25.7.14

LA PLANTE ET LA FLEUR

Cela m'a valu pas mal d'ennuis. Un jour, j'ai voulu faire mon pédant et j'ai fait remarquer à une personne qui s’extasiait à propos d'un iris que la variété en question présentait quelques défauts. Mes observations ont du être maladroitement exprimées. Quoi qu'il en soit, la personne en question a très mal pris ce que je lui disais et elle m'en a voulu profondément. Je regrette évidemment de l'avoir vexée, mais je ne retire rien de ce que j'ai dit.

Le guide que l'on remet aux juges dans les compétitions internationales du genre de celle de Florence est plutôt surprenant pour une personne peu au fait de ces événements. Il énumère les différents points de caractères qu'il faut apprécier et attribue à chacun un coefficient proportionnel à l'importance qui lui est accordée. On s'aperçoit que ce que l'on considère en général comme le point principal, la fleur, n'est qu'un élément parmi les autres et que le coefficient qui lui est conféré est loin d'être le plus important. C'est une chose que mon mentor dans le jugement des iris, le professeur Gambassini, avait fait remarquer à ses élèves lors de la séance de formation. Il avait fortement insisté sur la nécessité de ne point se focaliser sur le fleur (forme, couleur), mais de veiller à l'excellence de tous les autres points de la liste.

Cela nous rappelle qu'un iris est, avant tout, une plante, et que c'est cette plante qu'il faut apprécier, dans sa globalité. Nous regarderons donc, pour commencer, l'aspect général de la plante. A-t-elle une végétation forte et saine ? Ses pousses sont-elles nombreuses et bien étalées de part et d'autre du rhizome initial ? Quelle satisfaction, en effet, retirerait-on d'une touffe malingre, au feuillage rare et terne, avec peu, ou presque pas, de nouvelles pousses, ce qui présagerait à coup sûr une floraison pauvre ou inexistante l'année suivante ? Les hampes florales sont-elles nombreuses, vigoureuses, suffisamment robustes pour porter sans défaillir les fleurs qui vont apparaître ? Les racines sont-elles assez solides pour maintenir à la verticale chaque hampe chargée de fleurs, puis, plus tard, des capsules lourdes de graines ? Imaginons que tout cela soit défaillant : dès le début de sa floraison la variété en question va voir ses tiges ployer ou verser, se traînant pitoyablement sur le sol. Les plus jolies fleurs du monde n'auraient aucun attrait dans cette situation. Dès les premières gouttes de pluie, dès le premier souffle de vent, l'iris va-t-il s'effondrer ou, au contraire, résister courageusement ? L'excitation qui s'empare du collectionneur, ou du simple amateur, d'ailleurs, à l'approche de l'éclosion des premières fleurs ferait vite place à une piteuse déception à la vue d'une plante incapable de se tenir majestueusement, et regretter l'investissement, parfois non négligeable, que constitue l’achat d'une nouveauté. Quand une plante aura triomphé de ces défis, elle pourra être appréciée pour ses qualités purement floristiques.

 Ce sera la seconde partie de l'épreuve. Elle débutera par un examen de la tige, non pas au point de vue de sa solidité mais à celui de la forme qu'elle prend. J'ai constaté que de nombreux débutants en matière d'iris s'inquiètent devant une tige qui s'incline de droite puis de gauche au lieu de se dresser, toute droite, vers le ciel. Qu'ils se rassurent, ou plutôt qu'ils considèrent que cette forme en col de cygne est celle qui permet aux fleurs latérales de prendre leurs aises en s'ouvrant, sans se trouver gênées dans leur développement. Si la tige ne s'écarte pas un peu pour leur faire de la place, soit elles vont restées coincées contre la hampe, soit elles vont prendre un air penché, ce qui est bien moins esthétique que des fleurs restant rigoureusement verticales. La présence, le long de la tige de plusieurs branches latérales est aussi à prendre en compte. En effet c'est le gage d'un nombre important de boutons et, par conséquent d'une floraison prolongée. Une tige toute seule, avec toutes les fleurs groupées à son sommet est un défaut considérable car il implique que ces fleurs vont éclore à peu près en même temps et se gêner les unes les autres, les premières fanées s'écroulant sur les suivantes et celles-ci ne trouvant pas l'espace pour s'épanouir correctement. Sans compter que tout le poids ainsi haut perché fait craindre que la hampe surchargée ne se couche en entraînant la fin prématurée de la floraison. Celle-ci sera d'une durée d'autant plus longue que chaque fleur aura attendu que celle qui la précède soit passée pour prendre la place, et que le nombre de boutons qui vont s'ouvrir sera important. Plusieurs fleurs ouvertes côte à côte et simultanément signifient qu'elles ne se laisseront pas longtemps admirer ! Enfin pour que ces fleurs se tiennent bien et aient une longue durée de vie, il faut qu'elles aient un consistance épaisse et résistante. Tous ces points sont, comme cela semble évident, d'une importance majeure dans l'appréciation qui est faite.

