17.2.14

LA BONNE METHODE

Une personne de ma connaissance, qui juge toujours mes chroniques avec un œil rigoureux, m’a fait observer récemment que je lui semblais avoir une préférence pour les compétitions où interviennent des juges « professionnels » (à la manière du jury de Florence) plutôt que pour celles où ce sont des personnes qualifiées mais non certifiées qui interviennent (comme à Munich). Je l’ai assurée de ma neutralité sur ce sujet, mais sa remarque m’a fait réfléchir aux avantages et aux inconvénients des deux méthodes. Pour bien comprendre l’enjeu il faut commencer par exposer quelles sont les règles appliquées dans les deux cas.

 La méthode florentine. 

La première chose à faire est de déterminer la semaine au cours de laquelle la compétition se déroulera. Car elle dure une semaine, du lundi au samedi. Une fois cette période choisie il n’est plus possible de modifier les dates : il faut du temps pour sélectionner les juges, et une fois qu’ils sont en route, il n’est plus possible de leur dire de changer leur billet d’avion !

 Le jury est composé de cinq juges : trois juges étrangers et deux juges autochtones. Par tradition il y a au moins un juge américain ; la ou les autres places sont dévolues à des juges européens (ou de l’hémisphère sud). Il se réunit une première fois le lundi matin et élit son président. Puis il se déplace vers le jardin où les iris ont été plantés il y a trois ans. Chaque plante n’y est identifiée que sous un numéro. Il s’arrête devant chaque touffe et décide si, compte tenu de son état de santé et de l’existence ou non de fleurs, elle sera prise en compte pour le jugement. Une fois les iris malingres ou privés de fleurs éliminés, il ne reste en compétition que les plantes les plus belles.

Une première séance d’appréciation se déroule dans l’après-midi du lundi : chaque juge passe et repasse devant les iris et note ses premières observations. La même chose se reproduit le mardi matin, puis encore le mardi tantôt et recommence le jeudi. Ainsi les iris peuvent-ils être jugés jusqu’à cinq fois. A chaque fois une note est mise pour chacun des critères de jugement figurant sur la fiche établie au nom de chaque variété.

Le mercredi, c’est la journée de détente : les juges sont conviés à une tournée touristique dans la région. Le vendredi est consacré à un dernier coup d’œil aux compétiteurs puis le jury se réunit pour établir le classement final. La moyenne des notes attribuées est multipliée par le coefficient attribué à chaque critère en fonction de son importance. La note finale de chaque variété ainsi obtenue est comptabilisée et le classement dressé. Il y a nécessairement des discussions et des ajustements de dernière heure. Le palmarès est enfin établi et proclamé. Viennent enfin les cérémonies officielles de remise des récompenses, le samedi matin, puis le jury peut se dissoudre…

 Comme on peut voir, il s’agit d’un jugement très consciencieux, qui n’est pas le fait d’un simple coup d’œil superficiel. Et pendant toute une semaine, en général au top de la saison de floraison, la situation de chaque plante peut évoluer et entraîner des rectifications du jugement initial. De sorte que le palmarès final peut être considéré comme équitable.

 La méthode bavaroise. 

A vrai dire je n’avais pas une parfaite connaissance du fonctionnement du concours de Munich. J’ai donc interrogé Gisela Dathe qui est l’actuelle organisatrice de ce concours. Voici ce qu’elle m’a répondu :
« 8 à 10 membres qualifiés de notre société jugent à Munich au moment de la floraison. Il n’y a pas de jury à proprement parler. Chaque juge fait ce qu’il a à faire en fonction de ses disponibilités sous la responsabilité d’un chef des juges. Les règles appliquées sont celles du « Manuel pour les juges » de l’AIS. Il y a un premier jugement au bout de deux ans de plantation qui ne concerne que la croissance de la plante. Le jugement final intervient après trois ans de plantation. Il n’y a pas de juges invités. »

 Les iris sont en culture au jardin botanique du Nymphenburg, au nord de la ville. Les personnes qui se sont portées volontaires pour juger et qui ont été agréées par les organisateurs se présentent au jardin pendant la période de floraison – à leur guise – et, suivant les recommandations du manuel, notent les variétés en lice. Leurs rapports, remis aux organisateurs, sont compilés et additionnés. En foi de quoi le classement est établi.

Avantages et inconvénients.

La méthode florentine allie le sérieux d’un véritable jury et la solennité d’une cérémonie officielle de remise des prix. Les juges sont traités avec faste, ce qui contribue à la réputation de la semaine florentine et à la renommée du concours. Mais tout cela à un prix ! Recevoir généreusement cinq juges pendant une semaine nécessite des moyens financiers non négligeables, et l’organisation, en général, mobilise un grand nombre de bénévoles qu’il n’est possible de réunir qu’à la condition de disposer sur place de tout le monde nécessaire. Heureusement, l’ancienneté du concours et sa réputation internationale bien assise facilitent l’obtention d’aides et de subventions. Ces conditions ne peuvent pas être réunies partout.

A Munich les choses sont plus simples, uniquement tournées vers les plantes. Il n’y a aucun cérémonial, mais aussi aucun frais. Organiser une compétition selon ce modèle est à la portée de n’importe quelle association iridophile. L’inconvénient vient du panel des appréciateurs et de la pertinence des notes attribuées. Mais si l’on admet qu’avec un nombre assez important d’appréciateurs sélectionnés, et des visites du jardin espacées dans le temps, donc permettant de voir les variétés à tous les stades de leur floraison, on peut dire que le classement est fiable.

Il est vraisemblable qu’à Florence les qualités horticoles des variétés en concours sont davantage mises en valeur qu’à Munich, où les notateurs devraient être plus sensibles aux caractéristiques de la fleur.

Il me semble néanmoins que la balance des avantages et des inconvénients penche plutôt en faveur de la méthode munichoise. Celle-ci est, de plus, bien adaptée à la structure très hétérogène des associations iridophiles européennes, à la modicité de leurs ressources et à la dispersion des irisariens sur un vaste territoire. Elle pourrait avantageusement être adoptée pour FRANCIRIS®.

 Illustrations : Quatre lauréats de grande valeur :

 ‘Ciel et Mer’ (Richard Cayeux, 2007) – IB 2010 


‘Ikar’ (Adolf Volfovitch-Moler, 1992) – FO 1995 


‘Morning Sunrise ’ (Tom Johnson, 2005) – FO 2008 


‘Titvan’ (Anton Mego, 2000) – IB 2000

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