30.7.10
















NOUVEAUX ENTRANTS

Dans les commentaires qu’il ajoute chaque année à son catalogue, Keith Keppel se désolait, cette année, de l’absence de relève dans le monde des hybrideurs. Mais il n’est pas nécessaire d’entreprendre une longue réflexion pour conclure qu’il se trompe. Peut-être que, très occupé par son propre travail, chez lui en Oregon ou chez son ami Barry Blyth avec lequel il passe le printemps austral, il ne voit pas l’émergence autour de lui d’un grand nombre de jaunes pousses prometteuses. Il suffit pour en être persuadé de prendre la liste des obtenteurs annexée au R&I annuel édité par l’AIS (1). Elle ne s’allège pas, au contraire ! On constate simplement une évolution qui touche deux domaines :
· La mondialisation – Les obtenteurs hors des Etats-Unis sont chaque année plus nombreux et leurs origines se diversifient ; en 20 ans les obtenteurs de l’Europe de l’Est et des Etats de l’ex-URSS ont pris une place considérable ; les Européens de l’Ouest ont également gagné du terrain (France, Allemagne, Italie…), et les citoyens de Nouvelle–Zélande retrouvent une place qu’ils avaient perdue entre 1970 et 2000.
· Les non-professionnels – De plus en plus on voit apparaître des obtenteurs indépendants, qui sont des jardiniers amateurs qui se lancent dans l’hybridation et n’hésitent plus à faire enregistrer leurs obtentions. Ils les commercialisent aussi, quelque fois, si bien que se créent beaucoup de minuscules pépinières, dont l’existence n’est possible que grâce à Internet et à l’ouverture d’un site, sans édition de coûteux catalogues.

A côté de cela les obtenteurs chevronnés, vieillissants, disparaissent ou cessent leur activité, et les entreprises ayant pignon sur rue enregistrent fréquemment un tassement de leur activité. C’est particulièrement le cas en France (aggravé par la difficulté à renouveler les catalogues du fait des barrières phytosanitaires), où les producteurs soit se diversifient vers d’autres plantes que les iris, soit se développent vers l’étranger (Allemagne, Grande-Bretagne). Aux Etats-Unis le phénomène touche les « majors » (Schreiner, Cooley…) qui visent de plus en plus une clientèle d’un certain âge plus accessible par l’écrit que par l’informatique et qui s’intéresse essentiellement aux variétés traditionnelles. Du coup les hybrideurs maison se contentent de sélectionner des variétés qui renouvellent les acquis mais ne font pas, sauf exception, progresser l’hybridation ; c’était vrai depuis plusieurs années pour Schreiner, ça l’est devenu maintenant pour Cooley. En Europe, pendant longtemps il n’y eut que quatre ou cinq entreprises spécialisées. Maintenant on en compte une dizaine dont l’expansion a été favorisée par la disparition des frontières et des contrôles douaniers et les facilités de paiement de la zone euro. On peut se fournir à bon prix en République Tchèque, en Pologne et même aux Pays-Bas, en Italie ou en Espagne.

Ces considérations matérielles ne doivent pas faire perdre de vue le problème essentiel, celui qui préoccupe Keith Keppel, qui est la vitalité de l’hybridation. En réalité les « jeunes pousses » ou ceux que j’appelle les « nouveaux entrants » sont nombreux, actifs et talentueux. Je n’en citerai que quatre, pour ne pas faire trop long.

· Dans la Napa Valley, au nord de San Francisco, là où l’on produit le meilleur vin de Californie, les Painter, Lesley et John, ont fait leur apparition dans le R&I en 2002. Ils ont ouvert une pépinière Napa Country Iris Gardens, avec un joli site web, où ils commercialisent leur production. Ils ont envoyé quelques variétés pour le concours Franciris 2007, et c’est là que j’ai pu apprécier leur travail : ‘Endearing Charm’ (2002) ou Rainy River’ (2004) sont là pour en apporter la preuve ;
· Barbara Nicodemus, de Buffalo, dans le Missouri, est également présente depuis 2002. Elle n’a pas encore une riche collection a présenter, mais ceux qui ont vu ses iris s’accordent pour en dire le plus grand bien ; c’est le cas de Perry Dyer, dans ses « Contemporary Awards ». Elle propose entre autres quatre frères de semis, issus de ‘Hello Darkness’, comme ‘Ozark Rebounder’ (2002), qui sont exemplaires dans la catégorie des iris ombres ;
· Michael Sutton, le fils de George, est entré dans la carrière en 2000 ; il s’est lancé dans un programme original de fleurs du type luminata que l’on trouve dans le catalogue et sur le site familial californien. Un bon spécimen est son ‘Fall Entreprise’ (2006) ;
· Depuis Arlington, au Texas, Vincent Christopherson ne s’est placé dans le grand cirque que depuis 2000. Ses obtentions ont aussitôt été remarquées, et certaines proposent vraiment quelque chose de nouveau. Voir son ‘Crystal Fountain’ (2007) particulièrement séduisant.

En dehors de ces exemples, on aurait pu parler de plusieurs autres nouveaux entrants (Margie Valenzuela, Pat Otterness). Aux Etats-Unis, certes, mais peut-être plus encore ailleurs dans le monde. Ne perdons pas de vue que les iris de Russie ne sont toujours pas accessibles ailleurs que dans leur pays, et on peut imaginer que sur le nombre incroyable des enregistrements russes et ukrainiens il y a des choses valables, peut-être même passionnantes. Et puis n’oublions pas les grands anciens qui, où qu’ils se trouvent, n’ont pas dit leur dernier mot. Keppel peut se rassurer l’avenir de l’hybridation n’est pas en danger.





(1) R&I = « Registrations and Introductions » : petit livre édité chaque année par l’AIS, qui donne la liste des nouvelles variétés enregistrées ou introduites sur le marché, et est complété par la liste des personnes ayant procédé à un enregistrement ou une introduction. Les R&I de chaque décennie sont récapitulés dans la « Check-List » qui rassemble dans un volume relié « hard-cover » les renseignements de dix années, enrichis d’autres informations (liste des récompenses attribuées…).

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