31.1.14

PIÈGE D’IDENTITÉ

Les discussions qui interviennent sur le forum de la SFIB m’interpellent régulièrement. Un sujet récurrent est celui de l’identification de fleurs qui ont perdu leur nom. Beaucoup de gens publient des photos et demandent si quelqu’un peut identifier l’iris présenté. Indépendamment du fait que la photo est quelquefois de qualité médiocre, se posent plusieurs questions :
- quel est l’intérêt d’une telle identification ?
- quel peut être le degré de fiabilité de l’opération ?
- quel risque prend-on en proposant une identité ?
- doit-on encourager ce genre de recherche ?
Essayons de répondre à ces interrogations.

Ce qui pousse les possesseurs d’une variété sans identité connue à essayer de découvrir, ou retrouver, cette identité, c’est le plus souvent le désir de reconstituer quelque-chose qui a été endommagé. Un parent, un ami, un voisin nous a donné un morceau de rhizome mais il ne sait pas ou a négligé de conserver le nom de la variété ; dans le jardin d’une grand’mère ou d’une autre personne, généralement décédée, nous avons admiré un iris et nous voudrions l’inclure dans une collection, mais c’est délicat de le faire si le nom est perdu ; au cours de manipulations (transplantation, déménagement) ou d’accident de jardinage, une identité a disparu… Ce sont des motivations extrêmement louables et sympathiques, et il est vrai que c’est rageant de devoir remplacer un nom par un point d’interrogation. Vouloir combler la lacune présente donc un intérêt indéniable.

 Mais, en admettant que quelqu’un propose un nom, quel peut être le degré de fiabilité de cette proposition ? Pour ma part je pense qu’elle est très faible et que la seule certitude que l’on puisse avoir c’est que la fleur présentée ne s’appelle pas comme ceci ou comme cela car elle ne se présente pas comme celle dont on veut lui donner le nom. Sur le forum « Irises Cubit », qu’elle anime, Denise Stewart, obtentrice et juge américaine, a publié une chronique édifiante sur ce sujet. Elle évoque les divers obstacles qui se dressent devant celui qui veut procéder à l’identification. Elle en voit un premier dans la qualité même des photos présentées qui varie en fonction des appareils de prise de vue, des conditions de réalisation des photos (ensoleillement, heure de prise de vue), des manipulations effectuées par le photographe et de la fidélité de l’écran des ordinateurs. Elle parle d’un test qu’elle a fait effectuer à des juges patentés de l’AIS avec 5 photos d’iris roses pour lesquelles elle a proposé une liste de 12 noms possibles. Il n’y a jamais eu plus d’une ou deux réponses correctes ! Elle ajoute les conditions de culture de l’iris photographié (sol, climat, engrais ou pesticides). Elle conclut donc que toute identité supposée est trop aléatoire pour être prise pour argent comptant. Je corrige cependant en disant que certaines variétés, particulièrement caractéristiques par la couleur ou la forme de leurs fleurs peuvent être identifiée de façon certaine : il n’y a pas trop de risque à confondre, par exemple, « Thornbird » avec qui que ce soit d’autre, mais les cas de ce genre sont peu nombreux.

Si l’on en croit cette spécialiste, il y a donc un risque certain d’erreur qui peut avoir des conséquences d’une gravité que Denise Stewart qualifie de majeure. En particulier si, après une pseudo-identification, la variété est mise en vente ou même distribuée par échange. Dans ce cas, la variété dont l’identité est erronée risque de se substituer à la véritable variété portant le nom, et de semer le doute chez les différents possesseurs. Elle y ajoute un risque que je trouve encore plus grave, c’est celui de l’utilisation en hybridation d’une variété sous un nom erroné. Dans un tel cas, la fiabilité du pedigree se trouve sujette à caution ; Dee Stewart insiste pour que, dans un tel cas, la description des origines précise bien que le parent dont l’identification n’est pas certaine soit qualifié de « parent inconnu ». C’est une attitude que j’ai déjà évoquée dans ces colonnes, qui n’a rien de regrettable et qui est pratiquée par les plus grands hybrideurs lorsqu’ils ont un doute. Denise Stewart fait ainsi remarquer que c’est celle qui a été adoptée par Barry Blyth pour son
« Who’s Your Daddy ».

Elle se montre donc très restrictive. Elle dit : « If you like the flower blooming in your garden keep it and enjoy it. – Si vous aimez la fleur qui pousse dans votre jardin gardez-là et profitez-en. » Mais ne la vendez ou ne la distribuez pas autrement qu’en précisant que sa véritable identité n’est pas avérée. A ce stade de son exposé, elle déplore le peu de fiabilité des noms des plantes vendues en grandes surfaces et elle donne ce conseil de bon sens : « Si vous ne vous souciez pas du nom de ce que vous achetez, cela n’a pas d’importance, mais si le nom vous intéresse, achetez plutôt vos iris chez les spécialistes. »

En résumé, doit-on chercher coûte que coûte à identifier un iris qui a perdu son nom ? A mon avis, non, même si ce petit jeu peut être amusant. Se contenter de l’incertitude sera la preuve d’une prudence scrupuleuse.

