21.9.12





 Ce n’est pas d’aujourd’hui que certains iris se présentent avec des appendices à l’extrémité des barbes. Les frères Sass en avaient découvert parmi leurs semis, dès les années 40, mais ils les avaient purement et simplement éliminés, les considérant comme des monstruosités sans aucun intérêt. Peut-être, d’ailleurs, ces premiers iris à éperons étaient-ils fort laids. En tout cas ils étaient rejetés. Ce n’est que dans les années 60 que quelques hybrideurs, désireux de se démarquer de leurs confrères, et peut-être véritablement inspirés, ont commencé à les sélectionner. C’est Lloyd Austin qui a inventé le nom de « Space Age » qui continue de désigner ce type de fleurs. Ses variétés, tout comme celle de Tom Craig, autre précurseur, proviennent en fait d’une même lignée développée à partir de plicatas en provenance des semis de Sydney Mitchell et en particulier d’une variété dénommée ‘Advance Guard’. Dans tous les cas il s’agit de plantes issues des plicatas de la fratrie Sass. Chez Austin, l’origine de la lignée se situe notamment chez une variété au nom particulièrement bien choisi : ‘Horned Papa’ ! Pendant de nombreuses années les obtenteurs qui se disent sérieux ont dédaigné ces fleurs qui ne se contentent pas de trois pétales et de trois sépales. Il y a même eu à leur sujet des commentaires peu flatteurs. Cependant un autre non-conformiste, Manley Osborne, a cru au type « space age », qu’ici nous appelons « rostrata », et lui a apporté la plus belle contribution. Ses meilleures réalisations s’appellent ‘Moon Mistress’ (1976), pêche, barbes oranges, éperons pêche ; ‘Battle Star’ (1979), lumineux bicolore cannelle et fuchsia, barbes or et éperons violets, puis ‘Gladys Austin’ (1985), variegata à éperons mauves. Mais c’est ‘Moon Mistress’, qui a été certainement le plus grand pourvoyeur de «rostratas », avec, notamment, ses plus fameux enfants, qui ont pour nom ‘Twice Thrilling’ (1984) et ‘Sky Hooks’ (1980). Aujourd’hui plus aucun ostracisme ne frappe les « rostratas » et il faut s’appeler Schreiner pour n’en pas avoir encore enregistré un ! Dès leur apparition les iris à éperons ont connu le succès auprès des amateurs. C’est d’ailleurs ce qui a incité bien des producteurs à en proposer dans leurs catalogues. Tout le monde s’y est mis et, évidemment, quelques débordements ont été commis : sépales déformés, fleurs franchement laides, appendices extravagants… Mais une fois passée une période de « n’importe quoi », le bon sens a pris le dessus et des nouveautés intéressantes et esthétiques sont apparues. Ce qui fait l’intérêt des « rostratas », c’est que, par leur intermédiaire, on peut imaginer l’apparition d’iris véritablement « flore pleno », comme de nombreuses pivoines, par exemple. Chez celles-ci ce sont les étamines qui sont transformées en organes pétaloïdes, chez les iris cela peut être les barbes. Et cela devient le cas lorsque les éperons prennent une apparence touffue et frisée. Certaines variétés comme parmi les dernières obtentions de Ladislaw Muska (‘Sunny Dragon’ ou ‘Gaiüs’) en prennent le chemin. D’autres présentent des extensions filiformes qui peuvent être très gracieuses, comme chez ‘Westpointer’ (Sutton G., 2001). Cependant il ne faut pas confondre hypertrophie des appendices et iris élégants. Il y a vraiment des variétés à éperons qui deviennent, à mon avis, franchement excessives dans leurs développements. Tom Burseen, au Texas, a ainsi commis quelques excès, comme ‘ice for Brice’ (2001), ‘Mercy Marcy’ (2008), ‘Rocket Randy’ (2002)… Par ailleurs, après avoir mis beaucoup d’espoir dans les « rostratas », je suis devenu plus réservé à leur égard. J’en viens à leur reprocher d’oublier de ressembler à des iris ! En effet des fleurs très récentes associent des pétales très ouverts, des pétaloïdes importants et des sépales très horizontaux, voire concaves, qui s’éloignent des canons traditionnels de la fleur d’iris, telle que je l’aime. Cela a fait son apparition avec ‘Mesmerizer’ (Byers, 1991), et c’est flagrant avec ‘Apostrophe’ (Cayeux, 2011), même si la photo présentée accentue un peu les caractères en question. Alors ? Vers quoi nous emmènent les iris « space-age » ? Peut-être une nouvelle forme de fleur d’iris, qui recevra l’approbation enthousiaste de ce certains, mais sera rejetée par d’autres. Cela n’a pas vraiment d’importance, en fait, si la plante elle-même reste harmonieuse dans son apparence, solide dans sa constitution, abondante dans son développement et sa floraison, et vigoureuse dans son comportement au jardin. Car une plante médiocre, fut-elle extraordinaire par sa fleur, est nécessairement à rejeter.

Illustrations : 
‘Moon Mistress’ (Osborne, 1976) ; 
‘Gaïus’ (Muska, non enregistré) ; 
‘Westpointer’ (Sutton G., 2001)
 ‘Ice for Brice’ (Burseen, 2001) ; 
‘Apostrophe’ (Cayeux, 2011).

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