aspects de deux toiles de Leonardo da Vinci. Les invités de la SII, américains, tchèques, français, essaient de capter quelques mots… Mais les images sont, pour eux, plus parlantes. L’exposé terminé, chacun repart après les dernières congratulations.

Les iris

Le jardin d’iris, sur le versant de la colline de San Miniato, fut une oliveraie avant d’abriter les collections d’iris de la SII. Ce sont toutes les variétés envoyées au concours depuis 1957 ainsi que quelques dons d’hybrideurs. Toutes les plantes ne reçoivent pas les mêmes soins et des secteurs entiers semblent un peu à l’abandon, mais chaque année un nouveau carré est rénové en fonction des moyens de la Société. Les fleurs des derniers et prochains concours sont, elles, parfaitement entretenues. Il y en a dans tous les sens, là où il y a de la place. Cet apparent désordre est aussi l’un des charmes du jardin qui, de ce fait, ne fait pas du tout apprêté. Les iris en compétition pour 2008 sont au nombre de 113 (plus 14 iris de bordure). Au moment de la présence des juges, c’est à dire cette fois au pic de la saison, les iris hâtifs sont sur leur fin et les tardifs encore en boutons. Une soixantaine de plantes sont en pleine floraison. Le jury, après de laborieuses discussions, en retiendra 42 pour le concours proprement dit. Sont ainsi éliminés les iris mal venus où manifestement hors d’état d’être jugés. Une autre controverse agitera le jury quand il s’agira de désigner l’iris ayant le meilleur branchement. La notion de branchement n’est pas la même chez les juges italiens et chez les autres ; un grand plicata, un peu fragile, mais qui a la préférence du président du jury, sera finalement supplanté par une variété plus consensuelle. Pour l’attribution des trois premiers prix, il n’a aura en revanche aucune contestation. Difficile sera la désignation du meilleur parfum et de la meilleure variété italienne. Dans le premier cas parce qu’aucun iris n’a une odeur particulièrement puissante ou agréable qui le mette nettement en avant, dans le second parce qu’il n’y a pas de variété italienne classée dans les dix premières. Une solution sera de toute façon trouvée, à la satisfaction des organisateurs comme du jury.

Après la remise officielle des prix, dans le solennel Palazzo Vecchio, tout le monde se retrouvera pour un dernier repas dans une belle auberge, tout près des iris, sur la vaste esplanade du Piazzale Michelangelo. Puis ce sera la dispersion, les adieux, les espoirs de retrouvailles, les vœux de bonheur et les joyeuses manifestations d’amitié. Car ce concours 2008, remarquablement organisé, s’est déroulé dans les meilleures conditions et dans une ambiance chic, amicale mais bon-enfant qui n’a fait que faciliter les discussions parfois vives parce que sérieuses.

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