19.4.13

UN NOM A VENDRE ?

Aujourd’hui il est possible de réserver un nom pour une future variété d’iris. C’est une opportunité qui n’est apparue qu’à partir de moment où l’enregistrement des noms est devenu payant.

 L’attribution des noms devient de plus en plus délicate, au fur et a mesure de la multiplication des nouvelles variétés. On a du déjà passer à un maximum de quatre mots par noms et à la possibilité d’utiliser jusqu’à trente lettres ! C’est une conséquence, aussi, de la multiplication des langues utilisées pour attribuer des noms : bien longtemps, en ce domaine, le choix s’est limité aux langues anglaise et française, avec de temps en temps de petites incursions dans une langue moins commune. Mais maintenant on propose des noms exprimés en une grande quantité d’idiomes. Rien que parmi les langues parlées en Europe j’ai trouvé des noms d’iris en anglais et français, bien sûr, mais aussi en letton, polonais, russe, ukrainien, allemand, italien, flamand, espagnol, slovène, slovaque, tchèque, hongrois, et même en breton et en espéranto ! Peut-être même en oublié-je. La vérification de l’application des règles d’attribution est devenue un véritable casse-tête pour le « registrar » américain qui doit leur donner l’imprimatur officiel.

 La multiplication des langues utilisées pose un autre problème, qui est celui des homonymies. Quand un nom a été exprimé en une langue, y-a-t-il homonymie quand le même concept est exprimé dans une autre langue ? Par exemple, le ‘Terra del Fuoco’ d’Augusto Bianco est il l’homonyme du ‘Terre de Feu’ de Richard Cayeux enregistré précédemment ? Et l’on a connu la controverse entre Lawrence Ransom et Lowell Baumunk à propos de ‘Alienor d’Aquitaine’ et de ‘Queen Eleanor of Aquitaine’.

Enfin une autre difficulté peut se faire jour : le « registrar » ne peut évidemment pas connaître toutes les langues du monde. Un obtenteur s’exprimant dans une langue inconnue du « registrar » peut très bien enfreindre une des règles d’attribution : par exemple traduire tout simplement un nom déjà attribué, contrevenant à la règle n° 11, ce qui est déjà souvent le cas aujourd’hui, de sorte que ‘Starlette Rose’ (Cayeux, 1996), n’aurait pas du être accepté puisque existait déjà ‘Pink Starlet’ (Wood, 1993), ou choisir le nom de ‘Meilleur au Monde’, qualificatif outrancier interdit par la règle n° 10, mais difficilement décelable en ouzbek ou en gaélique. De même un mauvais plaisant pourrait attribuer, par malveillance, un nom grossier ou injurieux qui passerait inaperçu sauf des locuteurs de la langue utilisée. Faudrait-il obliger le gardien du temple à utiliser systématiquement le traducteur de Google avant d’avaliser un nouveau nom ? Un solution plus sûre et moins contraignante serait d’exiger de donner dans tous les cas, à côté du nom choisi, sa traduction en anglais.

 On n’est pas arrivé à cette solution et pour l’instant le « registrar » se contente de mesurer la longueur des noms et de veiller à ce que la suite des lettres utilisées dans un nom ne coïncide pas avec celle d’un autre nom déjà attribué ! C’est un aveu d’illettrisme absolument navrant ! Et qui peut aboutir à des situations plutôt surprenantes, comme de choisir volontairement une suite de lettres totalement privée de sens. C'est la solution choisie par une obtentrice allemande, Pia Altenhofer, qui crée des noms dépourvus de sens, par exemple ‘Anagorepta’ (Alttenhofer, 2009) (Burnt Toffee X Test Pattern), mais pour lesquels elle n’a pas, pour l’instant, à craindre qu’ils aient été déjà utilisés ou retenus. Car il n’est dit nulle part qu’un nom doit avoir une quelconque signification, alors !

 Ces quatre paragraphes de digression nous ont éloigné du sujet du jour, les noms à vendre. Revenons-y.

 En effet, il est désormais possible de retenir un nom. C’est a priori une offre intéressante : quand on a eu bien du mal à en trouver un qui plait, il serait dommage de se le faire souffler par quelqu’un de plus pressé ! Du moment qu’on a payé, le nom est réservé. John I. Jones, le « registrar », précise les conditions : « Une réservation est valide pour le reste de l'année où le nom est réservé plus 3 années supplémentaires. (La période d'inscription se termine le 30 novembre de chaque année). Par exemple, si une réservation est faite en février 2013, elle est valide jusqu’au 30 novembre 2016. Un nom peut être renouvelé après expiration de la période de réserve avec le renouvellement du paiement des frais. Une réservation peut être renouvelée autant de fois que l'on veut, tant que les frais sont payés pour chaque renouvellement. » Il ajoute que le nom est réservé pour tout semis appartenant à celui qui l’a fait enregistrer, lequel peut aussi « le donner à quelqu'un qui peut l’utiliser de la même façon. »

 Cette possibilité crée un fait nouveau : si l’on peut en effet faire cadeau d’un nom pré-enregistré, on peut aussi le vendre ! Verra-t-on le monde des iris entrer dans une ère du « tout commerce » où certains feront de l’argent en faisant enregistrer une foule de noms et, quand quelqu’un souhaitera donner véritablement l’un de ces noms, en lui revendant le droit de l’utiliser ? Ce n’est pas inimaginable, mais la période relativement courte pendant laquelle la réservation est valable, de même que l’éthique propre aux irisariens, devraient nous préserver de cette dérive mercantile.

 Quoi qu’il en soit, il y a à l’heure actuelle un grave problème avec les noms de variétés, et il faudra bien un jour que l’AIS se décide à mettre de l’ordre en ce domaine.

 Illustrations : 

- Terre de Feu (Cayeux, 1997) 


- Terra del Fuoco (Bianco, 2005) 

- Pink Starlet (Wood, 1993) 

- Starlette Rose (Cayeux, 1996) 

- Anagorepta (Altenhofer, 2009)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et quid du problème des gens qui choisissent des noms avec le mot "flag" dedans ? Ça aussi, c'est interdit. Ceci dit, je ne vois pas de problème avec les noms qui veulent dire la même chose dans un autre langue. . . à partir du moment où cela ne fini pas sur la même page des Checklist de 10 ans.