2.5.14

MARQUE DÉPOSÉE

Jim Morris, le Président actuel de l'AIS, évoque dans l'éditorial du dernier bulletin de sa société (janvier 2014) l'anecdote concernant la variété 'Juan Valdez' (Maryott, 1989). C'est une histoire à la fois amusante et instructive.

'Juan Valdez' est un iris brun doré. Quand il s'est agi de lui trouver un nom, Bill Maryott s'est souvenu d'une publicité pour le café de Colombie parue en 1958, où il était question d'un producteur colombien de café – purement fictif - dénommé Juan Valdez. Il a pensé que ce nom serait en adéquation avec la couleur de son iris. Mais comment utiliser ce nom sans mettre en mouvement une délicate recherche sur la propriété de celui donné dans la pub ? Bill Maryott aurait eu l'idée de rechercher dans l'annuaire du téléphone si par hasard une personne portant le nom de Juan Valdez n'était pas prête à accepter par écrit que son nom soit donné à un iris. Et il a trouvé cette personne !

Jim Morris a utilisé cet exemple pour illustrer son propos relatif aux risques que l'on prend quand on donne un nom, de voir quelqu'un, propriétaire de ce nom par le biais d'une « marque déposée », exiger soit une indemnisation, soit le retrait pur et simple du commerce de la variété portant le nom litigieux. Il semble en effet que le risque soit devenu réel. Jim Morris cite deux cas où il s'est avéré : d'abord pour la maison Cooley, qui a du retirer de son catalogue la variété 'Cabbage Patch Kid' (Gaulter 1984) à la suite des menaces de procès reçues à ce sujet (Cabbage Patch Kids est une ligne de poupées bien connue aux USA) (1) ; ensuite pour les Schreiner qui ont fait de même après les froncements de sourcils de la firme Disney (Morris ne précise pas quelle est la variété retirée) ; enfin, plus récemment pour Terry Aitken, qui a eu des ennuis concernant son iris 'Got Milk' (2002), dont le nom est aussi celui d'un produit laitier d'une marque californienne. Dans un pays aussi procédurier que les États-Unis, il ne faut pas s'étonner de rencontrer ce genre d'incident. C'est la raison pour laquelle, désormais, les obtenteurs faisant enregistrer une variété nouvelle devront déclarer si ce nouveau nom sera protégé par une « marque déposée ».

Je ne sais pas si, en France, on en est arrivé à devoir prendre les mêmes précautions, ni si l'obligation de déclarer la « marque déposée » va s'appliquer aux futurs enregistrements de variétés françaises, mais on peut s'attendre à ce que cela se produise. Dès lors que des intérêts commerciaux, réels ou supposés, sont en jeu, les protagonistes deviennent féroces.

Cela va encore compliquer l'attribution d'un nom. Prenons un exemple bien de chez nous : Alain Chapelle a baptisé une de ses dernières obtentions 'Caresse d'un Soir' ; j'ai trouvé sur le Net qu'une artiste avait créé un tableau de ce même nom ; il est possible d'imaginer que cette artiste, pour telle ou telle raison, considère que la confusion créée par l'iris de notre ami breton lui cause un préjudice, et lui cherche des poux dans la tête. Tout est possible dans ce genre d'aberration ! Il doit être possible de trouver plein d'occasions de chicanes du même genre dans la liste des noms d'iris.

 Beaucoup d'obtenteurs font état des affres qu'ils traversent quand ils se préparent à baptiser un nouveau cultivar : il faut non seulement que le nom choisi « colle » à la fleur qu'il désigne, mais encore qu'il soit toujours disponible, et qu'il réponde aux nombreux critères édictés (il en a déjà été question ici plusieurs fois). L'utilisation plus ou moins directe d'un nom de produit va s'ajouter aux précédents critères... Le monde des fleurs est une nouvelle fois pollué par celui du commerce.

 Illustrations :




 'Juan Valdez'


 'Cabbage Patch Kid'


 'Got Milk'


 'Caresses d'un Soir'

 (1) à noter que cette variété est toujours en vente au catalogue de BHI Garden, en Californie.

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