16.12.11

LA THÉORIE DU COMPLOT

C’est un phénomène qui a pris de l’ampleur depuis quelques années, et tout particulièrement depuis les attentats de 2001 aux Etats-Unis. Il a été favorisé par les moyens de communication moderne qui fournissent à ceux qui l’alimentent tout ce qu’il faut pour son développement. Mais de quoi s’agit-il ? De ce qu’on désigne sous le nom de « théorie du complot ». Cela peut se résumer par les phrases « on nous cache tout, on ne nous dit rien » ou « on est en danger, mais on nous dissimule le péril ». Certains, plus ou moins mal intentionnés, prennent plaisir à répandre des rumeurs alarmistes, étayées par des démonstrations artificielles mais spectaculaires, chargées de semer le doute et la peur dans l’esprit de ceux que leur discours atteint. Cette théorie trouve chez les gens un terrain d’autant plus favorable qu’elle met en cause les puissants et « ceux qui savent », mais auraient un intérêt personnel en jeu.

Mais en quoi cette théorie affecte-t-elle notre petit monde des iris ?

Un sujet est particulièrement sensible à ce genre de rumeur : la stabilité génétique des cultivars.

Dans tous les forums, dans de nombreux courriers, parmi ce que sur le net on appelle les FAQ (questions fréquemment posées) il est récurrent de trouver des affirmations du genre : « mes iris changent de couleur ». Il y a un peu plus d’un an, une discussion de ce genre est intervenue sur le forum de la SFIB. Une dame a déclaré fermement que des iris qu’elle avait vus bleus étaient devenus jaunes. Plusieurs autres amateurs ont embrayé sur ce sujet et fait des déclarations à peu près identiques. Bien sûr des gens bien informés sont intervenus à leur tour pour expliquer que la dégénérescence des iris n’avait jamais été constatée, mais la discussion s’est arrêtée sans que les convaincus du changement de couleur aient démordu de leur conviction, et sans que les partisans de la thèse inverse n’aient réussi à prouver qu’ils avaient raison !

Je suis moi-même intervenu dans ce débat. J’ai tenté de démontrer que le potentiel génétique des iris hybrides restait intact au fil du temps. Mais mon argumentation manquait de certitudes scientifiques. J’argumentais, entre autre, sur le fait que, si les iris dégénéraient, on ne devrait plus trouver trace des variétés sélectionnées au cours des années 1830/1900, mais cette preuve par l’absurde n’a pas empêché le tenant de la dégénérescence de maintenir leurs affirmations. Un point qui bloque, en fait, le débat, c’est qu’il faut, pour changer d’avis, admettre qu’on a pu laisser germer des graines parasites ou laisser traîner en terre un morceau de rhizome indésirable. Un jardinier consciencieux a du mal à reconnaître qu’il a manqué de soin ou de vigilance ! Et puis, il faut bien le dire, l’absence de connaissance irréfutable sur la raison de la stabilité génétique amoindrit le côté persuasif du discours !

J’ai tenté une démarche que j’ai crue capable de tuer le débat. J’ai demandé à Keith Keppel, la bible absolue en matière d’iris, de me donner les raisons scientifiques de la pérennité des gènes dans les rhizomes. Voici la réponse qu’il m’a faite :
«Certaines plantes semblent muter, à l’occasion : les glaïeuls, les camélias, les roses, les dahlias, les chrysanthèmes, etc. Mais les iris sont beaucoup plus stables et ne mutent que rarement. Pourquoi ? … Je ne sais pas.
En cinquante ans de culture d’iris (souvent sur ½ hectare, voire plus), je n’ai constaté que deux fois ce que j’ai pris pour une mutation. La plupart des cas de « changement de couleur des iris » mettent en cause soit des graines qui sont tombées au sol, donnant naissance à un semis d’une couleur différente, soit de petites pousses laissées dans la terre au moment d’une transplantation, mettant un an ou deux à se développer jusqu’à une floraison, d’une couleur différente de celle des plantes mises à la place de l’ancienne. »
Il se peut aussi que le jardinier ait arraché tous les iris sans bien les séparer les uns des autres, puis ait repiqué les meilleurs plants. Quelques variétés (souvent les blanches, bleues ou violettes) se développent plus vite et mieux, et alors que toutes les plantes mises en place étaient les mêmes, on est surpris que l’année suivante toutes les fleurs aient changé pour l’une de ces couleurs. »
Je ne suis pas plus avancé ! Et les tenants de la théorie du complot vont pouvoir continuer d’imaginer que les iris sont des mutants potentiels et qu’on dissimule cette particularité pour leur vendre des variétés qui dégénèrent tout de suite… Heureusement que les vrais amateurs d’iris auront suffisamment de respect pour ce que dit Keith Keppel et sauront que les variétés illustrées n’existeraient probablement plus si les iris hybrides dégénéraient ! On peut cependant toujours les voir, au Parc Floral de la Ville de Paris, à Vincennes, par exemple.




Illustrations :


· ‘Bruno’ (Bliss, 1918)
· ‘Contemplation’ (Cayeux, 1939)
· ‘Helios’ (Cayeux, 1928)
· ‘Purissima’ (Mohr-Mitchell, 1927)

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