30.1.15

LE PARFUM (version 2015)

Par deux fois en quinze ans de blog j'ai abordé la question du parfum des iris. Le sujet m'a été remis en mémoire à la lecture du blog de Jérôme Patard – Le Jardin du Vieux Cerisier – jeune passionné d'iris dont la persévérance et le bon goût doivent être salués, alors qu'on constate souvent que les blogs des iridophiles ne durent que le temps d'un engouement passager. Dans une récente livraison la question du parfum des iris est de nouveau mise en avant. Un des lecteurs du blog a fait remarquer que le parfum d'un iris était important, à son avis, et qu'il mériterait d'être pris en compte lorsqu'on émet un jugement sur une fleur. Mais un autre lecteur s'est montré d'un avis différent :  « (…) le parfum est secondaire, même s'il apporte un petit plus. Dans un jardin la première chose que l'on voit, c'est la fleur ou les fleurs (...) ». Ce à quoi Jérôme a répondu : « (…) le parfum est très instable, selon les moments, et j'ai bien du mal à le décrire (...) ». Voilà donc en quelques mots trois thèmes de réflexion :

Le parfum est important  ;
Ce qui compte avant tout c'est la fleur ;
Le parfum est difficile à décrire.

L'importance du parfum n'a pas été décelée très tôt dans l'histoire des iris. Pendant de très longues années il n'en a même pas été question. Les descriptions, très succinctes au début, ne faisaient jamais allusion au parfum. Cela tendrait à conforter l'opinion du second interlocuteur, en effet on ne choisit pas un iris en fonction de son parfum . Mais peu à peu les amateurs se sont mis à rechercher l'odeur des fleurs et les obtenteurs, comme les marchands, ont été plus ou moins volontairement amenés à la décrire. Aujourd’hui, toutes les variétés enregistrées, comportent une information concernant leur parfum. Il est donc devenu évident que le parfum est un élément qui compte parmi les informations que recherchent les amateurs, et plus personne n'envisage la description d'une nouvelle variété sans dire un mot de l'odeur qu'elle dégage.

Il n'empêche que ce n'est pas l'élément primordial d'une description. Le second intervenant dans la discussion a raison de préciser que « la première chose que l'on voit, c'est la fleur ». Mais ceci est une évidence et à ce titre une description portera avant tout sur l'allure générale de la plante, la ou les couleurs de la fleur, leurs dispositions sur les tépales, ainsi que sa forme et ses dimensions. Les producteurs, pour séduire le client, insisteront sur la hauteur de la tige, le nombre des boutons, la durée de la floraison, et, le cas échéant, sur le parfum.

C'est à ce endroit qu'intervient la difficulté. En général quand on veut définir le parfum d’une fleur, on le fait par référence à celui de quelque chose de bien connu, facilement identifiable par chacun. Car, à la différence des principales couleurs, le parfum ne dispose pas de mots spécifiques pour le désigner : une fleur peut être blanche ou bleue, pour un parfum il faut obligatoirement avoir recours à un élément de comparaison. Si l'on est un « nez », on saura découvrir les fragrances avec précision. On dira que tel ou tel iris sent le lis blanc, la vanille, le gâteau, la mandarine, le muguet, le chocolat, le chèvrefeuille, la mûre, l’orange ou la fleur d’oranger. Mais la plupart des gens n'ont pas la faculté de faire une analyse aussi pointue. On se contentera donc le plus souvent de parler, d’une façon sommaire, par exemple d'un « fort parfum musqué » ou d'une fleur « légèrement parfumée », avec tout ce que cela comporte d'imprécision et de subjectivité.

Cela dit, alors qu'on n'a guère d'hésitation à propos de l'odeur d'une rose, d'une violette ou d'un citron, on n'entend personne dire d'un ris qu'il sent l'iris ! Les spécialistes feront de l'odeur de notre plante préférée une description minutieuse où il sera question d' « un parfum délicat, fleuri doux légèrement vanillé, hésitant entre celui, frais, du muguet et, envoûtant, de la fleur d’oranger ». Mais ils se garderont bien de dire que cette odeur caractéristique, qu'exhalent le plus grand nombre, est le parfum générique propre aux iris. Cela signifie sans doute que l'iris, même s'il est maintenant universellement répandu, s'il trône depuis des siècles dans nos jardins, n'a toujours pas atteint cette notoriété qui en ferait une fleur de référence. On dira d'un iris qu'il sent la violette ou l’œillet, on ne dit pas encore qu'une rose sent l'iris ! Mais, après tout, si l'on n'attribue le parfum de l'iris à aucune autre fleur, peut-être est-ce par ce que l'odeur de l'iris est tellement particulière qu'il n'y a aucune fleur qui réussisse à l'imiter. Voilà qui serait un nouveau sujet de fierté pour les adorateurs de l'iris que nous sommes !

Illustrations : 

'English Cottage' (Zurbrigg, 1976), un iris au délicieux parfum de chèvrefeuille ; 


'Rondo' (Schreiner, 1973), un plicata fameux qui évoque le chocolat ; 


'Silhouette' (Mary Dunn, 1989), une variété qui a l'odeur de... l'iris !


 'Tuxedo' (Schreiner, 1965), qui sent... mauvais !

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