9.7.10







D’ALLEMAGNE

Deuxième partie : recommencer

Après la deuxième guerre mondiale, la situation de l’iridophilie en France et en Allemagne a évolué de façon foncièrement différente. De ce côté-ci du Rhin on est reparti de là où l’on était resté en 1940. De l’autre côté il n’y avait plus rien : la firme Goos et Koenemann était pratiquement détruite et ses deux créateurs décédés depuis longtemps, de sorte qu’il n’y avait plus de création depuis plus de vingt ans. En France, rapidement Jean Cayeux a repris l’activité iridistique de l’affaire familiale et lui a donné une importance qu’elle avait perdu du temps de son père qui ne s’intéressait pas à l’hybridation. En Allemagne ce sont des amateurs qui se sont lancés, progressivement, avec peu de moyens et un réseau commercial inexistant. Chez nous la Maison Cayeux a régné trente ans sans partage sur un marché français qu’elle dominait de toutes part, chez nos voisins quelques fanatiques ont entrepris des croisements pour leur plaisir plus que dans un but de profit.

Ce fut d’abord Victor von Martin et Hertha van Nes. Celle-ci était d’ailleurs plutôt une théoricienne et une historienne de l’iris et sa production a été infime. Victor von Martin, lui, a créé des variétés, des grands iris, pendant une dizaine d’année (1950/1960) ; plusieurs n’ont pas été enregistrées car les enregistrements n’ont repris qu’en 1955. Le plicata traditionnel ‘Wiener Walzer’ fait partie de ce lot. Puis un troisième amateur a fait son apparition : il s’agit de Max Steiger qui s’est spécialisé dans les Iris du Japon.

Vinrent ensuite le professeur Peter Werkmeister dont les rares obtentions disent assez qu’il ne considérait pas cette activité comme primordiale. On peut dire la même chose de l’Autrichien de Graz Rudolf Hanselmayer. La comtesse Helen von Stein-Zeppelin, en ouvrant sa pépinière de Laufen, a marqué le début d’une autre époque : un jardin d’iris faisait sa réapparition. Elle a contribué à alimenter son commerce avec quelques variétés de son cru, comme le rose ‘Aglaja von Stein’, de 1962. On en est resté là jusqu’au début des années 70.

L’amoena de Lothar Denkewitz ‘Altersegel’ (1970), issu de Pierre Menard X Wole Cloth, a marqué le début de cette nouvelle période. Cet hybrideur s’est rapidement consacré aux iris nains avec lesquels il s’est créé une véritable place dans le monde des iris. La Berlinoise Eva Heimann est arrivée un peu plus tard dans le microcosme. A raison d’une ou deux obtentions enregistrées tous les trois ans, son travail est resté artisanal, mais il a été remarqué, comme son iris blanc à la grâce fragile ‘Berliner Eis’ de 1983. Erhard Wörfel a été plus productif pendant la période 1975/1985. On trouve dans Irisenligne une chronique de ‘Berthalda’ (1984) qui fait partie de ses dernières obtentions. C’est un blanc très réussi qui vient de Cup Race X Ermine Robe. A ce moment une seconde pépinière a commercialisé des iris, tant allemands qu’étrangers. C’est celle de Werner Reinermann, à Schoppingen, mais rapidement ce dernier se fera une spécialité des hémérocalles, allant jusqu’à négliger les iris…

Un ingénieur des mines allemand, né en 1932, s’est distingué par l’exigence de ses recherches iridophiliques. Il s’agit de Harald Mathes, originaire de Gladbeck dans la Ruhr. Très jeune il s’est intéressé à l’horticulture, ce qui l’a agréablement changé de l’univers des mines de charbon dans lequel il a vécu. Il ne s’est pas contenté des iris ordinaires que sont les TB ou SDB. Il s’est attelé à une tâche autrement difficile, celle de transférer dans les iris Arils les qualités des grands iris et notamment leur branchement, sans toutefois perdre ce qui fait l’élégance sauvage des arils. Mission presque impossible puisque le nombre des chromosomes des uns et des autres diffère largement et que, même si un croisement interspécifique réussit, et qu’il donne naissance à une plante intéressante, la stérilité de celle-ci interdit la transmission de ses traits caractéristiques. Avec acharnement et intelligence, Harald Mathes a poursuivi son improbable quête, utilisant les ressources de la colchicine et d’autres substances chimiques pour multiplier les chromosomes et rendre compatibles des espèces qui ne le sont naturellement pas. Et il a réussi ! Avec ‘Gelee Royale’ (1982) tout d’abord, issu de I. auranitica et I. hoogiana ainsi que de deux TB, puis avec son semis ‘RC-aph-B1’ qui ajoute I. aphylla à la lignée de ‘Gelee Royale’, pour un regeliocyclus/aphylla fertile, avec 44 chromosomes. Pour Harald Mathes, cet hybride ne devait être qu’une étape dans sa recherche. Mais à partir de 2004 sa santé s’est détériorée et il a du cesser son travail d’hybrideur. C’est une grande perte pour le monde des iris et pour celui des arils plus précisément.

En 1937 est né Tomas Tamberg, de la même génération que le précédent, et qui est toujours l’une des figures de proue de l’iridophilie allemande. Celui-ci a fait connaissance avec le jardinage dès son adolescence en Thuringe. Il est devenu un ingénieur chimiste réputé tout en consacrant beaucoup de son temps aux iris. A commencer par les grands, comme le rose ‘Ursula Vahl’ (1978), puis, rapidement, par des croisements interspécifiques originaux comme les « Cal-Sib » (Californica x Sibirica) ou les « Versi-Laev » (Versicolor x Laevigata). Dans ce domaine, en compagnie de son épouse Erica, il s’est forgé une réputation internationale. Fait exceptionnel, son Iris de Siberie ‘Berlin Ruffles’ (1993) a enlevé la Dykes Medal Britannique en 1999.

Ces deux derniers hybrideurs, par le caractère exceptionnel de leurs travaux, démontrent que l’Allemagne est une terre d’élection pour les iris. Mais jusqu’à une date récente cette plante est tout de même restée peu exploitée. Il faut attendre les années 80 pour voir les amateurs et les obtenteurs d’iris devenir vraiment nombreux. Cela fera l’objet d’une troisième chronique.

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