26.6.10











LES BELLES COULEURS DU PASSÉ

On s’extasie sans cesse sur les couleurs des iris contemporains. Mais que dit-on des iris du passé, de ces variétés dites historiques (et même proto-historiques) ? Il n’y a pas grand monde qui s’y intéresse encore, tout au moins dans les revues spécialisées, et la plupart des catalogues actuels ont d’autres buts que de promouvoir des plantes centenaires ou presque ! Il faut cependant être honnête : il y a des catalogues où l’on trouve ces vieilles variétés. Pas en France, non, mais, couramment, en Grande-Bretagne, et, fréquemment, aux Etats-Unis. Là-bas une association vigoureuse se charge de prendre la défense des anciens iris. C’est la HIPS (Historic Iris Preservation Society). Il existe aussi des jardins spécialisés dans la présentation des iris historiques, comme les Presby Memorial Iris Gardens, dans le New-Jersey, et plusieurs catalogues commerciaux qui leur donnent une place importante.

En France, ces vieux iris se trouvent en abondance dans les jardins botaniques de nos grandes villes, pas toujours mis en valeur, pas toujours scrupuleusement étiquetés, malheureusement. Mais à la décharge des responsables de ces jardins il faut reconnaître que plantations et transplantations rendent souvent aléatoires les identifications. La Ville de Verrières le Buisson, en banlieue sud de Paris, là où la famille Vilmorin avait son exploitation d’origine et sa superbe demeure, essaie de constituer une collection de variétés anciennes. C’est une tentative encore un peu brouillonne, difficile à mettre en œuvre, mais qui mérite d’être encouragée. En Bretagne, près de Rennes, la collection des Jardins de Brocéliande est abondante mais comporte de nombreuses erreurs d’étiquetage. Enfin, à mon avis, la plus complète et scrupuleuse exposition d’ancien iris est celle du Parc Floral de la Ville de Paris, à Vincennes. René Leau, maintenant retraité, y a fait un travail méticuleux et courageux de tri et d’identification dont il faut souligner l’importance dans le travail de conservation.

Il faut aller dans ces jardins pour pouvoir admirer les belles couleurs des iris de ces temps-là. Car elles sont belles ! Pas très variées, certes, mais d’une douceur et d’une harmonie qu’on a un peu perdu de vue maintenant où les contrastes violents sont plus recherchés que les nuances ou les fondus-enchaînés. Ce sont les neglectas qui sont les plus nombreux en effet. Il y a de nombreuses associations, mais pour faire court, on n’en retiendra aujourd’hui que trois, quitte à revenir un autre jour sur les autres :
· Deux tons de grenat :
C’est un coloris plaisant où rien ne s’oppose mais où tout s’harmonise, avec un côté vif, mais qui reste raisonnable. Voici quatre exemples remarquables :
- ‘Numa Roumestan’ (Cayeux, 1928) - une couleur chaude, enrichie par une grosse barbe jaune ;
- ‘Victor Hugo’ (Cayeux, 1929) – on est dans le cramoisi, avec du blanc pour la barbe ;
- ‘Olympio’ (Cayeux, 1936) – ce sont à peu près les mêmes couleurs que le précédent, mais la barbe est jaune vif ;
- ‘Cameroun’ (Cayeux, 1938) – toujours dans la même gamme, mais en plus sombre.
· Deux tons de violet :
Le violet, à cette époque avait acquis une profondeur et un velouté exceptionnels ; il faut voir :
- ‘Germaine Perthuis’ (Millet, 1924) – un coloris magnifique, à la fois sombre et riche, la grosse barbe jaune donne beaucoup de chic ;
- ‘Azyiadé’ (Cayeux, 1925) – cette fois on est dans un ensemble clair, un peu rosé, très apprécié à sa mise sur le marché ;
- ‘Fragonard’ (Cayeux, 1926) – tout voisin du précédent, avec une fine barbe blanche ;
- ‘Ministre Fernand David’ (Cayeux, 1930) – superbe violet archevêque avec une touche de pourpre aux sépales ; le ministre a été particulièrement gâté.
· Mauve sur pourpre :
Cela donne des fleurs somptueuses, contrastées mais sans excès, assorties mais sans fadeur, comme :
- ‘Mme Henri Cayeux’ (Cayeux, 1924) – ce qui caractérise cette plante, ce sont les sépales très sombres avec des pétales d’une teinte que l’on ne trouve plus dans les iris modernes ;
- ‘Don Juan’ (Cayeux, 1928) – les pétales sont roses, le bord des sépales également, ce qui n’est pas fréquent à cette époque ;
- ‘Nene’ (Cayeux, 1928) – les belles barbes jaunes réveillent un pourpre sombre et un violet améthyste un peu tristes ;
- ‘Voltigeur’ (Cayeux, 1934) – très proche de ‘Nene’, un peu plus clair, et les barbes sont blanches ;
- ‘Mme Maurice Lassailly’ (Cayeux, 1935) – les pétales sont plus pâles que chez ‘Mme Henri Cayeux’, mais c’est le même coloris pour les sépales ; pour ne pas créer de jalousie entre les deux parentes ?

Toutes ces variétés sont françaises, de la haute époque 1920/1930, quand Ferdinand Cayeux écrasait ses confrères par l’excellence de ses semis. Mais on pourrait faire les mêmes constatations parmi les variétés américaines. Les fleurs ne sont pas spectaculaires comme les créations des années 2000, mais la classe est là !

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