Jusqu'à présent la forme, la taille, la couleur de la fleur n'ont pas été examinées. C'est le moment d'y regarder de près. La forme ? Les goûts de l'examinateur ont à ce niveau une importance certaine. Telle personne préférera les formes ondulées, voire frisées ou, même, crêpées comme on en fait de nos jours. Telle autre appréciera davantage les fleurs nettes et lisses, typiques de l'iris traditionnel. Il n'existe pas en ce domaine de règle rigoureuse, si ce n'est qu'il n'y pas de place aujourd'hui pour des fleurs molles et tombantes fragiles et tristes. La taille ? Elle doit rester en harmonie avec l'ensemble de la plante : pas de haute plante avec des fleurs de petites dimensions, pas non plus de plante plutôt basse avec des grosses fleurs... La couleur enfin ? En dehors des phénomènes de mode, il n'y a pas de couleur à rejeter. Même si les couleurs ternes, bourbeuses, imprécises n'ont guère de chance d'attirer l’œil de l'observateur. Mais, bien entendu un coloris frais et agréable, une association de couleur, un modèle original seront immanquablement appréciés et mieux notés que la nième version d'un modèle éculé ou d'un coloris mille fois vu.

Dans chaque variété il y a un peu de tout cela. Chez certaines les bons points sont plus nombreux que les points négatifs et c'est ce qui fera leur succès. Car même s'ils ne jugent pas aussi méticuleusement que les membres d'un jury, les amateurs d'iris choisiront plus ou moins consciemment les variétés les plus belles à tous points de vue. C'est pourquoi, pour se faire une idée complète des iris que l'on veut se procurer, rien ne vaut une visite dans une pépinière spécialisée, même si les producteurs mettent en général à leurs catalogues des plantes bien sous tous rapports. Encore que, ces dernières années, la multiplications des variétés nouvelles mises sur le marché laisse à craindre que des plantes de moindre qualité horticole ne se glissent dans le paquet !

 Illustrations : 
(pour ne choquer la susceptibilité de personne, et par respect pour le travail de tous les hybrideurs, les photos du jour ne comportent pas d'identification nominative). 


Photo 1 = variété récente, coloris intéressant, mais fleur « dans le style ancien », non enregistrée. 


Photo 2 = variété classique, hâtive, mais fleurs s'ouvrant en très peu de temps ; trop courte durée de floraison ; 


Photo 3 = variété récente, dans la compétition où elle a concouru elle a été jugée d'un coloris bourbeux et d'une forme médiocre ; 


Photo 4 = variété assez récente ; coloris original, mais fleurs trop tassées le long de la tige ; pas enregistrée pour cette raison.

2 commentaires:

gerard a dit…

On peut rappeler qu'il est urgent d'attendre avant de juger un semis. Souvent, c'est seulement la deuxième année que l'on peut évaluer les réelles qualités d'un iris.
Par ailleurs, certaines surprises ne sont pas à exclure, même pour des variétés reconnues et primées. Un exemple : Queen's Circle, médaille de Dykes. La plante est vigoureuse, se multiplie bien et est très florifère. La première année de sa floraison dans mon jardin, à la première pluie, les sépales se sont avachis. On aurait dit un "flatty". La deuxième année, rien de tel. Il est vrai qu'il a moins plu…

iris du Grand-Murier a dit…

La question du jugement d'un iris est perpétuelle. Chacun a son avis sur la question mais il est vrai que comme tout concours qui se respecte, le livre de bord des juges fait foi. Mais ce recueil est-il mis à jour régulièrement ou date-t-il d'années révolues ?

Sébastien