16.8.13

IDENTITÉS REMARQUABLES

Ce n’est pas la première fois qu’il est question ici des noms donnés aux iris. Il y a quelques semaines est paru une chronique sur les dédicaces, et cinq autres chroniques publiées entre avril 2002 et avril 2011 évoquent ce problème. Cette fois c’est l’évolution des noms attribués qui va être étudiée.

L’attribution de noms aux variétés d’iris est aussi ancienne que l’hybridation elle-même : il fallait bien identifier toutes ces plantes que les pionniers sélectionnaient et mettaient en vente. Ils leur ont tout d’abord donné des noms calqués sur la nomenclature latine, façon Linné, ce qui a donné les ‘Buriensis’ ou ‘Jacquesiana’ dont certains possesseurs existent encore. Mais très vite cette pratique a du être abandonnée car elle créait une confusion fâcheuse avec les espèces nouvelles que les explorateurs rapportaient des quatre coins du monde. Il a fallu inventer quelque chose d’autre.

Les obtenteurs de la fin du XIXeme siècle on donc donné des noms de fantaisie, courts, en général, parce que la simplicité est naturelle quand on a l’embarras du choix. C’est ainsi qu’on trouve – toujours – ‘Edina’ (Lemon, 1840) ou ‘Perfection’ (Barr, 1880). Très vite est apparue l’idée de la dédicace, destinée à honorer une personne éminente ou, plus simplement, aimée de l’obtenteur. ‘Madame Chéreau’ (Lemon, 1844) est une des premières d’un genre qui sera rapidement en usage partout dans le monde. ‘Madame Louesse’ (Verdier, 1860) est un autre exemple. L’Anglais Foster a été un grand utilisateur de ce genre de nom. On lui doit ‘Mrs. George Darwin’ (1898), ‘Lady Foster’ (1909), ‘Mrs. Alan Gray’ (1909), ‘Miss Wilmott’ (1910)… et plusieurs autres. Cette pratique n’a jamais cessé et si aujourd’hui on a abandonné les formes solennelles, on continue abondamment de dédicacer.

Peu à peu les noms vont perdre leur simplicité d’origine. C’est la conséquence normale de la multiplication des nouvelles variétés. En 1904 on a ‘Oriflamme’ (Vilmorin), en 1905 apparaît ‘Nuée d’Orage’ (Verdier), en 1912 c‘est ‘Demi-Deuil’ (Denis), mais il s’agit d’une pratique qui restera longtemps exceptionnelle car encore au milieu des années 1920 la plupart des noms ne comportent encore qu’un seul mot, si l’on fait abstraction des inénarrables ‘Souvenir de Madame Gaudicheau’ (Millet, 1914) et ‘Souvenir de Laetitia Michaud’ (Millet, 1923). Ce n’est qu’à partir des années 1950 que la pratique des noms composés de deux mots se développe. Il y en a de plus en plus, mais c’est encore suffisant car la langue anglaise, dans laquelle la plupart des noms sont exprimés, réussit à dire beaucoup de choses avec seulement deux mots, ce que permet plus malaisément le français qui a besoin de prépositions. A partir de 1957 les noms de deux mots deviennent majoritaires.

Les noms de trois mots ne font leur apparition qu’au début des années 1970. L’un des premiers grands iris dans ce cas est ‘Words of Love’ (Williamson, 1971). Cette configuration reste cependant exceptionnelle : on n’en trouve qu’un ou deux exemplaires par an. Et la situation n’évolue guère au cours des années 1970 et 1980 où le nom le plus long semble être celui de ‘Schortman’s Garnet Ruffles’ (Schortman, 1981). ‘Honky Tonk Blues’ (Schreiner, 1988) fait encore figure d’exception ! Il est vrai que la combinaison de deux mots offre d’innombrables possibilités, même si on commence à rencontrer dans les Check-Lists des noms en russe, en allemand et en italien. La première année où les noms de trois mots commencent à compter est 1989. leur nombre va croissant mais ne prend pas véritablement d’extension jusqu’au début du XXIeme siècle. 2004 est une année où se montre avec évidence la mondialisation des iris. Ainsi on trouve dans les R & I des noms de trois mots en anglais (ou américain) comme l’étrange ‘Finnigan’s Finagling Factor’ (Stetson, 2004) ; en français : ‘Toile de Jouy’ (Cayeux, 2004); en allemand : ‘Bernhard und Günter’ (Landgraf, 2004) ; en ukrainien : ‘Bal Rozluchenykh Sardats’ (Khorosh, 2004); et même en espagnol : ‘Espontaneo yo Tambien’ (Murati 2004).

Les noms de quatre mots, nouvellement autorisés, apparaissent en 2003, chez Richard Cayeux : ‘Château d’Auvers sur Oise’ ; ils vont vite se multiplier et on en compte déjà sept au moins en 2006 : ‘Among Deep Purple Shades’ (Loktev, 2006), ‘Come Go with Me’ (Lauer, 2006)… Peu à peu ils s’installent et on arrive à constituer de vrai petites phrases comme ‘While Guitar Gently Weeps’ (Loktev, 2009). Les plus ardents utilisateurs de ces formules sont, curieusement, les Américains eux-même (‘Little Bit of Heaven’, Sutton C., 2006), alors que leur langue est déjà très expressive avec seulement deux mots.

L’allongement des noms est certainement inévitable. Cependant la combinaison de deux mots a encore de beaux jours devant elle. A mes yeux elle reste la façon la plus sobre de donner à un iris une identité remarquable.

Illustrations :

· ‘Perfection’

· ‘Finnigan’s Finagling Factor’

· ‘Bal Rozluchenykh Sardats’

· ‘While Guitar Gently Weeps’

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