2.10.09







LES DAMES ITALIENNES

Il y a longtemps que je recherchais des renseignements à propos de certains noms d’hybrideurs que j’ai découverts au gré de mes analyses et documentations. J’étais intrigué par certains noms, qui ne sont pas toujours à consonance italienne, mais qui identifient des obtentrices primées ou honorées dans la deuxième moitié du XXeme siècle. Or dans la dernière livraison du Bulletin de la Società Italiana dell’Iris, reçu récemment, j’ai lu un article signé de Patrizia Verza Ballesio qui lève le mystère concernant ces dames. Je ne lis pas assez bien l’italien pour pouvoir faire une véritable traduction de cet article, mais du moins en comprend-je assez pour satisfaire ma curiosité, d’autant plus que dans le petit livre « le Iris tra botanica e storia » j’en ai appris encore un peu plus. Comme j’imagine que certains des lecteurs de ce blog peuvent se poser les mêmes questions que moi, je leur offre bien vite ma nouvelle science !

Mary Senni

C’est au Parc Floral de Vincennes que j’ai découvert une variété de grand iris baptisée ‘Verlaine’ (27) et attribuée à Mary Senni. Cette jolie fleur dans les tons de bronze m’a bien plu, mais j’étais encore plus intéressé par le nom de l’obtentrice. Qui était cette Mary Senni ? Cela devait être quelqu’un de connu dans son époque puisque l’hybrideur Armand Millet, en 1931, a donné son nom à l’une de ses nouveautés ? ‘Mary Senni’ est un charmant iris mauve pâle, très féminin d’allure.

Merci à la Signora Ballesio de nous donner un bref portrait de cette grande dame. « Mary Gayley (1884/1972), d’origine américaine, épousa en 1907 le comte Giulio Senni. Dans son jardin de Grottaferrata elle cultivait surtout des roses et des iris. Au cours des années 30 à 50, elle a joué un rôle de premier plan près du grand public en diffusant des informations sur les progrès de l’hybridation des iris en Europe comme aux Etats-Unis par le biais des articles qu’elle publiait dans la Revue « Il Giardino Fiorito ». Elle était en contacts étroits avec les hybrideurs les plus importants de l’époque, si bien que Millet en 1931 lui a dédié un de ses iris. Dans le même temps elle pratiquait elle-même l’hybridation dans son jardin romain. En 1937 elle réussit à créer un concours international d’iris, à Rome, rapidement interrompu par la guerre. » Connue et appréciée en Grande-Bretagne où ses articles ont été souvent publiés, la B.I.S. lui a attribué en 1959 le Foster Memorial Plaque (1) pour sa contribution à l’avancement de la connaissance du genre Iris.

Gina Sgaravitti

Voilà quelqu’un dont j’étais avide de savoir qui elle était ! Depuis une vingtaine d’année je cultive la variété ‘Beghina’ en ne sachant rien d’autre que le nom de son obtentrice et la période de son obtention. Voici ce que dit d’elle Patrizia Verza Ballesio : « Angela Perocco, dite Gina (1907/1995) est d’origine vénitienne. Son mariage avec Teresio Sgaravitti l’a amenée à Rome où elle avait à s’occuper d’un vaste jardin qui, au fil des années, est devenu débordant d’iris et de roses. » De fil en aiguille elle est devenue productrice de plantes vivaces et a même créé un catalogue exclusivement dévolu aux iris. Ces « Iris di Via Appia » présentaient un large choix des meilleurs iris américains et français des années 40/50 ainsi qu’une dizaine des obtentions personnelles de la patronne. C’était, paraît-il, une personne méticuleuse qui relevait scrupuleusement les coordonnées des ses iris et leur emplacement dans un jardin qui, malgré les années, est resté intact.

Flaminia Specht

Le nom de Flaminia Specht m’est apparu à la lecture des lauréats du Concours de Florence où un certain ‘Rosso Florentino’ a obtenu le Florin d’Or en 1973. Son nom de jeune fille était Flaminia Goretti (1905/2004) et son mari s’appelait George Specht. (2) « Elle consacra sa vie aux iris et les résultats de ses efforts sont encore appréciables aujourd’hui ; c’est grâce à sa détermination et à sa ténacité, unie à celle d’une autre italo-américaine, Nita Stross, qu’a pu être créé le Jardin d’Iris de Florence, le Concours International et la Société Italienne des Iris. » Beaucoup de ses iris, parmi lesquels ‘Ala d’Oro’, ‘Napoleone’, ‘Chianti’, ‘Zabaione’ sont présents depuis des années dans le catalogue de la Maison Guido Degl’Innocenti qui a repris ses collections.

Nita Stross

Le nom de Nita Stross, née Radicati, (1910/1995) est lié à de nombreuses activités en rapport avec les iris. Notamment la création, dans la propriété de son mari, le jardin de Mugnano. Elle y adjoignit l’importation de variétés américaines et la diffusion d’un catalogue de vente par correspondance « Le Iris di Mugnano » distribué dans les années 60. Elle a pris part à la création du Jardin d’Iris de Florence et la direction de la Revue « Il Giardino Fiorito », enfin, avec son ami G. G. Bellia, elle est à l’origine de la création du jardin expérimental de San Bernardino di Trana, près de Turin, devenu depuis le Giardino Botanico Rea, qui accueille une superbe collection d’iris historiques et qui vient d’être réhabilité.

A côté de ces activités qui démontrent son dévouement à la cause des iris, elle créait ses propres variétés. Elles furent plutôt nombreuses et l’une d’entre elles, ‘Il Cigno’, un bel iris blanc, a remporté en 1963 le second prix du Concours de Florence. Beaucoup d’autres ont été utilisées par un autre obtenteur italien des années 60, Giuseppe Giovanni Bellia.

Eva Calvino

Ceux qui s’intéressent à la littérature connaissent forcément l’écrivain italien Italo Calvino, dont le conte « Le baron perché » a fait le tour du monde. Ils ignorent sûrement que sa mère, Eva Mameli Calvino, s’était fait un nom dans le domaine de la botanique et, en particulier, dans celui des iris. Elle fut successivement professeur de botanique à l’Université de Cagliari, en Sardaigne, puis directrice de la station expérimentale de floriculture de San Remo. Son intérêt pour les iris apparaît dans le grand nombre d’articles qu’elle leur a consacré dans la Revue « Il Giardino Fiorito » au cours des années 30/50. Elle fut aussi l’un des membres fondateurs de la Société Italienne des Iris. Enfin elle s’est aussi essayée à l’hybridation allant jusqu’à envoyer plusieurs de ses obtentions au nouveau Concours de Florence qu’elle avait contribué à lancer.

Voilà donc cinq dames, presque inconnues en France aujourd’hui, mais qui ont apporté au monde des iris en général et, en particulier, à sa sphère italienne, un héritage qui mérite d’être conservé. En fait, si elles sont restées si peu connues en dehors du petit cercle des iridophiles italiens, c’est en grande partie parce que, jusqu’à une date récente (3), l’hybridation était, en Italie, considérée comme un passe-temps, pratiqué par des intellectuels et des aristocrates qui n’accordaient à leurs obtentions qu’une modeste attention, n’estimant pas nécessaire des les enregistrer, et pour qui la commercialisation des iris n’a jamais été qu’un petit appoint anecdotique.

(1) Voir l’article consacré à cette distinction, paru dans ce blog il y a quelques semaines.
(2) En fait ce serait George Specht qui serait l’obtenteur de ‘Rosso Fiorentino’
(3) Le premier enregistrement d’une variété italienne n’est intervenu qu’en 1997.

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