29.1.10











LE NOIR LEUR VA SI BIEN

Nous allons parler cette fois des iris noirs. J’ai déjà fait un tour de cette question dans un article publié en octobre 1999 dans le bulletin de l’AIS. Il s’agit maintenant de rafraîchir ce texte déjà vieux de dix ans.

La couleur noire s’obtient en mélangeant à parts égales le jaune, le rouge et le bleu. Quand ces trois couleurs primaires se rencontrent parmi les gènes d’une plante, on peut espérer obtenir du noir. Mais si l’une de ces couleurs vient à manquer, on ne peut que s’approcher du noir, au moyen de divers artifices. C’est ce qui se produit avec les iris où la couleur rouge est absente. Il faut donc se débrouiller avec ce qu’on a pour essayer de faire du noir : c’est un défi pour les hybrideurs. Ils vont jouer avec le jaune, le bleu et le magenta qui sont à leur disposition.

Si on commence par le jaune, on peut s’approcher du noir en saturant de proche en proche le brun. On doit pouvoir obtenir un brun très sombre, comme on qualifie de « noir » un café très fort. Jusqu’à présent c’est la voie la moins recherchée, sans doute parce que c’est la plus difficile.

Avec le bleu, on passe à l’indigo puis au violet, et, de là, il est assez facile de tendre vers le noir.

C’est peut-être surprenant, mais on peut aussi s’approcher du noir en partant du magenta. Via le grenat, le pourpre, on peut obtenir un rouge très foncé proche du noir.

Cela fait 80 ans que les hybrideurs se démènent. Ils sont maintenant arrivés au but. On peut désormais faire le point. A quoi ressemblaient les premiers iris dits noirs ? Comment les choses ont-elles évolué ? Où en est-on aujourd’hui ?

Au début, il y avait les frères Sass, dans le Nebraska, Paul Cook dans l’Indiana et les Schreiner dans l’Oregon. Chacun suivait son propre chemin. Les Sass ont sélectionné les plus sombres de leurs semis issus de leur ligne de bleu et de violet et les ont croisés entre eux. Le résultat a été l’introduction de ‘The Black Douglas’ en 1934. Pour Paul Cook, la voie a été celle de Iris aphylla (petit iris bleu très foncé), qu’il utilisait aussi à d’autres fins dans ses programmes, et il a introduit en 1938 le fameux ‘Sable’, qui fut considéré comme le meilleur noir de son époque, et dont le descendant ‘Sable Night’ (50), encore plus sombre, a obtenu la Médaille de Dykes en 1955. Au moment où ‘Sable’ était mis sur le marché, la maison Schreiner obtenait ‘Ethiop Queen’ (1938), descendant de ‘The Black Douglas’ et d’un semis brun-rouge sombre. Les Schreiner ont continué sur leur lancée et utilisé à leur tour les propriétés d’Iris aphylla et obtenu ‘Black Forest’ (45), qui est devenu la base des noirs modernes.

Les années 70 ont vu apparaître des quantités de fleurs noires de qualité. Celles de Gordon Plough sont remarquables : ‘Swahili’ (65), ‘Study in Black’ (68), puis ‘Black Market’ (73) et ‘Interpol’ (73). On trouve aussi ‘Dusky Dancer’ (Luihn 67), ‘Basic Black’ (Hager 71), ‘Opening Night’ (Gibson 70) et plusieurs « made in Schreiner » comme ‘By Night’ (76), ‘Superstition’ (77), ‘Swazi Princess’ (78)…

Au cours des années 80 la profondeur du noir s’est accrue, accompagnée d’un aspect velouté des tépales qui ajoute à la perfection. Témoins, chez Schreiner, ‘Black Dragon’ (82), ‘Back in Black’ (86), ‘Midnight Express’ (88), chez Maryott ‘Witches’ Sabbath’ (86), chez Stahly ‘Black Flag’ (88), chez Luihn ‘ Blackout’ (88), chez Innerst ‘Before the Storm’ (89)… En France, il n’y a que la famille Anfosso qui se soit intéressée aux iris noirs. Elle nous a donné ‘Calamité’ (82), ‘Bar de Nuit’ (87), ‘Draco’ (88), puis encore ‘Nuit de Chine’ (93) et ‘Nuit Fauve’ (94), son travail s’est alors brusquement arrêté, en ce domaine comme en tout autre d’ailleurs.

Les Schreiner, en revanche, ont maintenu le cap et chaque catalogue a présenté quelque nouveau noir : ‘Night Ruler’ (90), ‘Midnight Dancer’ (91), ‘Hello Darkness’ (92), ‘Black Tie Affair’ (93), ‘Paint it Black’ (94), ‘Old Black Magic’ (96)…

Que peut-on encore espérer en matière d’iris noir ? Il semble bien que le plus gros ait été fait. D’ailleurs les variétés noires qui apparaissent encore n’apportent pas vraiment un gain de saturation mais plutôt des améliorations formelles comme les ondulations des pétales ou le nombre de boutons floraux. Tout le travail des hybrideurs tourne autour de cela ; à partir des variétés noires antérieures. Tous les iris noirs ont au moins pour parent l’une des variétés citées ci-dessus. ‘Night Ruler’ apparaît derrière ‘Midnight Vigil’ (Stahly 2005) et ‘Armorique’ (Madoré 2005) ; ‘Hello Darkness’ est la base la plus utilisée, comme pour ‘Black Phantom’ (Maryott 2001), ‘Dangerous Mood’ (Schreiner 2004), ‘Fade to Black’ (Schreiner 2002), ‘Lord of the Night’ (Sutton G. 2005), ‘Pen Hir’ (Madoré 2001) ou ‘Warranty’ (Johnson T. 2003) ; ‘Black Tie Affair’ est un des parents de ‘Tahitian Pearl’ (Johnson L. 2003) ; ‘Paint it Black’ figure dans le pedigree de ‘Twilight Tear’ (Filardi 2006) ; quant à ‘Old Black Magic’, c’est la « mère » de ‘O’ So Very’ (Brown D. 2005). Et il ne faut pas oublier ceux qui ont utilisé les noirs de la génération précédente, comme Sterling Innerst pour ‘Anvil of Darkness’ (98) ou Sergeï Loktev pour ‘Chiornaya Vdova, « la veuve noire » (2006), qui ont fait usage de ‘Before the Storm’ ; de même Hedgecock s’est servi de ‘Swazi Princess’ pour ‘Cowboy in Black’ (2004) et ‘Dark Past’ (98).

Les iris noirs maintenant jouent sur un autre registre, celui des barbes jaunes ou rouges et celui des bicolores (blanc/ noir ou bleu/noir). ‘Tom Johnson’ (Black 96) mise sur la barbe rouge, ‘Mystérieux’ (Cayeux 2003) joue sur les deux tableaux avec un bleu profond au-dessus d’un noir bien sombre, et des barbes bronze. C’est donc plutôt de ce côté que viendront les nouveautés. Mais il n’y a pas lieu de s’arrêter de faire porter du noir aux grands iris car cette couleur leur va si bien !

1 commentaire:

loic a dit…

Et il y a toujours moyen de faire du neuf avec du vieux. j'ai eu la surprise d'obtenir in iris assez correct, A145B = 'Black Swan' X 'Syncopation', c'était vraiment un jolie surprise.
Vous pouvez le voir ici, ainsi que son frère de semis (qui n'est plus) et 'Black Swan' lui même:
http://www.flickr.com/search/?q=black%20swan&w=33249763%40N04

N'hésitez pas à utiliser les anciens, ils renferment encore des secrets insoupçonnés.