13.2.09











LA COULEUR POURPRE

Il n’est pas facile de dire ce qu’est exactement la couleur pourpre. Le dictionnaire Robert en donne la définition suivante : « Couleur rouge foncé, tirant sur le violet. » Ainsi le pourpre procède à la fois du rouge et du violet. Lequel « violet » se décrit comme : « D’une couleur qui s’obtient par le mélange du bleu et du rouge. » Avançant donc par tâtonnement, on commence à mieux situer notre pourpre : entre le bleu et le rouge, couleurs primaires, se situe le violet, couleur secondaire ; le pourpre, couleur tertiaire, trouve sa place entre le violet et le rouge. Mais comme on ne passe pas brusquement d’une couleur à une autre, de l’une à l’autre s’échelonnent une infinité de nuances qui ne se définissent que par référence à quelque chose de plus ou moins facilement identifiable. Ce sont ces références qui compliquent les choses quand il s’agit de décrire une nuance. On n’est plus dans le concret mais dans le subjectif et l’inspiration poétique n’est pas loin ! D’autant plus que, d’un pays à l’autre, on ne voit pas les choses de la même façon. Les Anglo-saxons trouvent que la lune est jaune, les Français la voient blanche ; les Allemands appellent « lilas » un violet vif et rougeâtre (le pourpre ?), le même nom désigne en France une nuance de violet pâle. Quant à notre « pourpre », il est beaucoup plus rouge que le « purple » des Anglais qui ne serait qu’une autre manière de dire « violet. » Dans la notion de « pourpre », chez nous, on englobe, en fait tout ce qui est « rouge tirant sur le violet », à commencer par l’amarante et, en plus clair, le fameux « magenta », popularisé par les cartouches d’encre pour imprimante.

En matière d’iris, le pourpre est une couleur très présente, qui va dériver d’un côté vers le grenat puis l’acajou et ce brun-rouge caractéristique que l’on désigne autrement sous les vocables de bordeaux, bourgogne ou rubis, de l’autre jusqu’au nuances baptisées aubergine, lie de vin ou prune. On peut même qualifier de « pourpres », ou pourprés, les coloris évoluant autour de teintes plus claires, comme le rose bruyère ou fuchsia. Tout est affaire de sensibilité personnelle.

Cette analyse est le prétexte à faire un tour parmi les iris pourpres qui ont marqué le siècle passé, celui du développement spectaculaire de notre fleur préférée. Car le pourpre n’est pas propre aux iris dits « modernes », ces iris tétraploïdes apparus au début du XXeme siècle. Le pourpre était même une couleur très fréquente chez les « anciens », diploïdes. C’est le cas de ‘Archevêque’ (Vilmorin 1911). Côté tétraploïde, il y a dans les années situées entre les deux guerres mondiales, de bien jolies choses, comme ‘Numa Roumestan’ (Cayeux F. 1928), ‘Député Nomblot’ (Cayeux F. 1929), ‘Professeur S.M. Mitchell’ (Cayeux F. 1930), ‘Hermione’ (Cayeux F. 1933) ou ‘Olympio’ (Cayeux F. 36 - FDM 38). Plus tard, aux Etats-Unis, Gordon Plough, avec ‘Edenite’ (1958) a franchi une étape dans sa quête du noir par le « rouge » qui devait aboutir au fameux ‘Study in Black’ (68) dont on peut dire qu’il est une saturation du coloris pourpre. Dans les années 70, deux variétés me paraissent se distinguer dans le pourpre : ‘Dos Pesos’ (Coleman 72) et ‘Gondolier’ (Jeannette Nelson 71), sans oublier un petit français bien sympathique, ‘Lucinou’ (Brun 78) et un petit russe qui ne l’est pas moins, ‘Fioletovy Nizkorozly’ (Driagina 78). Au cours des années 80, la grande période de la famille Schreiner, on ne peut qu’admirer les pourpres superbes qu’elle nous a proposés, comme ‘Loyalist’ (86) ou ‘Thriller’ (88). Citons aussi ‘Winesap’ (89), un iris de Monty Byers, remontant. La décennie suivante verra toujours la suprématie des Schreiners. Avec ‘Wild Thing’ (95), ‘Swingtown’ (96) et ‘Lenten Prayer’ (98), ils nous ont gâtés. En Australie Graeme Grosvenor s’est aussi essayé dans cette couleur et son ‘Temptone’ (93) a été remarqué au point d’obtenir la Médaille de Dykes de l’hémisphère sud en 96.

Le début du XXIeme siècle marque l’extension du monde des iris à l’ensemble de la planète, et, parallèlement, le palissement de l’étoile Schreiner, aux USA. Même si ‘Raspberry Wine’ (2001), cousin éloigné de ‘Thriller’, démontre que cette illustre maison n’a pas dit son dernier mot. Son voisin, Paul Black, a sélectionné un très bel iris pourpre, ‘Cranberry Sauce’ qui a été enregistré en 2002. Dans le même temps le jeune Anton Mego, en Slovaquie, a proposé ‘Titvan’ (2000), témoin de son véritable talent. Mais j’ai remarqué qu’en France, Gérard Madoré s’intéressait particulièrement au pourpre et qu’il avait dans sa collection de beaux iris comme ‘Goulven’ (2007), ‘Menehan’ (2005), ‘Port-Louis’ (2005) et ‘Lannion’ (2007), tous descendants de ‘Wild Thing’.

Le pourpre est à la mode. A preuve les jolies variétés présentes au concours FRANCIRIS ® 2007 : ‘Troméal’ (Jacob 2006), richement coloré mais de forme à améliorer, ‘Baldaquin’ (Dalvard 2003) et, surtout ‘Venetian Red’ (Mostosi NR). Dans les trois cas il s’agit de variétés d’amateurs, mais leurs qualités démontrent que de ce côté les progrès sont flagrants.

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