26.7.12

DE ROUILLE ET D’OR


Parodier le titre du dernier film de Jacques Audiard et une amusante façon d’aborder le descriptif d’une variété récente d’iris qui fait plutôt parler d’elle. Il s’agit de ‘Wizard of Odds’ (Paul Black, 2007). Bernard Laporte (l’irisarien, pas le rugbyman !) m’a donné à l’automne 2011 un morceau de rhizome de cette variété dont il me vantait les rutilantes couleurs. La transplantation et la reprise de ce cultivar se sont passées sans problème et dès ce printemps ‘Wizard of Odds’ à fleuri dans mon jardin. Merci Bernard.

Il est indéniable que les couleurs de cette fleur attirent le regard. Un jaune d’or bien brillant, barbouillé de brun rouille (d’où le titre de la présente chronique !). Ce coloris passe peu au soleil et c’est à peine s’il est un peu moins vif au moment où tout se fane. Les fleurs elles-mêmes sont de bonne taille, avec des sépales qui restent très horizontaux.

‘Wizard of Odds’ est, évidemment, ce qu’on appelle un « broken color » ou, en latin de cuisine, un « maculosa », c’est à dire que la couleur de surface, le brun rouille en l’occurrence, est répartie de façon aléatoire sur les pièces florales. Il serait même plus exact de dire que le brun rouille des sépales est le résultat optique de la superposition de pigments anthocyaniques bleus (présents dans le liquide intercellulaire) sur les pigments caroténoïdes jaunes qui constituent le fond coloré. Dans la majorité des cas les pigments sont harmonieusement répartis, peut-être un peu moins dans le cas des plicatas, mais dans celui des maculosas, ils se logent un peu n’importe comment et, surtout, jamais deux fois au même endroit, ce qui fait qu’une fleur n’est jamais colorée exactement comme une autre. ‘Wizard of Odds’ répond exactement à cette description : certaines fleurs sont légèrement poudrées, d’autres comportent de grosses taches irrégulières…

Pour obtenir un maculosa, il faut partir d’un plicata, car les maculosas sont des avatars de plicatas, ou d’un autre maculosa. C’est bien ce qu’a fait Paul Black. Il a croisé ‘Pure as Gold’ (Innerst 1989) par ‘Infernal Fire’ (Richardson, 1994). Le premier est un excellent jaune uni, avec une barbe un peu plus soutenue, le second un maculosa jaune taché de brun violacé. ‘Pure as Gold’ lui-même est le fruit d’un croisement endogamique de deux jaunes : ‘Radiant Energy’ (Maryott, 1986) et ‘Sound of Gold’ (B. Blyth, 1982) (même si on distingue les origines plicatas de ce dernier par la présence fréquente de traces brunes sur les sépales). ‘Infernal Fire’ a des origines plus complexes, largement inspirées du variegata plicata ‘Broadway’ (Keppel, 1979), son père. Du côté féminin on trouve un peu de tout, mais aucune variété enregistrée avant la troisième génération (‘Campus Flirt’ (Daling, 1963) et ‘Mulberry Rose’ (Schreiner, 1941)). Plus avant dans la généalogie, apparaissent, d’un côté comme de l’autre, une série de grands classiques comme ‘New Moon’ (Sexton, 1968), ‘Gracie Pfost’ (E. Smith, 1958), ‘San Leandro’ (Gaulter, 1968), ‘Palomino’ (Hall, 1951) et l’inévitable ‘Snow Flurry’ (Rees, 1939).

Il est exact que ‘Wizard of Odds’ est une plante spectaculaire ; dans un jardin, elle attire l’œil et devrait valoir à son obtenteur beaucoup de succès dans les concours avec jury populaire. D’autant plus qu’elle présente plusieurs fleurs ouvertes au même moment et strictement serrées les unes contre les autres. Ce sont là des caractères qui ne sont pas appréciés par les juges pro, car la fleur manque d’aération et de sveltesse, mais qui conviennent quand on se contente de l’apparence attrayante du produit.

En conclusion cette addition de rouille et d’or est séduisante pour le grand public, mais beaucoup moins pour les amateurs d’iris parfaits. Je serais étonné si ‘Wizard of Odds’ faisait une grande carrière dans la filière des honneurs.

Iconographie :
‘Wizard of Odds’
‘Pure as Gold’
‘Infernal Fire’
‘Campus Flirt’

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