12.9.09
















QUAND LA MODE ÉTAIT AUX RAYURES


Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on trouve des iris à rayures. C’est une forme particulière du modèle plicata qui est ancienne comme le modèle lui-même et doit, par conséquent, être une variante existant dans l’espèce d’origine puisque les premières sélections ne concernaient que des fleurs obtenues par croisement naturel. Lémon par exemple ne pratiquait aucune hybridation. Il se contentait de semer les graines récoltées sur des capsules issues de croisement réalisés par les insectes, et de sélectionner les variétés les plus belles. C’est le cas de ‘Fries Morel’, une sélection apparue en 1840. Sur la photo ci-dessus on distingue très bien les grosses rayures pourprées qui décorent les sépales. Cet iris a une base jaune crémeux, où les pigments caroténoïdes sont donc présents dans les cellules. Les pigments anthocyaniques (bleus) qui sont logés dans le liquide intercellulaire apparaissent donc en pourpre puisqu’ils s’additionnent aux pigments de base. Ils sont concentrés essentiellement le long des veines de la fleur, ce qui donne cet aspect rayé caractéristique.

Le phénomène est encore plus flagrant sur ‘Demi-Deuil’ (Denis 1912). Là, les rayures ne se contentent pas d’occuper le terrain des sépales. Elles envahissent toute la fleur. La présence d’une certaine quantité de pigments jaunes – plus faible cependant que dans la précédente variété – donne à l’œil une illusion de violacé aux pigments anthocyaniques. Cet iris porte bien son nom.

Chez ‘Marquita’ (Cayeux 31) on retrouve la disposition qui est celle de ‘Fries Morel’ : du crème aux pétales et des rayures amarante aux sépales. La présence de ces rayures provient du « père » de ‘Marquita’, ‘Helios’ (Cayeux 1928), où elles apparaissent, nettement moins contrastées. Je n’ai pas le pedigree de ‘Helios’, mais je ne serais pas étonné qu’on y trouve ‘Fries Morel’ à un moment ou un autre. Entre-temps cependant on est évidemment passé de la version diploïde à la version tétraploïde, avec transfert pur et simple du modèle.

A quelques années de distance, Ferdinand Cayeux a renouvelé l’opération avec ‘Paillasse’ (1936). Cette variété fait fortement penser à une autre, fameuse mais américaine, ‘Color Carnival’ (DeForest 48), qui figure encore dans quelques catalogues. Il est vrai que ce ‘Paillasse’ est un descendant direct de ‘Marquita’ ; il n’est pas étonnant qu’il en ait hérité des traits.

L’interruption du rôle de la France dans le développement des iris, pour cause de guerre, va faire que les iris à rayures, comme les autres, vont devenir américains. Mais il semble que les recherches dans ce domaine n’ont pas été une préoccupation des hybrideurs. L’apparition de plicatas rayés ne pouvait être que le fait d’un concours de circonstance. C’est sans doute ce qui s’est produit quelques années plus tard avec ‘Butterfly Wings’ (White 1945) et qui apparaît de nouveau sur son descendant ‘Stripped Butterfly’ (Noyd 1956). Quant à ‘Color Carnival’, déjà cité, cette variété descend de ‘Spindrift’ (Loomis 29), un iris qui présentait à peu près les mêmes dispositions : grosses fleurs saumonées, avec des veines violettes sur les sépales, et fait partie des fondateurs des iris roses modernes.

Mais la mode des iris à rayures était passée. Il faudra attendre quelques années pour qu’il en vienne de nouveau sur le devant de la scène. Les plicatas classiques, du genre ‘Stepping Out’ ou ‘Rococo’ avaient atteint une perfection qui faisait sans doute oublier qu’on pouvait obtenir autre chose avec ce modèle, et ils ont été hégémoniques pendant un bon moment. Il en est ainsi des phénomènes de mode. L’histoire reprendra un peu avec ‘Cutie’ (Schreiner 62), ce petit IB qui est effectivement bien mignon, avec ses veines aniline sur un fond bien blanc et qui présente la même disposition que ‘Webspun’ (Craig 68), descendant lui-même de ‘Stripped Butterfly’. Mais ce ne sera qu’une courte parenthèse. La série sera encore interrompue pour ne réapparaître que dix ans plus tard, avec ‘Circus Stripes’ (Plough 75) qui répond tout à fait à la définition, avec ses pièces florales entièrement veinées de violet, et qui rappelle l’ancien ‘Demi-Deuil’ de 1912. Un tour complet a été fait : c’est la ritournelle de la rayure.

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