19.8.11

ELIZABETH NESMITH : L’AUTRE GRANDE DAME DES IRIS





On a déjà parlé ici de Grace Sturtevant, considérée comme la première grande dame des iris. Aujourd’hui on évoquera l’autre grande dame (ou plutôt une autre grande dame), Elizabeth Nesmith, née Elizabeth Noble.

Ces deux personnes ont beaucoup de traits communs. D’abord une même origine : elles sont l’une et l’autre issue d’une grande famille de la Nouvelle Angleterre. Si celle de Grace Sturtevant était plutôt dans le domaine scientifique et universitaire, celle d’Elizabeth Noble faisait partie du milieu industriel puisqu’elle dirigeait depuis 1831 une importante filature, dans le Vermont.

Elizabeth Noble, née en 1880, s’est très tôt intéressée à la botanique, et très vite à l’horticulture, à la suite de son mariage avec Tom Nesmith. C’est au début des années 1920 que sa pépinière, Fairmount Gardens, est devenue un jardin incontournable, connu et prisé sur toute la côte Est des Etats-Unis. Le catalogue qu’elle a édité contenait les meilleurs iris de son époque, essentiellement originaires de la côte Est, mais où l’on trouvait aussi des variétés d’un peu tout le monde des iris. Ainsi celui de 1959 contenait quatre nouveaux cultivars de Stedman Buttrick, du Massachusetts, deux d’Edward Watkins, du New Hampshire, trois de Jesse Wills, du Tennessee et trois également de Kenneth Smith, de l’Etat de New-York. Rédigées dans un style impeccable et soutenu, les descriptions de Mme Nesmith ont contribué à la renommée des iris dans toute l’Amérique. Pépinière et catalogue ont vécu jusqu’à la fin des années 60 et la disparition de leur animatrice à près de 90 ans.

Elizabeth Nesmith, fidèle en amitié, n’était pas d’un caractère expansif. Ceux qui l’ont approchée la décrivent comme quelqu’un d’impressionnant qui, sous des apparences de douceur, faisait montre d’une évidente autorité et d’un réel sens des affaires, celui qui convient à un citoyen des Etats-Unis qui veut réussir. Elle a conservé toute sa vie les attitudes et les habitudes d’un monde victorien, dans une confortable maison à l’ancienne entourée d’un jardin élégant et riche de mille fleurs.

Sa passion pour les plantes, plus encore qu’aux iris, elle l’a consacrée aux hostas et aux hémérocalles. De ce côté elle s’est montrée très prolifique, enregistrant près de l’AHS (American Hemerocallis Society) plus 300 variétés nouvelles ! Un grand nombre des ces variétés sont encore couramment cultivées.

Avec les iris elle s’est montrée sans doute plus sélective. D’ailleurs la plupart de ses obtentions ont été remarquées et primées. Pour n’en citer que quelques-unes, on peut parler de ‘Summer Song’ (1950), un jaune ocré issu de ‘Bryce Cannyon’ ; de ‘Carissima’ (1954), un « blanc par les bleus » à barbes crème, dont le pedigree fait état de ‘Lady Boscawen’ et de ‘Azure Skies’ ; de ‘Bar Harbor’ (1957) en bleu marine doucement velouté de bleu pourpré, chez qui l’on retrouve le fameux ‘Jane Phillips’. Mais son obtention la plus remarquable est sûrement ‘Melitza’ (1940) qui est considéré comme le premier iris rose à barbes mandarine. Comme on peut lire dans « The World of Irises », ‘Melitza’ est le grand-parent de ‘Frances Kent’ (DeForest, 1948) et l’arrière grand-parent de ‘Dawn Crest’ (DeForest, 1957) ; et parmi les descendants de ‘Frances Kent’ il y a le blanc ‘Christmas Angel’ (DeForest, 1959), le rose, souvent utilisé par la suite, ‘Marilyn C.’ (Crosby, 1957), le très répandu ‘Real Delight’ (Waters, 1958), rose abricot, ou un autre blanc bien connu, ‘Risque’ (Gatty, 1974).

Madame Nesmith est une des rares personnes à avoir été honorée par deux fois d’un iris à son nom. Une première fois avec ‘Betty Nesmith’ (Thomas A. Washington, 1934), un unicolore jaune doré et une seconde avec ‘Elizabeth Noble’ (Kenneth Smith, 1953) ; cela prouve à quel point elle était appréciée.

Quand on parle d’Elizabeth Nesmith, on évoque un autre monde, bien loin de nous maintenant, mais qui reste présent dans le cœur de tous les amateurs d’iris, parce qu’il représente ce que l’Amérique a fait de mieux : le chic, la classe de la Nouvelle Angleterre, associés à ce désir de réussite et à cette force de caractère qui sont à la base de la suprématie américaine dans le monde des iris comme dans bien d’autres.

Sources : ROOTS, Vol. 11/2 (automne 1998)

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