31.12.13

UN NOM COÛTE QUE COÛTE

De nombreux hybrideurs disent qu’ils ont bien des difficultés quand il s’agit de trouver un nom pour une nouvelle variété. J’ai lu dans un article publié sur le site « PlantXing », de Benita Green Lee, que Thomas Johnson, le réputé co-propriétaire de Mid-America Garden à Salem dans l’Oregon dit à ce sujet : « Je me sens très stressé. Je n’aime pas choisir les noms d’iris. » Lawrence Ransom, en France, m’a tenu un jour à peu près le même langage.

Chacun, évidemment, choisit les noms qu’il donne en fonction de sa sensibilité personnelle. Cela fait qu’on rencontre des noms d’allure sérieuse, qui se contentent d’évoquer une ou des caractéristiques de la plante baptisée : ‘Fire on Ice’ (Weiler, 1990) illustre bien cette démarche, avec sa couleur blanc chaud et ses barbes rouges. Dans le même ordre d’idée ‘Bleu de Gien’ (J. Cayeux, 1978) se rapporte uniquement à la couleur de la fleur. Des obtenteurs choisissent des noms lyriques, lourds d’allusions poétiques : ‘Caresse d’un Soir’ (Capelle 2010) fait partie de cette catégorie, alors que ‘Chou Bleu’ (Cayeux R., 2004) serait à mon avis à ranger dans la catégorie opposée. Les hybrideurs américains sont champions pour donner des noms humoristiques, pas toujours de très bon goût, à leurs variétés. Il y a en ce registre des exemples gratinés comme ‘No Bikini Atoll’ (Ernst, 1996) ou les noms attribués par les Kasperek comme ‘Peekaboo Zebu’ (Kasperek, 2005). A côté de noms d’une grande banalité on trouve des noms profondément originaux, qui se réfèrent à tous les domaines de la connaissance. La musique, la littérature, le cinéma, la religion, les sentiments, la vie familiale, tous y passe. ‘Obi-Wan Kenobi’ (Mahan, 2003) fait référence à la science-fiction tandis que ‘Carry Me Home,’ phrase extraite d’un psaume, reflètent les convictions chrétiennes de Bob van Liere, son obtenteur. Chacun a son opinion sur ce que le nom doit apporter à la plante. Benita Green Lee explique que « (…) pour certains il faut que le nom reflète l’essence même de l’iris », non seulement quant à son apparence mais aussi, parfois, quant aux circonstances de son apparition ou aux mésaventures qui ont marqué son existence. ‘Calamité’ (Anfosso P., 1982) fait allusion à une inondation catastrophique survenue dans la pépinière d’iris en Provence à laquelle la variété a miraculeusement survécu. Pour la plupart, il faut que le nom sonne bien à l’oreille ou qu’il soit particulièrement évocateur, car personne ne perd de vue qu’il doit être, aussi, attrayant pour le client. Benita Lee ajoute que, « Qu’ils vendent du rouge à lèvre ou de la peinture les marchands savent bien que le nom d’un produit peut avoir un effet d’appel dans le subconscient des clients, et les producteurs d’iris le savent aussi, » et ils mettent en œuvre ces principes. Eugène Verdier, dès 1905, avait retenu cette leçon et son ‘Nuée d’Orage’ vise à la fois les couleurs de la fleur et le pouvoir évocateur du nom.

Le casse-tête s’accroît quand l‘obtenteur s’aperçoit que le nom qu’il a eu tant de mal à choisir a déjà été pris ou retenu par un de ses confrères ! Dans l’article cité plus haut, Benita Green Lee cite la mésaventure survenue à Jack Durrance à propos d’un de ses plus jolis iris, un mauve pâle à barbes mandarine. Durrance voulait appeler cet iris ‘Deep Throat’, mais ce nom était déjà attribué. Il s’est rabattu, par jeu, sur le nom de ‘Linda Lovelace’, qui était celui de la vedette du film porno « Deep Throat ». Mais pour enregistrer l’iris comme ‘Linda Lovelace,’ il aurait du obtenir l’autorisation écrite de la star du porno et proposer ce nom à l’AIS. En fin de compte il a décidé de choisir quelque chose qui soit à la fois amusant et beaucoup moins sulfureux. Il appela l’iris ‘I Love Lace’ (1985).

Autant que la personnalité de l’iris, le nom que son obtenteur lui donne est révélateur de sa propre personnalité, mais le jeu devient de plus en plus difficile car il y a aujourd’hui environ 70.000 variétés enregistrées et près de 1.100 nouveaux noms s’ajoutent chaque année à ce nombre. A ce rythme trouver un nom adéquat va vite devenir une opération des plus compliquées.

Illustrations : 

· ‘Fire on Ice’ 


· ‘Caresse d’un Soir’ 


· ‘Calamité’ 


· ‘Nuée d’Orage’

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Nous avons plus de chance en Français, moins de noms sont pris, mais comme dans notre langue l'article est souvent indispensable et qu'il est interdit par les règles de l'AIS, tout se complique!
Loïc