 Illustrations : 


 ‘Thornbird’(Byers,1989) 


‘Who’s Your Daddy’(Blyth B. 2000) 


‘Rembrandt Magic’ (Blyth B., 1992) (deux photos radicalement différentes : laquelle est la bonne ?)

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Densie Stewart n'a pas écrit l'article dans l'esprit de ce qui est écrit ici.
Les discussions sur le forum de la SFIB montrent effectivement que beaucoup de gens ne savent pas ce qu'ils cultivent et ne savent pas faire des identifications.
MB

Anonyme a dit…

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre analyse sur la recherche de l'identification des iris.Si dèl'enregistrement toutes les informations étaient bien précisées et exigées correctement,il s'avèrerait plus judicieux aujourd'hui de parvenir à une plus rapide identification. Il y a trop de laxisme,de part certains obtenteurs, qui est favorisé par la simplicitédes détails de description de la fleur.Or, il n'ya pas que le jugement de la fleur,pour parvenir à une identification,le volume du rizhome,la base du feuillage, sa structure, sa couleur ,l'élaboration de la tige florale,la vigueur et sa floribondité , sont déjà beaucoup d'indications qui contribuent à aider pour une réelle identification.En quarante année de collection de plus de six milles variétés ,je n'ai,à jamais ce jour ,jamais remarqué deux variétés pouvant avoir la meme description.Il faut dire et surtout apprendre aux passionnés qu'il faut toujours savoir consacré le temps nécessaire à observer consciencieusement pour parvenirà une identification.Pour ce qui vendent des variétés mal ou faussement identifiées ,il faut les dénoncés publiquement,on n'a pas besoin de ces polueurs que l'on voit émerger de toute part.Par contre cela me parait plutot prometteur qu' un collectionneur cherche à savoir ce qu'il possède,surtout pour ceux qui achétent à ces jardineries discount qui portent un grand préjudice à nos véritables professionnels.On va vers un monde de plus en plus laxiste ,alors que les gens n'ont jamais eu autant de temps libre,c'est plutot incroyable!!!!

gerard a dit…

Il y a beaucoup de bon sens dans les propos de Denise Stewart.
Il est vrai par ailleurs que les photos pr^tent parfois à confusion, non seulement parce qu'elles ont été prises dans les conditions décrites, mais aussi parce qu'il leur arrive d'être fausses (même sur Twiki !).
Bien sûr, un iris reçu de quelqu'un qui ignore d'où il le tient sera quasiment impossible à identifier avec certitude sauf s'il s'agit de variétés au coloris "unique" comme 'Color Carnival', 'Carnaby' ou un certain nombre d'autres. Un iris acheté sur e-bay ou dans des jardineries a peu de chance également d'être correctement identifié.
Faut il renoncer pour autant à tenter de mettre un nom sur des iris que l'on a mélangés lors d'un déménagement ou que l'on a obtenu de quelqu'un qui sait à qui et quand il les a achetés ?
C'est néanmoins un travail difficile et je dois dire que je n'y suis pas toujours parvenu, surtout quand il s'agissait de plicatas violets entre lesquels les différences sont parfois infimes.
C'est pourquoi le projet que porte la SFIB de constituer une photothèque d'identification avec classement par période et par couleur (peut-être même par origine, mais ce critère me semble peu pertinent) peut aider les amateurs à retrouver leurs petits.
Ce sera utile aussi pour mettre en garde contre ces marchands qui vendent n'importe quoi (quand on vous vend un rhizome avec une base des feuilles pourpre, il est facile, avant même la floraison de se rendre compte que ce n'est pas le bon, si l'iris prétendu tel n'a pas la base du feuillage pourpre

Anonyme a dit…

To Whom It May Concern:

My name is Denise Stewart of Snowpeak Iris and I noticed you have put my name and used parts of the text from an article of mine on your blog without asking my permission.

I do not know how many of you speak English and French but for those of us who do not and rely on others or translator books, I find this very disagreeable.

Part of what you have said does not come across the way I meant it.

gerard a dit…

Lisez-vous le français Denise ?
Je ne vois pas ce qui, dans l'article de Sylvain, avec lequel vous avez le droit de ne pas être d'accord, peut vous choquer.
Nous poursuivons ici une discussion sur la possibilité d'identification. Il est persuadé que c'est quasiment impossible, moi non. Il a pensé trouver dans votre article une argumentation intéressante et a voulu la faire partager. Où est le mal ?
S'il a mal interprété votre propos, soyez assez aimable pour nous l'expliquer. Cela fera avancer la réflexion.

Do you read French Denise?
I do not see that in the article by Sylvain, with which you have the right not to agree, may shock you.
We continue by discussing the possibility of identification. He is convinced that it is almost impossible, I do not. He expected to find in your article an interesting argument and wanted to share it. Where's the harm?
If misinterpreted about you, be kind enough to explain it to us. This will advancing thinking.